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Par un arrêt du 10 septembre 2025, la cour d’appel de Montpellier (1re chambre sociale) statue sur l’appel d’un jugement du conseil de prud’hommes de Montpellier du 19 octobre 2023. Le litige porte sur la régularité d’un contrat à durée déterminée conclu pour surcroît d’activité et sur les suites d’une éventuelle requalification.
Une salariée avait été engagée par contrat à durée déterminée du 1er juillet 2018 au 30 juin 2019, pour des missions d’animation et de prévention liées à l’eau et aux risques. Après le terme, elle a saisi le 10 décembre 2020 la juridiction prud’homale d’une demande de requalification en contrat à durée indéterminée et d’indemnités associées.
La juridiction de première instance a jugé l’action non prescrite mais a validé le recours au contrat à durée déterminée, déboutant la salariée. Celle-ci a interjeté appel. Devant la cour, l’employeur oppose la prescription et, subsidiairement, la réalité d’un surcroît d’activité, tandis que la salariée sollicite la requalification et la réparation de la rupture.
L’arrêt confirme l’absence de prescription, requalifie le contrat en contrat à durée indéterminée, qualifie la rupture de licenciement sans cause réelle et sérieuse, applique le barème légal d’indemnisation et alloue diverses sommes. La décision éclaire, d’abord, le contrôle probatoire du motif de recours au contrat à durée déterminée, puis, ensuite, la prescription et les effets indemnitaires.
I. La requalification du contrat à durée déterminée
A. L’exigence d’un motif objectif et la charge de la preuve
Le recours au contrat à durée déterminée requiert un motif précis et circonstancié, dont la preuve incombe à l’employeur. L’arrêt le rappelle sans détour: «C’est à l’employeur de rapporter la preuve d’un accroissement temporaire de l’activité justifiant le recours à un contrat à durée déterminée.» Cette affirmation s’inscrit dans une lecture stricte des cas de recours, afin d’éviter que le contrat temporaire ne se substitue au contrat à durée indéterminée.
La juridiction d’appel vérifie, en conséquence, si des éléments concrets attestent d’un pic d’activité daté, imputable à la structure employeuse, et rendant nécessaire un renfort temporaire. Elle exige des pièces établissant un surcroît mesurable, distinct des missions permanentes et indépendant des coopérations ordinaires avec des partenaires. Cette méthode, sobre, recentre l’analyse sur l’objet et la temporalité du besoin allégué.
B. L’appréciation concrète du surcroît d’activité et l’insuffisance des pièces
Les documents produits démontrent des liens organiques et fonctionnels avec des partenaires institutionnels, mais n’établissent pas un accroissement temporaire imputable à l’employeur, à la date de conclusion du contrat. La mise à disposition partielle au profit d’un organisme consulaire ne suffit pas davantage, faute de montrer un besoin ponctuel propre à l’entité employeuse, distinct d’activités pérennes déjà identifiées.
L’argument tiré d’un plan de coopération sectoriel reste inopérant, l’employeur n’en étant pas signataire et ne démontrant pas l’incidence effective dudit plan sur la volumétrie de ses missions. La cour en déduit que le motif de surcroît d’activité est infondé, ce qui entraîne la requalification en contrat à durée indéterminée. De cette requalification résultent, classiquement, les conséquences de droit relatives à la rupture.
II. Prescription et conséquences indemnitaires
A. Le point de départ du délai en cas de contestation du motif de recours
La cour précise le régime applicable lorsque la requalification est demandée au titre du motif de recours. Elle cite expressément que «En revanche, lorsque l’action est fondée sur le motif du recours, le délai de prescription démarre à la date de fin du CDD ou du dernier contrat en cas de CDD successifs (Cass. soc., 29 janv. 2020, no 18-15.359 ; Cass. soc., 30 juin 2021, no 19-16.655).» Le terme du contrat fixe donc le point de départ, peu important la connaissance antérieure des faits.
Appliquée aux dates de l’espèce, cette règle conduit à écarter la prescription, la saisine étant intervenue dans le délai biennal courant du terme. La solution confirme une orientation jurisprudentielle pragmatique, qui sécurise le droit d’agir lorsque la contestation vise la justification même du recours au contrat à durée déterminée.
B. Les effets financiers: indemnités, barème légal et indemnité de précarité
La requalification acquis, l’arrêt ordonne l’indemnité de requalification, l’indemnité compensatrice de préavis et les congés afférents, ainsi que l’indemnité légale de licenciement. Il rappelle utilement que «il est constant que lorsque le salarié obtient la requalification de son CDD en CDI, l’indemnité de précarité qu’il a perçue avant cette requalification lui reste acquise (Cass. soc., 30 mars 2005, no 03-42.667 ; Cass. soc., 16 sept. 2009, no 07-42.872).» L’employeur ne peut donc l’imputer sur les sommes allouées au titre de la rupture.
S’agissant des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, la cour retient le barème d’indemnisation. Elle énonce que «le barème d’indemnisation du salarié licencié sans cause réelle et sérieuse n’est pas contraire à l’article 10 de la convention nº158 de l’OIT, le juge français ne peut écarter, même au cas par cas, l’application dudit barème au regard de cette convention internationale et la loi française peut faire l’objet d’un contrôle de conformité à l’article 24 de la charge sociale européenne, qui n’est pas d’effet direct. Dès lors, le texte doit être appliqué.» La réparation est donc encadrée par les planchers et plafonds, calibrée au regard d’une ancienneté inférieure à un an et d’un effectif réduit.
La décision articule ainsi un contrôle exigeant du motif de surcroît d’activité avec une application ferme des règles de prescription et du barème légal. Elle rappelle enfin que la coopération institutionnelle, si utile soit-elle, ne dispense jamais de prouver un besoin temporaire et précisément daté lorsqu’un contrat à durée déterminée est mobilisé.