Cour d’appel de Montpellier, le 11 septembre 2025, n°22/04477

La Cour d’appel de Montpellier, 11 septembre 2025, 2e chambre sociale, statue sur plusieurs litiges relatifs à la durée du travail et à la rupture. Sont discutés des heures supplémentaires, une dissimulation d’emploi salarié, des obligations d’entretien et de formation, un régime d’astreinte, ainsi que la justification du licenciement.

Le salarié, engagé en 2016 avec reprise d’ancienneté, exerçait des fonctions d’encadrement sur un site d’exploitation, avec permanences et interventions effectives certains week-ends. L’employeur l’a licencié pour cause réelle et sérieuse, en invoquant une annulation collective de congés et une gestion défaillante d’un accident du travail.

Le conseil de prud’hommes a reconnu des heures supplémentaires, rejeté le travail dissimulé, confirmé la cause réelle et sérieuse, et alloué des dommages-intérêts pour formation. La Cour d’appel confirme les heures supplémentaires en rehaussant le rappel, retient le travail dissimulé, sanctionne les astreintes, rejette le grief de formation, et confirme la rupture.

La décision précise la charge probatoire des heures supplémentaires et le critère d’intention, puis délimite les obligations sociales et la caractérisation de la cause réelle et sérieuse. D’abord, l’arrêt ordonne la preuve et la qualification en matière de durée du travail. Ensuite, il cadre les obligations de l’employeur et l’appréciation de la rupture.

I. La durée du travail et ses incidences

A. La preuve aménagée des heures supplémentaires

La Cour applique le régime probatoire aménagé prévu par les articles L. 3171-2 à L. 3171-4, en exigeant des éléments suffisamment précis du salarié. Elle énonce à ce titre : « Il résulte de ces dispositions, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. »

Sur cette base, l’arrêt retient des connexions, des messages et un tableau détaillé, puis reproche à l’employeur l’absence d’éléments contradictoires utiles. Il rappelle encore que « Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. » L’évaluation du quantum relève ensuite d’un pouvoir souverain, conforme à la formule suivante : « Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’ heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant, la chambre sociale de la Cour de cassation précisant selon une jurisprudence constante que le juge prud’homal ne saurait faire peser la charge de la preuve que sur le seul salarié. »

La solution est convaincante, car elle distingue clairement astreinte et intervention effective, et valorise des traces d’activité non contestées par un suivi fiable. Elle renforce l’exigence d’outils de décompte infalsifiables pour les agents de maîtrise, faute de quoi l’estimation judiciaire majorera nécessairement les rappels dus.

B. L’intention en travail dissimulé et l’indemnité forfaitaire

La Cour qualifie le manquement d’intentionnel au regard des messages adressés hors horaires, de la connaissance hiérarchique, et de l’absence de suivi des interventions durant les astreintes. Elle fixe le cadre en rappelant que « L’article L. 8221-1 du code du travail prohibe le travail totalement ou partiellement dissimulé, et l’article L. 8221-5 2° du même code dispose notamment qu’est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié, le fait pour un employeur de mentionner sur les bulletins de paie un nombre d’heures inférieur à celui réellement accompli. » Elle ajoute enfin : « Au terme de l’article L 8223-1 du code du travail, le salarié auquel l’employeur a recours en commettant les faits prévus à l’article L 8221-5 précité a droit, en cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire. »

La motivation s’inscrit dans la ligne de la jurisprudence sociale exigeant un élément intentionnel, souvent déduit de la répétition et de la tolérance hiérarchique. La reconnaissance d’une indemnité forfaitaire, ici chiffrée à six mois, illustre l’efficacité contentieuse de la traçabilité numérique et du défaut d’organisation du temps.

II. Pouvoir de direction, obligations sociales et rupture

A. Entretiens professionnels, formation et astreintes conventionnelles

S’agissant des entretiens et de la formation, la Cour écarte toute faute, retenant des actions suivies et l’absence d’obligation d’accepter un projet de formation au titre du CPF. En revanche, elle sanctionne le non-respect des règles d’astreinte de la convention collective applicable, rappelant que « L’astreinte est limitée à 7 jours, consécutifs ou non, par période de 4 semaines. » Elle souligne encore que « Chaque salarié devra bénéficier d’au moins 24 heures de repos, sans travail et sans astreinte, par période de 8 jours consécutifs et d’au moins deux dimanches libres sur quatre. »

L’indemnisation du préjudice, indépendante de la rémunération d’astreinte, rappelle l’autonomie de la responsabilité conventionnelle et l’exigence de concilier continuité du service et repos effectif. La décision incite à formaliser les plannings, à consulter le comité social et économique, et à prévenir les séquences prolongées en sous-effectif.

B. La cause réelle et sérieuse à l’épreuve des manquements

La Cour contrôle successivement l’allégation de dégradation des conditions de travail, puis retient deux fautes professionnelles avérées, relatives aux congés et à la gestion d’un accident du travail. Elle encadre l’examen par le rappel suivant : « En vertu de l’article L.1232-1 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse. » Elle conserve également la boussole probatoire tirée de l’article L. 1235-1 : « si un doute subsiste, il profite au salarié. »

Aucun élément d’enquête n’étayant le premier grief, il est écarté, tandis que les deux autres révèlent un défaut de discernement et un manquement aux obligations de sécurité. L’appréciation distingue utilement les obligations de prévention générales et les exigences de traçabilité immédiate des accidents, ces dernières n’appelant aucune initiative du salarié blessé. Le maintien de la rupture s’inscrit dans une logique de proportion, compte tenu d’antécédents disciplinaires, sans excéder la réaction attendue d’un employeur diligent.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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