Cour d’appel de Montpellier, le 3 juillet 2025, n°23/03559

Par un arrêt de la cour d’appel de Montpellier, 1re chambre sociale, 3 juillet 2025, la juridiction confirme un licenciement pour faute grave notifié à un salarié expérimenté, après mise à pied conservatoire, au motif d’agissements de harcèlement moral et de difficultés relationnelles avec la clientèle. Les faits retiennent des tensions persistantes dans l’atelier et au magasin, décrites par plusieurs salariés et corroborées par des clients, certains disant venir travailler « la boule au ventre » dans un climat de « tensions néfastes ». Saisi après un jugement de rejet du conseil de prud’hommes de Perpignan du 4 juillet 2023, le salarié sollicitait les indemnités de rupture et des dommages-intérêts, l’employeur demandant confirmation. La question posée portait sur la caractérisation d’une faute grave privative des indemnités de rupture au regard d’attestations concordantes, ainsi que sur l’incidence d’un entretien préalable incomplet. La cour rappelle d’abord que « l’absence d’indication au salarié au cours de l’entretien préalable de certains des griefs […] ne rend pas le licenciement sans cause réelle et sérieuse », puis retient la définition et le régime probatoire de la faute grave, avant de juger que « les faits ainsi établis caractérisent une faute grave privative des indemnités de rupture ».

I. Fondements et contrôle de la faute grave

A. Définition opératoire et charge de la preuve

La cour énonce la définition classique de la faute grave, moteur de son contrôle. Selon les juges, « La faute grave, qui seule peut justifier une mise à pied conservatoire, est celle qui, par son importance, rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise. » La règle rappelle que l’appréciation ne s’attache pas aux seuls intitulés des griefs, mais à l’intensité concrète des manquements et à leurs effets sur l’exécution du contrat.

Le rappel du régime probatoire s’avère tout aussi net. La décision souligne que « C’est à l’employeur et à lui seul d’apporter la preuve de la faute grave invoquée par lui pour justifier le licenciement. » La solution confirme une exigence constante de preuves précises, concordantes et contemporaines, seules aptes à emporter la conviction du juge prud’homal en matière disciplinaire.

B. Appréciation des éléments établissant les manquements

L’arrêt retient que l’employeur verse plusieurs attestations relatant une dégradation durable de l’ambiance de travail et des tensions entre ateliers et magasin, des salariés évoquant venir au travail « la boule au ventre » en raison de « tensions néfastes ». Le juge du second degré valorise le caractère circonstancié, pluriel et convergent de ces pièces, couvrant tant l’interne que la relation client.

La cour consacre ainsi la force probante d’un faisceau d’indices concordants, sans contradiction utile par les pièces adverses. Elle affirme: « Ainsi, les attestations précises et circonstanciées de salariés de l’établissement produites par l’employeur, non remises en cause par les pièces adverses, suffisent à justifier des agissements répétés de harcèlement moral ». Le contrôle tient aussi compte de la temporalité, des clients décrivant des faits « aux mois de février et mars 2021, c’est-à-dire dans le délai de la prescription », critère essentiel en matière disciplinaire.

II. Portée et cohérence de la solution retenue

A. Discipline, entretien préalable et lettre de licenciement

La décision tranche utilement l’incidence d’un entretien préalable incomplet. Elle précise que « l’absence d’indication […] au cours de l’entretien préalable […] ne rend pas le licenciement sans cause réelle et sérieuse ». L’exigence de loyauté procédurale demeure attachée au respect de la convocation, au débat contradictoire et, surtout, à la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige.

Cette approche s’accorde avec la fonction propre de l’entretien, qui n’épuise pas l’énoncé des griefs. Le cœur du contrôle demeure la teneur de la lettre et la preuve des faits. La cour ancre l’analyse dans la matérialité des éléments produits, sans ériger l’entretien en préalable paralysant l’instruction ultérieure des motifs du licenciement.

B. Sécurité, harcèlement moral et gravité des faits

Le raisonnement lie la discipline à l’obligation de sécurité et à la prévention du harcèlement moral. Le faisceau d’attestations professionnelles et de témoignages clients, décrivant une « attitude « inacceptable » », matérialise des agissements répétés excédant une simple mésentente. Le manquement atteint un degré de gravité rendant impossible la poursuite du contrat au jour de la rupture.

La sanction prononcée s’inscrit alors dans le cadre de la faute grave, privative des indemnités de rupture, ce que consacre la formule de principe: « Les faits ainsi établis caractérisent une faute grave privative des indemnités de rupture. » Au-delà de l’espèce, l’arrêt précise la méthode probatoire en matière de harcèlement moral disciplinaire, valorise la pluralité des sources et réaffirme que la cohérence temporelle et la précision des attestations structurent la conviction judiciaire.

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Hassan KOHEN
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