Cour d’appel de Montpellier, le 17 juin 2025, n°25/00066

Par un arrêt du 17 juin 2025, la cour d’appel de Montpellier, chambre commerciale, statue sur l’admission d’intérêts à échoir déclarés par un prêteur en sauvegarde. Un prêt d’équipement de 772 000 euros, conclu en 2019 pour 120 mois au taux fixe de 1,5 %, a précédé l’ouverture de la procédure en 2023. Le créancier a déclaré sa créance en novembre 2023, incluant capital et intérêts à échoir; le mandataire a contesté, proposant une admission limitée au seul capital restant dû. Le juge-commissaire a admis ce capital en décembre 2024, rejetant le surplus; l’appel de janvier 2025 invoque les articles L.622-28 et R.622-23 du code de commerce. La question vise la suffisance d’une déclaration mentionnant principal et taux, sans modalités chiffrées ni pièce jointe, pour admettre des intérêts dont le cours n’est pas arrêté. La cour confirme l’ordonnance et juge qu’une telle mention ne vaut pas déclaration des intérêts à échoir, faute de préciser les modalités de calcul ou d’y renvoyer expressément.

I. La rigueur déclarative gouvernant l’admission des intérêts à échoir

A. Le cadre légal et la déterminabilité exigée
L’arrêt s’inscrit dans la logique de l’article L.622-28, selon lequel les intérêts cessent sauf pour certains prêts, et de l’article R.622-23, exigeant l’indication des modalités de calcul. La cour rappelle ensuite que l’admission des intérêts à échoir dépend d’une déterminabilité objectivable à la date de la déclaration, distincte des aléas ultérieurs de la procédure collective. La décision retient l’admission possible lorsque les intérêts sont calculables sans tenir compte d’événements postérieurs, mais la subordonne à une information suffisante fournie dès l’origine.

B. L’insuffisance d’une simple mention du taux sans assiette ni renvoi
Le cœur de la motivation tient en ce principe, formulé ainsi: « Or la seule mention dans une déclaration de créance du principal de la créance et de l’indication du seul taux des intérêts de retard ne peut, en l’absence de précision sur les modalités de calcul des intérêts dans la déclaration elle-même ou par renvoi express de celle-ci à un document joint indiquant ces modalités, valoir déclaration des intérêts dont le cours n’était pas arrêté ». La cour en déduit que le créancier doit, soit détailler l’assiette et la méthode, soit renvoyer expressément à une pièce jointe contenant ces éléments de calcul. La motivation s’attache ensuite au cas d’espèce: « En l’espèce, le montant du capital amorti n’était pas précisé de sorte que l’assiette des intérêts appliqués était ignoré, le tableau d’amortissement évoqué n’étant pas joint à sa déclaration ». La cour souligne encore: « Ce n’est qu’un an plus tard, le 16 juillet 2024, que la banque a adressé le tableau d’amortissement du prêt ». La conséquence s’impose, résumée par l’affirmation finale: « C’est dès lors à juste titre que le juge-commissaire a rejeté la créance relativement aux intérêts de retard ».

II. Valeur et portée d’une solution de sécurité procédurale

A. Conformité jurisprudentielle et équilibre des intérêts
La solution n’écarte pas l’enseignement classique admettant des intérêts à échoir lorsque leur calcul est déterminable à la date de la déclaration, indépendamment des événements ultérieurs. La solution se concilie avec Com., 13 février 2019, n° 17-26.361, qui admet l’inscription des intérêts à échoir lorsque leur montant est calculable à la date de déclaration. Elle en précise les conditions probatoires, en exigeant une intelligibilité immédiate du calcul, soit par une description interne précise, soit par un renvoi express à un document déterminant. La motivation accueille l’argument normatif, en ces termes: « L’intimée fait valoir exactement que le législateur a justement prévu, pour tenir compte des effets du jugement d’ouverture et des éventuels rééchelonnements en découlant, que les intérêts postérieurs non arrêtés se déclarent par la mention de leurs modalités de calcul, ou à défaut, cela reviendrait à aggraver la situation du débiteur en cas de règlement anticipé du prêt dans le cadre de la procédure ou à aggraver la situation du créancier en cas de règlement échelonné plus long dans le cadre de la procédure. » La solution apparaît ainsi équilibrée, préservant la neutralité procédurale tout en garantissant la sécurité de l’état des créances dès la clôture de la vérification.

B. Incidences pratiques pour la déclaration des créances financières
Les prêteurs devront annexer le tableau d’amortissement en vigueur, ou détailler l’assiette et la formule, à peine de rejet des intérêts à échoir lors de la vérification. À défaut, une production ultérieure ne remédie pas à l’insuffisance initiale, la cour relevant qu’un envoi un an après la déclaration ne peut régulariser la forclusion partielle. La pratique gagnera à standardiser des modèles de déclaration précisant l’assiette, la périodicité et la méthode, avec renvoi explicite aux pièces contractuelles pertinentes, datées et identifiables. Au-delà des prêts amortissables, l’exigence s’étendra raisonnablement aux intérêts variables, découverts ou facilités renouvelables, pour lesquels la déterminabilité doit pareillement résulter d’éléments communiqués ab initio. La solution contribue enfin à la sincérité des plans, en évitant toute surévaluation ou minoration mécanique du passif financier liée à des mentions lacunaires lors des déclarations.

📄 Circulaire officielle

Nos données proviennent de la Cour de cassation (Judilibre), du Conseil d'État, de la DILA, de la Cour de justice de l'Union européenne ainsi que de la Cour européenne des droits de l'Homme.
Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

Maître Kohen, avocat à Paris en droit pénal et droit du travail, accompagne ses clients avec rigueur et discrétion dans toutes leurs démarches juridiques, qu'il s'agisse de procédures pénales ou de litiges liés au droit du travail.

En savoir plus sur Kohen Avocats

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Poursuivre la lecture