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La protection du consommateur démarché à domicile constitue un enjeu majeur du droit de la consommation. La Cour d’appel de Montpellier, dans un arrêt du 26 juin 2025, apporte un éclairage sur les conditions de nullité d’un contrat conclu dans ce cadre.
Des particuliers ont commandé, le 17 avril 2019, une installation de panneaux photovoltaïques à la suite d’un démarchage à domicile. Le prix convenu s’élevait à 14 900 euros. Le même jour, ils ont souscrit un crédit affecté auprès d’un établissement bancaire pour financer cette acquisition. Les fonds ont été débloqués après signature d’un procès-verbal de réception sans réserves le 2 juillet 2019. Estimant le rendement insuffisant, les acquéreurs ont assigné le vendeur et la banque devant le tribunal judiciaire de Montpellier le 5 mai 2022 aux fins de voir prononcer la nullité des contrats de vente et de prêt.
Le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Montpellier a, par jugement contradictoire du 14 septembre 2023, débouté les demandeurs de l’intégralité de leurs prétentions. Il les a condamnés à verser des sommes au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens. Les acquéreurs ont interjeté appel le 27 octobre 2023. Ils sollicitaient l’infirmation du jugement et demandaient la nullité du contrat de vente pour dol ou pour violation des dispositions du code de la consommation. La société venderesse concluait à la confirmation du jugement. L’établissement bancaire soulevait l’irrecevabilité de certaines demandes et sollicitait également la confirmation.
La question posée à la cour était de déterminer si le bon de commande litigieux encourait la nullité, soit pour dol tenant à des promesses mensongères de rentabilité, soit pour non-conformité aux prescriptions formelles du code de la consommation relatives aux contrats conclus hors établissement.
La Cour d’appel de Montpellier infirme partiellement le jugement. Elle rejette la demande de nullité fondée sur le dol mais prononce la nullité du contrat de vente pour méconnaissance des dispositions du code de la consommation. Elle prononce en conséquence la nullité du contrat de crédit affecté. Elle prive l’établissement bancaire de sa créance de restitution en raison de sa faute dans le déblocage des fonds.
Cet arrêt invite à examiner successivement le rejet de la nullité pour dol faute de preuve des manoeuvres alléguées (I), puis l’admission de la nullité pour violation du formalisme consumériste et ses conséquences sur le contrat de crédit affecté (II).
I – Le rejet de la nullité pour dol fondé sur l’absence de preuve des manoeuvres alléguées
La cour écarte le moyen tiré du dol en relevant l’insuffisance des éléments probatoires (A) et en s’appuyant sur les stipulations contractuelles excluant toute garantie de rentabilité (B).
A – L’exigence probatoire non satisfaite quant aux manoeuvres dolosives
Les acquéreurs soutenaient avoir été victimes de manoeuvres dolosives tenant à une promesse d’autofinancement de l’installation. Ils invoquaient l’article 1137 du code civil qui définit le dol comme « le fait pour un contractant d’obtenir le consentement de l’autre par des manoeuvres ou des mensonges ».
La cour relève que « les époux ne rapportent la preuve ni que les parties ont fait entrer la rentabilité économique dans le champ contractuel, ni de la réalité des manoeuvres alléguées employées par la société pour les convaincre de consentir à contracter avec elle ». Cette motivation rappelle que la charge de la preuve du dol incombe à celui qui l’invoque. Le demandeur doit établir l’existence de manoeuvres ou de mensonges ayant vicié son consentement. Une simple déception quant aux performances de l’installation ne suffit pas à caractériser un vice du consentement.
Cette solution s’inscrit dans une jurisprudence constante exigeant des éléments tangibles démontrant les manoeuvres dolosives. La cour ne se contente pas d’allégations générales relatives à des promesses verbales de rentabilité.
B – La neutralisation contractuelle de la promesse de rentabilité
La cour renforce sa motivation en relevant l’existence d’une clause contractuelle excluant toute garantie de rentabilité. Elle cite les conditions générales stipulant que « la société ne peut apporter aucune garantie quant à la rentabilité du projet dans la mesure où elle ne peut en aucun cas maîtriser le taux d’ensoleillement annuel ni les conditions d’achats d’énergie des institutions concernées ».
Cette stipulation précise que « les simulations communiquées avant installation sont données à titre indicatif et dépourvues de toute valeur contractuelle ». La cour en déduit que la rentabilité n’a pas été érigée en élément déterminant du consentement contractuellement garanti.
Cette analyse soulève la question de l’efficacité de telles clauses face à des pratiques commerciales agressives. Un professionnel pourrait-il s’exonérer de sa responsabilité en insérant une clause de non-garantie tout en faisant miroiter verbalement des rendements attractifs? La cour répond implicitement par l’affirmative en l’absence de preuve des manoeuvres verbales alléguées. Cette position valorise la sécurité juridique mais peut apparaître sévère pour le consommateur confronté à la difficulté de prouver des engagements oraux.
II – L’admission de la nullité pour vice de forme et ses répercussions sur le contrat de crédit
La cour prononce la nullité du contrat de vente pour méconnaissance du formalisme consumériste (A) et en tire les conséquences sur le contrat de crédit affecté en sanctionnant la faute de l’établissement prêteur (B).
A – La sanction du défaut de conformité aux prescriptions formelles du code de la consommation
L’article L.221-5 du code de la consommation impose des mentions obligatoires dans les contrats conclus hors établissement. Ces exigences formelles visent à garantir l’information complète du consommateur et à lui permettre d’exercer son droit de rétractation en connaissance de cause.
La cour, après examen du bon de commande, retient que celui-ci ne satisfait pas aux prescriptions légales. Le formalisme informatif constitue une protection d’ordre public dont la méconnaissance entraîne la nullité du contrat. Cette nullité ne peut être couverte que par une confirmation expresse et non équivoque du consommateur informé du vice affectant l’acte.
La solution retenue illustre l’efficacité du contrôle formel des contrats de consommation. Le juge n’a pas à rechercher si le consommateur a effectivement subi un préjudice du fait du défaut d’information. La seule méconnaissance des prescriptions légales suffit à entraîner la nullité. Cette rigueur se justifie par la finalité protectrice des textes applicables.
B – La privation du droit à restitution de l’établissement prêteur fautif
La nullité du contrat de vente entraîne de plein droit celle du contrat de crédit affecté en application de l’article L.312-55 du code de la consommation. Cette interdépendance contractuelle protège le consommateur contre le risque de devoir rembourser un prêt finançant une prestation annulée.
La cour va plus loin en privant l’établissement bancaire de sa créance de restitution du capital prêté. Elle retient que la banque a commis une faute en débloquant les fonds. Cette faute consiste à avoir libéré les fonds sans vérifier la régularité formelle du bon de commande.
Cette sanction s’inscrit dans une jurisprudence sévère à l’égard des établissements de crédit qui financent des opérations de démarchage à domicile. Le prêteur, professionnel averti, doit contrôler la conformité du contrat principal avant de débloquer les fonds. Sa négligence le prive du droit d’obtenir la restitution du capital auprès de l’emprunteur.
La portée de cette décision est significative. Elle incite les établissements bancaires à exercer une vigilance accrue dans le financement des opérations de démarchage à domicile. Elle renforce l’effectivité de la protection consumériste en faisant peser sur le prêteur les conséquences de l’irrégularité du contrat principal qu’il a contribué à financer. Cette solution, conforme à la jurisprudence de la Cour de cassation, confirme que le prêteur ne peut se retrancher derrière l’attestation de livraison signée par le consommateur pour justifier le déblocage des fonds lorsque le contrat principal est entaché de nullité formelle.