Cour d’appel de Montpellier, le 10 septembre 2025, n°22/03964

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Par un arrêt rendu par la Cour d’appel de Montpellier le 10 septembre 2025, la deuxième chambre sociale se prononce sur l’existence d’une discrimination fondée sur l’âge dans le cadre d’une réorganisation interne emportant suppression de responsabilités managériales. La juridiction d’appel était saisie après un jugement prud’homal ayant rejeté la demande de résiliation judiciaire et l’allégation de discrimination formée par une salariée cadre expérimentée. Entre-temps, une inaptitude avec impossibilité de reclassement avait conduit à un licenciement, dont la qualification était également discutée.

Les faits utiles tiennent à un changement d’organisation intervenu au 1er décembre 2019, concomitant au retrait des fonctions d’encadrement exercées par la salariée depuis plusieurs années, sans modification de classification ni de rémunération. Un entretien informel préalable n’avait pas été suivi de la communication d’une fiche de missions, tandis qu’un « pôle projets transverses » d’affectation fut rapidement appelé à disparaître des organigrammes. La salariée a saisi le juge prud’homal pour discrimination en raison de l’âge, manquement à l’obligation de sécurité et résiliation judiciaire. Le premier juge l’a déboutée. En appel, elle sollicitait à titre principal une résiliation produisant les effets d’un licenciement nul, à titre subsidiaire un licenciement sans cause, avec demandes indemnitaires accessoires. L’employeur concluait à la confirmation, invoquant une réorganisation transverse, la réduction de strates hiérarchiques et la conservation de la classification.

La question de droit portait sur le point de savoir si la suppression unilatérale de fonctions managériales, intervenue dans le contexte d’une réorganisation évoquant un ciblage des plus de cinquante-huit ans, « laissent supposer l’existence d’une discrimination en raison de l’âge », et si elle constituait une modification du contrat justifiant une résiliation judiciaire avec effets de licenciement nul. La Cour retient l’existence d’indices graves et concordants, juge la justification de l’employeur insuffisante, et caractérise un manquement grave. Elle rappelle, s’agissant de la charge probatoire, que « Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ». Elle prononce alors la résiliation judiciaire aux torts de l’employeur, avec les effets d’un licenciement nul, tout en confirmant le rejet du grief de manquement à l’obligation de sécurité.

I – La caractérisation d’une discrimination par la combinaison d’indices précis et concordants

A – Le régime probatoire en matière de discrimination et l’exigence d’objectivation
La Cour rappelle la méthode légale de répartition de la preuve issue du code du travail. Le salarié doit présenter des éléments de fait suffisamment significatifs pour susciter un doute sérieux. Dans ce cadre, la formation retient que la suppression des fonctions d’encadrement, l’imprécision persistante sur les missions, l’évaporation rapide du pôle d’affectation et la documentation interne relative à la gestion prévisionnelle des emplois composent un faisceau probant. L’office du juge est alors clair, le texte étant intégralement repris par l’arrêt : « Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ». L’employeur invoque la transversalité et la réduction de strates, mais n’apporte pas de démonstration opérante, notamment sur la réalité fonctionnelle et la pérennité du pôle d’accueil.

B – La suppression de responsabilités managériales comme modification du contrat
La Cour examine ensuite la nature du changement imposé. Elle confronte la fiche d’emploi de niveau conventionnel élevé, qui intègre par essence l’animation d’un champ d’activités et le management possible d’équipes, à la situation postérieure marquée par la perte des fonctions d’encadrement. L’arrêt constate qu’au-delà du maintien de la classification, le retrait des responsabilités managériales constitue une atteinte aux attributions substantielles caractérisant la fonction. Il en déduit une altération du contrat, distincte d’un simple changement des conditions de travail, et souligne la portée de cette qualification dans le débat antidiscriminatoire. La formulation adoptée éclaire la solution retenue : « La modification unilatérale du contrat de travail, de surcroît commise dans un contexte de discrimination en raison de l’âge de la salariée constitue un manquement grave de l’employeur à ses obligations rendant impossible la poursuite de la relation contractuelle laquelle produit les effets d’un licenciement nul au jour du licenciement ».

II – Les conséquences de la discrimination sur la rupture et l’examen des obligations de prévention

A – La résiliation judiciaire et les effets attachés au licenciement nul
Constatant des manquements d’une gravité suffisante, la Cour prononce la résiliation judiciaire aux torts de l’employeur. La qualification de nullité commande l’indemnisation intégrale du préjudice, conformément à la jurisprudence associée au régime antérieur au barème. L’arrêt rappelle nettement la règle d’indemnisation en cas de nullité et d’absence de réintégration demandée : « Lorsque le salarié dont le licenciement est nul ne demande pas sa réintégration dans son poste, ou que celle-ci est impossible, il a droit d’une part aux indemnités de rupture et d’autre part à une indemnité réparant l’intégralité du préjudice résultant du caractère illicite du licenciement ». La Cour alloue une indemnité significative au titre de la perte injustifiée d’emploi, assortie du préavis et du solde conventionnel. La motivation s’inscrit dans une logique de réparation adéquate et de rappel des règles de preuve applicables à la résiliation, soulignées par la formule suivante : « Il lui appartient alors de rapporter la preuve des faits qu’il allègue ».

B – L’obligation de sécurité, appréciée au prisme des mesures de prévention
La salariée invoquait également un manquement à l’obligation de sécurité. La Cour prend soin de distinguer la logique préventive du régime antidiscriminatoire. Elle constate l’existence d’un document unique, de dispositifs d’accompagnement psychosocial et d’une réaction managériale proportionnée à la dénonciation des faits allégués. La formulation retenue circonscrit le contrôle, en privilégiant la preuve d’une organisation effective de la prévention : « Ne méconnaît pas l’obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, l’employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail ». La demande est rejetée sur ce chef, sans atténuer pour autant la gravité de la modification contractuelle discriminatoire, seule génératrice de nullité de la rupture.

L’arrêt articule ainsi le régime probatoire en discrimination avec la qualification stricte des atteintes au contenu du contrat. La solution, solidement motivée, offre une grille d’analyse claire des réorganisations entraînant la disparition d’attributions essentielles, tout en fixant un standard exigeant de justification objective lorsque des indices sérieux de ciblage par l’âge émergent.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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