Cour d’appel de Montpellier, le 11 septembre 2025, n°25/02365

Rendue par la cour d’appel de Montpellier le 11 septembre 2025, la décision commente une demande de rectification d’omission matérielle formée après un arrêt du 2 avril 2025. Ce précédent arrêt avait notamment prononcé la résiliation judiciaire des contrats aux torts des employeurs et statué sur diverses demandes salariales. Il ressort de son analyse que la cour avait, dans ses motifs, alloué une somme au titre du manquement à l’obligation de sécurité, sans reprendre cette condamnation dans le dispositif.

Le litige naît d’une relation de travail marquée par des différends relatifs au temps de travail, à des sanctions disciplinaires et à la sécurité. Le conseil de prud’hommes de Perpignan avait statué en 2021. Saisi de l’appel, l’arrêt du 2 avril 2025 a partiellement confirmé et partiellement infirmé, puis a prononcé la résiliation aux torts des employeurs en fixant des indemnités. Le salarié a, le 17 avril 2025, sollicité la rectification d’une omission affectant le dispositif, la partie adverse s’en rapportant à justice. La cour relève que « Il résulte des énonciations de l’arrêt rendu le 2 avril 2025 » que la solution sur l’obligation de sécurité figurait en motivation, mais non en dispositif.

La question posée est classique en procédure civile. L’omission, portant sur une condamnation explicitement décidée dans les motifs, peut-elle être réparée sur le fondement de l’article 462 du code de procédure civile, sans altérer la substance de la décision ni rouvrir le débat? La cour répond par l’affirmative, retenant que l’arrêt initial « Il est affecté d’une omission purement matérielle ». Elle en déduit que « Il convient en conséquence de rectifier/compléter l’arrêt en ce sens », et ordonne l’adjonction au dispositif de la condamnation omise.

I. Les conditions de la rectification pour omission matérielle

A. Le cadre de l’article 462 du code de procédure civile

La rectification des erreurs et omissions matérielles corrige l’expression de la décision, sans en modifier la portée. Elle vise les décalages évidents entre le contenu voulu par le juge et sa traduction formelle. Le contrôle porte sur la nature de l’irrégularité, qui doit ressortir des éléments internes à la décision ou de pièces procédurales certaines.

En l’espèce, la cour qualifie l’irrégularité d’« omission purement matérielle ». Elle constate que la condamnation au titre de l’obligation de sécurité avait été clairement décidée dans les motifs, puis omise lors de la rédaction du dispositif. La rectification n’ajoute pas une nouvelle sanction; elle assure la conformité du dispositif à la solution juridictionnelle déjà exprimée.

B. Le rôle des motifs pour révéler l’omission du dispositif

La distinction entre motifs et dispositif commande l’autorité de la chose jugée, laquelle s’attache au seul dispositif. Toutefois, les motifs peuvent éclairer le sens du dispositif et, en cas d’incohérence, révéler une omission formelle susceptible d’être réparée. Le juge de la rectification n’interprète pas au-delà du raisonnable; il constate une discordance objective.

La motivation citée par la cour met en évidence la solution passée sous silence dans le dispositif, en ces termes « au paiement de la somme de 5 000 euros de dommages-intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité ». Cette mention précise l’objet, le fondement et le quantum, matérialisant une décision juridictionnelle complète. L’omission ne relève donc pas d’un débat sur le fond; elle traduit un défaut de reprise matérielle.

II. La portée de la rectification et ses limites protectrices de la décision

A. L’alignement du dispositif sur la décision sans altération de substance

La rectification autorisée par l’article 462 ne peut remodeler la décision ni substituer un raisonnement nouveau. Elle se borne à réparer l’écart entre la décision effectivement rendue et sa formulation écrite, afin de garantir la sécurité juridique et l’effectivité de la chose jugée.

La cour s’y conforme en ordonnant l’adjonction de la condamnation omise. Elle énonce « Ordonne la rectification du dispositif de l’arrêt rendu par la présente juridiction le 2 avril 2025 (RG n°21/3135) ». L’office du juge de la rectification se limite ici à transcrire dans le dispositif une solution déjà arrêtée, sans modification des droits ni aggravation imprévisible de la charge des employeurs.

B. Les effets procéduraux de la rectification sur l’exécution et les dépens

La mention en marge et dans les expéditions assure la publicité et la traçabilité de la correction. Elle garantit que les titres exécutoires reflètent exactement la volonté juridictionnelle, évitant de nouveaux incidents d’exécution ou des résistances infondées. La régularité documentaire est indissociable de la sécurité juridique.

Aussi la cour prescrit « Ordonne qu’il soit fait mention de cette rectification en marge de la minute de la décision en cause et des expéditions qui en seront délivrées. » Cette précision facilite l’exécution forcée de la condamnation ajoutée, sans nécessiter un nouveau jugement. Enfin, la solution ménage l’équité procédurale en relevant que la charge des frais revient à la collectivité, la cour décidant « Laisse les dépens à la charge du Trésor. » Cette option confirme la nature technique de la rectification et l’absence de véritable succombance nouvelle.

Ainsi, la décision articule avec rigueur le régime de l’article 462 et la primauté du dispositif, tout en mobilisant les motifs comme instrument de vérification. Elle renforce la cohérence formelle de l’arrêt initial, sans empiéter sur la substance du droit jugé, et préserve l’efficacité du titre exécutoire au bénéfice de la sécurité juridique des relations de travail.

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Hassan KOHEN
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