Cour d’appel de Montpellier, le 19 juin 2025, n°21/02306

La Cour d’appel de Montpellier, 19 juin 2025, statue sur la fixation du taux d’incapacité permanente partielle d’une victime d’un accident du travail et sur l’octroi d’un coefficient professionnel. L’enjeu central tient à la prise en compte d’un état antérieur indemnisé et à la preuve d’un préjudice professionnel imputable, au sens de l’article L 434-2 du code de la sécurité sociale et du barème indicatif d’invalidité. La victime, agent de service, a subi un accident en 2014 touchant la cheville droite, avec consolidation en 2019. L’organisme a d’abord fixé un taux de 12 %, puis la commission médicale de recours amiable l’a porté à 20 %, en retenant une équivalence avec un blocage en équin pouvant justifier 25 %, minoré de 5 % pour l’état antérieur. Le pôle social du tribunal judiciaire de Montpellier a ensuite fixé un taux global de 27 %, comprenant 2 % au titre professionnel, sur la base d’une consultation ayant retenu 25 % sur critères strictement médicaux. En appel, l’organisme sollicite l’infirmation et la fixation à 20 %, en soutenant la neutralisation du taux antérieur et l’absence de preuve d’un impact professionnel. L’assurée conclut à la confirmation, invoquant l’ampleur des séquelles fonctionnelles et des difficultés de reprise. La question posée à la cour est double, relative à la méthode de calcul du taux au regard d’un état antérieur déjà indemnisé, et aux conditions d’un coefficient professionnel. La cour retient un taux d’IPP de 20 % et refuse tout coefficient professionnel.

I. La détermination du taux médical d’incapacité permanente au regard de l’état antérieur

A. Le rattachement barémique et la qualification des séquelles
La décision retient une limitation fonctionnelle majeure de l’articulation tibio-tarsienne et l’impossibilité d’appui talonnier, juridiquement assimilées à un blocage en équin. Elle se réfère au barème indicatif d’invalidité, qui prévoit, pour cette configuration, un taux de référence clair. L’arrêt rappelle utilement que « le taux de l’incapacité permanente est déterminé d’après la nature de l’infirmité, l’état général, l’âge, les facultés physiques et mentales de la victime ainsi que d’après ses aptitudes et sa qualification professionnelle ». Il se fonde aussi sur l’exigence de temporalité stricte de l’évaluation, citant que « selon une jurisprudence constante, le taux d’incapacité permanente partielle doit être fixé en fonction de l’état séquellaire au jour de la consolidation […] sans que puissent être pris en considération des éléments postérieurs à cette consolidation ». La qualification des séquelles comme équivalentes à un « blocage de la cheville, pied en équin prononcé » s’inscrit dans la fourchette de 20 à 35 %, justifiant le choix médian de 25 % au titre médical.

B. La neutralisation de l’état antérieur et l’appréciation souveraine
La cour contrôle ensuite la méthode, en imposant la prise en compte de l’état antérieur indemnisé à 5 %, qui doit être soustrait de l’évaluation liée aux seules séquelles imputables à l’accident en cause. Elle souligne l’erreur de la consultation médicale qui n’avait pas opéré cette neutralisation, bien que l’existence d’un antécédent eût été constatée. Ce raisonnement s’accorde avec l’affirmation que « il relève de l’appréciation souveraine et motivée des juges du fond » de fixer le taux, sous le contrôle des critères légaux et du barème. La solution, rigoureuse, assure la cohérence du quantum indemnisable avec le principe d’imputabilité. La cour en tire la conséquence attendue, en retenant la valeur médiane de 25 %, minorée de 5 % au titre antérieur. Elle statue alors que « il convient de fixer à 20 % le taux d’incapacité permanente » pour les seules séquelles indemnisables.

II. Le coefficient professionnel entre composante de l’IPP et preuve du lien causal

A. Le rappel des exigences légales et jurisprudentielles
Le texte de référence intègre la dimension professionnelle dans l’appréciation globale, ce que l’arrêt énonce clairement en ces termes : « Les aptitudes et la qualification professionnelle de la victime constituent une des composantes de l’incapacité permanente ». L’octroi d’un supplément suppose toutefois une démonstration probante d’un préjudice économique ou d’une réduction d’aptitude, en lien direct et certain avec les séquelles. La décision retient également que « un coefficient professionnel peut être appliqué tenant compte des risques de perte d’emploi ou de difficultés de reclassement », en continuité avec la jurisprudence sociale. La méthode ne se confond pas avec la seule pénibilité ressentie, mais exige des éléments concrets et contemporains de la consolidation.

B. La défaillance probatoire et ses implications pratiques
La cour vérifie les pièces versées et constate l’absence de documents établissant un empêchement professionnel imputable aux séquelles, tel qu’un avis d’inaptitude, une mesure de licenciement ou des éléments économiques précis. Elle relève que les éléments invoqués, bien que sérieux, ne suffisent pas à prouver un lien causal direct au moment décisif. Dans cette configuration, la rigueur probatoire s’impose, et l’arrêt tranche nettement en ces termes : « Dès lors, il convient de la débouter de sa demande sur ce point ». La portée pratique est double pour les assurés et les organismes. Elle commande, côté assuré, une documentation étayée sur l’impact professionnel à la date utile. Elle conforte, côté organisme, une grille de lecture fondée sur le barème et sur des indices professionnels objectivés.

L’arrêt opère ainsi une conciliation soignée entre l’évaluation barémique des séquelles et la neutralisation d’un antécédent, dans une lecture fidèle du cadre légal. Il fixe un taux de 20 % en imputant strictement les séquelles à l’accident en cause, tout en refusant le coefficient professionnel faute de preuve suffisante du lien direct avec la situation professionnelle, au jour de la consolidation.

📄 Circulaire officielle

Nos données proviennent de la Cour de cassation (Judilibre), du Conseil d'État, de la DILA, de la Cour de justice de l'Union européenne ainsi que de la Cour européenne des droits de l'Homme.
Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

Maître Kohen, avocat à Paris en droit pénal et droit du travail, accompagne ses clients avec rigueur et discrétion dans toutes leurs démarches juridiques, qu'il s'agisse de procédures pénales ou de litiges liés au droit du travail.

En savoir plus sur Kohen Avocats

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Poursuivre la lecture