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Par un arrêt de la Cour d’appel de Montpellier, 2e chambre sociale, du 11 septembre 2025, le licenciement d’un salarié pour insuffisance professionnelle est confirmé. La décision précise le standard probatoire du motif et la portée de la motivation de la lettre de rupture.
Engagé en contrat à durée indéterminée comme conseiller auprès de professionnels, le salarié a bénéficié d’une mobilité interne et d’un accompagnement renforcé. L’employeur a relevé des erreurs répétées dans des dossiers de crédit, des manques de pièces, un non-respect des délégations et des entrées en relation déficientes. Les délégations ont été suspendues et un plan d’accompagnement de six mois, assorti de formations, a été mis en œuvre. Une lettre du 30 juillet 2020 a notifié le licenciement pour insuffisance professionnelle, complétée le 18 août 2020.
Saisi, le conseil de prud’hommes de Perpignan, le 20 juin 2022, a retenu une cause réelle et sérieuse et débouté le salarié. Celui-ci a interjeté appel en contestant la motivation de la lettre et le bien-fondé des griefs, et en sollicitant des dommages et intérêts. L’employeur a demandé la confirmation et une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile. La cour confirme le jugement et statue à nouveau sur les frais irrépétibles et les dépens.
La cour rappelle d’abord le cadre juridique applicable. « L’insuffisance professionnelle, qui se définit comme l’inaptitude du salarié à exécuter correctement les tâches et missions qui lui sont confiées, compte tenu de sa qualification, en vertu du contrat de travail, peut constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement lorsqu’elle repose sur des éléments précis, objectifs et imputables au salarié. » Elle précise le régime de la preuve : « La charge de la preuve est partagée, le juge formant sa conviction au vu des éléments fournis par les parties. Si un doute subsiste, il profite au salarié. » Elle distingue enfin l’exigence de performance du terrain disciplinaire : « Par ailleurs, l’insuffisance de résultats ne saurait constituer en soi une cause de sanction disciplinaire, elle doit procéder d’une insuffisance professionnelle ou d’une faute du salarié, sous réserve que les objectifs fixés soient réalistes et que le salarié soit responsable de ne pas les avoir atteints. » Appliquant ces principes, la juridiction retient la suffisance de la motivation et l’établissement des manquements. Elle relève que « Ces faits reprochés sont suffisamment précis et en tout cas matériellement vérifiables, en sorte que la lettre de licenciement est suffisamment motivée. » Puis conclut : « Dès lors, le licenciement pour insuffisance professionnelle est fondé. »
I – L’insuffisance professionnelle : critères et contrôle de motivation
A – Définition retenue et standard probatoire
La décision pose un rappel net du régime applicable, centré sur l’objectivation des griefs et leur imputabilité au salarié. La formule claire mérite d’être soulignée : « L’insuffisance professionnelle (…) peut constituer une cause réelle et sérieuse (…) lorsqu’elle repose sur des éléments précis, objectifs et imputables au salarié. » Le contrôle opéré est probatoire et contradictoire. La cour affirme que « La charge de la preuve est partagée, le juge formant sa conviction au vu des éléments fournis par les parties. Si un doute subsiste, il profite au salarié. » Cette clause de sauvegarde consacre l’exigence d’éléments concrets, vérifiables et répétés, afin d’écarter la seule appréciation subjective.
Le raisonnement distingue encore l’insuffisance de résultats d’une faute disciplinaire. La solution tient en une clause de principe : « Par ailleurs, l’insuffisance de résultats ne saurait constituer en soi une cause de sanction disciplinaire (…) ». La cour vérifie que les objectifs invoqués sont réalistes et que l’inexécution est imputable au salarié. Elle qualifie ici une insuffisance professionnelle par des manquements réitérés dans l’instruction de crédits, la conformité documentaire et la préparation des entretiens, appréciés au regard d’une qualification déterminée.
B – La lettre de licenciement et l’exigence de précision
Le respect de la délimitation du litige par la lettre de rupture est expressément rappelé. La cour souligne que « la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, est rédigée comme suit : ». Elle admet la précision complémentaire apportée postérieurement, conformément au régime permettant la clarification des motifs. Le contrôle porte sur la matérialité et la vérifiabilité des griefs listés, non sur l’exhaustivité des pièces jointes à la lettre.
Le contenu cité est significatif et circonstancié. La lettre indique notamment : « Cette décision fait suite aux constats de manquements répétés dans l’exercice des activités essentielles de votre métier de Conseiller aux Professionnels (…) Les différentes mesures d’aides mises en place par l’entreprise : mobilité, suivi managérial et plan d’accompagnement n’ont pas permis de constater d’amélioration. » Elle précise encore : « Ces manquements répétés ont contraint votre management à suspendre vos délégations. » La cour en déduit que « Ces faits reprochés sont suffisamment précis et en tout cas matériellement vérifiables ». Le contrôle de motivation est ainsi satisfait, en adéquation avec l’exigence de précision et d’objectivation des faits.
II – Appréciation in concreto et portée de la solution
A – La convergence des éléments factuels et l’imputabilité des manquements
L’arrêt retient la constance et la répétition des anomalies relevées, au-delà de quelques reproches non corroborés. La cour synthétise : « Ainsi, il résulte de l’ensemble de ces éléments que plusieurs responsables ont constaté les manquements du salarié en dépit des observations et remarques qui lui étaient faites dans le cadre du plan d’accompagnement mis en place en septembre 2019 par l’employeur et qu’ils ont relevé la perte de confiance et le risque pour l’établissement bancaire du fait des négligences persistantes du salarié dans le traitement de ses dossiers. » Le faisceau d’indices comprend notamment des erreurs de saisie déterminantes, des manques en conformité d’entrées en relation, des opérations décidées malgré la suspension des délégations, et des rectifications tardives.
La juridiction écarte des moyens inopérants, étrangers à l’imputabilité des manquements. Elle énonce que « Le moyen tiré de ce que l’employeur a proposé une rupture conventionnelle au salarié est sans incidence sur le litige, une partie étant libre de soumettre à l’autre partie une telle proposition. » Elle ajoute que « Le moyen tiré de ce que la suspension des délégations n’aurait pas été notifiée par écrit est sans incidence sur l’appréciation des pièces du dossier en ce qu’il est constant que le salarié a été informé de cette décision de suspension. » La preuve, partagée, converge ici vers une inaptitude professionnelle persistante, malgré l’accompagnement et les rappels.
B – Portée pratique : exigences de traçabilité et de proportion
La solution confirme une ligne jurisprudentielle exigeant une traçabilité des manquements et des mesures de soutien. L’accompagnement formalisé, le retrait des délégations, les contrôles internes et les relances écrites constituent des repères probatoires déterminants. La lettre doit décrire des faits vérifiables et imputables, non se borner à des appréciations générales. Elle peut être utilement précisée, sans altérer la délimitation initiale du litige.
L’arrêt rappelle aussi la frontière entre objectifs chiffrés et insuffisance professionnelle. La seule contre-performance ne suffit pas ; il faut établir la défaillance dans l’exécution des tâches selon la qualification. Ici, l’accumulation d’erreurs opérationnelles, la réitération malgré l’aide, et le risque généré pour l’établissement ont emporté la conviction du juge. L’issue s’impose alors, conformément au principe rappelé : « Dès lors, le licenciement pour insuffisance professionnelle est fondé. »