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Par un arrêt du 10 juillet 2025, la cour d’appel de Montpellier a statué sur un litige opposant plusieurs parties au sujet de désordres affectant un immeuble d’habitation, dans le cadre du régime des catastrophes naturelles.
Les faits de l’espèce remontent à l’année 2005. Des particuliers acquièrent une maison qui avait fait l’objet, en 1998, d’une déclaration de sinistre au titre des catastrophes naturelles. Le vendeur, assuré auprès d’une compagnie d’assurance, avait refusé la réparation proposée par son assureur et s’était contenté de recouvrir les fissures d’enduit. En 2006, l’assureur du vendeur propose une indemnisation aux nouveaux propriétaires, qui l’acceptent sans réaliser les travaux. En 2010, un épisode de précipitations provoque la réouverture des fissures.
Les acquéreurs saisissent le tribunal judiciaire de Montpellier en 2014, assignant l’assureur du vendeur et le cabinet d’expertise. Un expert judiciaire est désigné, qui rend un premier rapport en 2016 puis un rapport complémentaire en 2021. Par jugement du 11 juillet 2023, le tribunal condamne l’assureur des acquéreurs à leur verser la somme de 123 568,03 euros. Cet assureur interjette appel.
La question de droit soumise à la cour était double. Il convenait, d’une part, de déterminer quel assureur devait sa garantie au titre du régime des catastrophes naturelles, la règle étant que le sinistre doit être pris en charge par l’assureur dont le contrat était en cours pendant la période de l’événement climatique cause du sinistre. Il s’agissait, d’autre part, d’apprécier si des fautes de gestion pouvaient être reprochées à l’assureur des acquéreurs dans le traitement du dossier.
La cour d’appel de Montpellier confirme pour l’essentiel le jugement entrepris. Elle retient que « la cause déterminante du sinistre affectant l’immeuble […] est constituée par les mouvements de terrains différentiels consécutifs à la sécheresse et à la ré hydratation des sols dans la période du 01/01/2007 au 31/03/2007 ». Elle condamne l’assureur des acquéreurs à leur verser des dommages et intérêts complémentaires pour préjudice moral, préjudice de jouissance et surcoût de travaux d’agrandissement.
Cet arrêt mérite attention en ce qu’il précise les contours de la garantie catastrophe naturelle quant à la détermination de l’assureur tenu (I) et sanctionne la gestion défaillante du sinistre par l’octroi de dommages et intérêts (II).
I. La détermination de l’assureur tenu à garantie au titre du régime des catastrophes naturelles
La cour d’appel de Montpellier applique la règle de rattachement temporel du sinistre à l’assureur en cours (A), tout en s’appuyant sur une appréciation souveraine des conclusions expertales (B).
A. L’application de la règle de rattachement temporel du sinistre
L’article L. 125-1 du code des assurances institue un régime de garantie obligatoire couvrant les effets des catastrophes naturelles. La jurisprudence a précisé que le sinistre doit être pris en charge par l’assureur dont le contrat était en cours pendant la période de l’événement climatique constitutif de la cause déterminante des dommages.
En l’espèce, l’assureur appelant contestait devoir sa garantie. Il soutenait que les désordres trouvaient leur origine dans un événement antérieur à la vente, donc couvert par l’assureur du vendeur. La cour rejette cette argumentation. Elle retient que « la cause déterminante du sinistre […] est constituée par les mouvements de terrains différentiels consécutifs à la sécheresse et à la ré hydratation des sols dans la période du 01/01/2007 au 31/03/2007 telle que visée dans l’arrêté de catastrophe naturelle du 07/08/2008 ».
Cette solution s’inscrit dans une jurisprudence constante. La garantie catastrophe naturelle suppose un lien de causalité entre l’événement climatique reconnu par arrêté interministériel et les dommages subis. Lorsque plusieurs événements climatiques se succèdent, c’est celui qui constitue la cause déterminante et inévitable des dommages qui désigne l’assureur tenu. La circonstance que des fissures aient préexisté ne suffit pas à exonérer l’assureur en cours lors de l’événement aggravant.
B. L’appréciation souveraine des conclusions de l’expert judiciaire
L’assureur appelant critiquait le rapport de l’expert judiciaire sur un plan formel. Il lui reprochait d’avoir « remplacé l’adverbe probablement par l’adverbe certainement » sans répondre à ses dires. La cour écarte cette critique en relevant que l’appelant « se limite à une critique formelle du rapport » sans demander « ni d’en prononcer la nullité, ni d’organiser une contre-expertise ».
