Cour d’appel de Montpellier, le 24 juin 2025, n°24/03122

Par un arrêt de la Cour d’appel de Montpellier, 24 juin 2025, chambre commerciale, le juge tranche un litige de paiement portant sur les effets d’un règlement par un tiers. L’affaire naît d’une facture émise le 31 mars 2022, exigible au 30 avril 2022, suivie d’un virement de 10 321,56 euros effectué le 30 mai 2022 par une société dirigée par le débiteur. Après mise en demeure le 2 août 2022 pour 17 075,48 euros et assignation le 3 août 2023, le tribunal de commerce de Perpignan, 14 mai 2024, a condamné le débiteur au seul solde de 6 753,92 euros. L’appelante soutenait que le virement correspondait à une dette propre du tiers, invoquait l’absence de subrogation et contestait toute imputation sur la dette personnelle du débiteur. L’intimé n’a pas conclu. Des conclusions postérieures à l’ordonnance de clôture du 19 mars 2025 ont été déposées le 3 avril 2025.

La question posée à la Cour d’appel de Montpellier tient à la qualification et aux effets d’un paiement par un tiers au regard de l’article 1342-1 du code civil, ainsi qu’à la possibilité pour le créancier d’en contester l’imputation en invoquant un défaut de pouvoir du payeur ou l’état de cessation des paiements. La Cour déclare d’abord irrecevables les écritures post‑clôture, puis rappelle que, selon l’article 1342-1, « le paiement peut être fait même par une personne qui n’y est pas tenue, sauf refus légitime du créancier ». Constatant l’identité parfaite entre le virement de 10 321,56 euros et la facture visée, l’absence d’échéance équivalente au débit du tiers et l’acceptation du règlement, elle juge que la dette du débiteur a été partiellement éteinte. Le moyen tiré de la cessation des paiements est écarté, la procédure collective étant postérieure au virement. Le jugement est confirmé en toutes ses dispositions.

I. Le sens de la décision

A. Le rappel procédural et l’irrecevabilité des écritures post‑clôture
La Cour applique strictement la discipline de la clôture, en retenant qu’« Aucune cause grave n’étant alléguée et a fortiori démontrée, il y a lieu de déclarer irrecevables les conclusions post clôture déposées par l’appelante ». Le contrôle s’opère au regard du seul critère de gravité, sans considération du fond, garantissant l’égalité des armes et la stabilité du débat.

B. La qualification du virement comme paiement par un tiers libératoire
La Cour mobilise l’article 1342-1 et cite que « le paiement peut être fait même par une personne qui n’y est pas tenue, sauf refus légitime du créancier ». Elle retient l’imputation sur la dette personnelle, faute de créance équivalente au débit du tiers et au vu de la concordance de montant et d’échéance. L’acceptation du virement exclut tout refus légitime ultérieur et rend inopérants le défaut de subrogation et l’absence de remboursement interne, qui relèvent des rapports entre tiers payeur et débiteur. La contestation fondée sur un défaut de pouvoir est écartée, le créancier ne pouvant, après réception, neutraliser un paiement valable par des moyens étrangers à l’obligation principale.

La solution dégagée appelle une appréciation de sa cohérence avec la théorie de la subrogation et des procédures collectives, ainsi qu’une évaluation de ses effets pratiques sur l’économie du recouvrement.

II. Valeur et portée

A. Conformité au droit positif et articulation avec la subrogation
La décision se conforme au texte en dissociant l’extinction de l’obligation, possible par tout tiers, de la transmission de l’action par subrogation, qui ne conditionne pas la libération du débiteur. Le « refus légitime » demeure circonscrit, et l’acceptation du règlement par le créancier emporte imputation, sauf stipulation contraire. La Cour renforce ainsi la sécurité de l’imputation lorsque la preuve comptable révèle l’absence de dette concurrente du tiers payeur. Elle écarte également l’argument de la cessation des paiements par une motivation brève et précise : « Le moyen tiré de l’état de cessation des paiements […] ne peut davantage être retenu […] bien postérieurement au virement litigieux. »

B. Conséquences pratiques pour les créanciers et en procédures collectives
L’arrêt invite les créanciers à vérifier l’origine et la cause des paiements reçus et à imputer sans ambiguïté lorsqu’un tiers règle la somme exacte d’une facture déterminée. Il rappelle qu’ils ne sauraient éluder les effets d’un paiement accepté en opposant, après coup, un défaut de pouvoir ou l’absence de subrogation, ni compenser une absence de déclaration de créance dans une procédure collective par une requalification a posteriori. La temporalité demeure décisive : un règlement antérieur à l’ouverture de la procédure produit ses effets libératoires, sans que l’état de cessation des paiements, ultérieurement caractérisé, ne puisse en affecter la validité.

Ainsi, la Cour d’appel de Montpellier, 24 juin 2025, affirme nettement le régime du paiement par un tiers, en conjuguant la rigueur procédurale de la clôture et une lecture protectrice de la sécurité des transactions, tout en confirmant la condamnation limitée au solde restant dû.

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Hassan KOHEN
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Hassan Kohen

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