La cour précise que l’expert « n’était pas contraint de répondre dans le détail à l’argumentation des parties » et qu’il « y a nécessairement et implicitement répondu en procédant à l’analyse des éléments factuels constants ». Elle ajoute que « l’expression ‘très certainement’ utilisée par l’expert n’est que l’expression synthétique de ce à quoi ses constatations l’ont conduit ».
Cette motivation illustre le pouvoir souverain des juges du fond dans l’appréciation des rapports d’expertise. L’expert judiciaire n’est pas tenu de répondre point par point aux dires des parties dès lors que ses conclusions sont motivées et circonstanciées. La Cour de cassation ne contrôle pas l’appréciation des éléments de preuve, laissant aux juges du fond le soin d’en tirer les conséquences appropriées.
II. La sanction de la gestion défaillante du sinistre par l’assureur
La cour retient la responsabilité de l’assureur pour faute de gestion génératrice de préjudices multiples (A), tout en exonérant les autres intervenants de toute responsabilité (B).
A. La caractérisation d’une faute de gestion génératrice de préjudices
L’assureur des acquéreurs intervenait également au titre de la garantie défense et recours. La cour relève que cette double casquette était « de nature à créer si ce n’est un conflit du moins une divergence d’intérêts ». Elle constate que l’assureur n’a proposé une prise en charge des travaux que le 6 mai 2021, alors que les assurés sollicitaient une réponse depuis novembre 2012 et que l’estimation du coût des travaux était connue depuis 2016.
La cour énonce qu’il appartenait à l’assureur « de répondre de bonne foi aux obligations nées du contrat d’assurance, en payant les travaux de reprise des dommages, au besoin ‘au nom et pour compte de qui il appartiendra’ et d’exercer les recours qu’il estimait nécessaires ». Elle conclut que « le délai de traitement du sinistre s’est donc révélé disproportionné et déraisonnable ».
Cette solution sanctionne l’inertie de l’assureur. L’obligation de bonne foi dans l’exécution du contrat d’assurance impose à l’assureur de prendre position dans un délai raisonnable. Le doute sur l’identité du débiteur final de la garantie ne saurait justifier une abstention prolongée préjudiciable à l’assuré. L’assureur dispose de la faculté de payer sous réserve de recours, ce qui préserve ses droits tout en satisfaisant son obligation contractuelle.
La cour alloue aux assurés 10 000 euros au titre du préjudice moral, 8 800 euros pour le préjudice de jouissance et 26 281 euros correspondant au surcoût des travaux d’agrandissement retardés. Ces chefs de préjudice sont directement imputables à la faute de gestion.
B. L’exonération des autres intervenants
La cour rejette les demandes dirigées contre l’assureur du vendeur et le cabinet d’expertise. Elle relève que « l’état du bien ne manifestait pas de désordres importants puisque seule une fissure horizontale de 1 mm était observable ». Elle ajoute que le vendeur « avait pris l’initiative de faire effectuer un ravalement de façades dissimulant les fissures et leur importance, que seules des investigations destructrices auraient permis de mettre à jour ».
La cour précise que « la connaissance par le cabinet Polyexpert de la nature des sols de la commune […] n’implique pas de facto un manquement dans l’appréciation des préconisations spécifiques au bien ». Elle observe enfin que les acquéreurs reprochent une préconisation d’agrafage qu’ils considèrent inadaptée alors qu’ils n’ont jamais fait réaliser les travaux malgré le versement de l’indemnité correspondante.
Cette motivation illustre l’exigence d’un lien de causalité entre la faute alléguée et le dommage. L’expert doit apprécier la situation au regard des éléments visibles au moment de son intervention. L’absence de réalisation des travaux préconisés par les assurés eux-mêmes fait obstacle à leur critique de l’inadaptation de ces travaux.
La portée de cet arrêt réside dans la clarification des obligations de l’assureur catastrophe naturelle. Le doute sur l’identité du débiteur de la garantie ne justifie pas l’inertie. L’assureur doit répondre de bonne foi à ses obligations contractuelles, quitte à exercer ultérieurement les recours appropriés. Le cumul des fonctions d’assureur et de protecteur juridique appelle une vigilance particulière pour éviter tout conflit d’intérêts préjudiciable à l’assuré.