Cour d’appel de Montpellier, le 3 septembre 2025, n°22/02710

Par un arrêt rendu le 3 septembre 2025, la Cour d’appel de Montpellier (2e chambre sociale, n° RG 22/02710) statue sur la validité d’un licenciement pour faute grave. Le salarié, employé de magasin depuis 2015, a fait l’objet d’un recadrage en juin 2017, puis d’une procédure disciplinaire initiée après des faits réitérés en octobre. Après entretien préalable le 28 novembre 2017, l’employeur a notifié un licenciement le 22 décembre 2017 pour des agissements à connotation sexuelle et des actes malveillants internes. Le Conseil de prud’hommes de Béziers, formation de départage, a jugé la faute grave caractérisée le 21 avril 2022, décision frappée d’appel par le salarié. Devant la cour, l’appelant invoque la prescription disciplinaire et la tardiveté, conteste la gravité, et sollicite des indemnités, tandis que l’employeur requiert confirmation intégrale. La question posée concerne l’articulation entre délai de l’article L.1332-4, diligence exigée pour une faute grave, et qualification des faits reprochés. La cour écarte la prescription, juge la procédure conduite dans un délai restreint, et confirme la faute grave, rejetant les demandes indemnitaires et accessoires.

I. L’absence de prescription et la diligence procédurale

A. La réitération fautive permet d’évoquer des faits anciens

La cour rappelle la norme applicable en ces termes: « aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l’exercice de poursuites pénales ». Elle précise aussitôt la portée du mécanisme en ajoutant: « Toutefois, la loi n’exclut pas qu’un fait prescrit puisse être invoqué s’il s’ajoute à d’autres faits intervenus postérieurement pour caractériser un comportement fautif. »

Appliquant ce cadre, la juridiction retient la connaissance d’agissements réitérés en octobre 2017, postérieurement à un recadrage estival, ce qui réactive utilement l’office disciplinaire. La solution est explicitée par cette affirmation centrale: « Il en résulte d’une part que l’employeur est fondé à évoquer dans la lettre de licenciement les faits antérieurs au mois de juin 2017 réitérés courant octobre 2017, et qu’aucune prescription ne peut lui être opposée, le jugement sera confirmé de ce chef. »

B. Le délai restreint, mesuré au regard des vérifications utiles

La cour rappelle le principe directeur de célérité en ces termes: « Dans le cadre d’un licenciement pour faute grave, l’employeur doit agir dans un délai restreint après la découverte des faits reprochés sous réserve qu’aucune vérification ne soit nécessaire. » Elle tient compte des informations successives des 21 et 28 octobre, des jours fériés de novembre, et de l’enquête interne justifiée par la nature des griefs.

Il en découle une appréciation pragmatique de la temporalité: « La convocation intervenue le 17 novembre 2017 ne peut être considérée comme tardive et de nature à exclure l’existence d’une faute grave. » La suite de la procédure demeure régulière au regard de l’article L.1332-2, la cour soulignant que « En l’espèce, l’entretien préalable a eu lieu le 28 novembre 2017 et le licenciement pour faute grave a été notifié au salarié le 22 décembre 2017, il ne peut être tiré aucune conséquence de ce délai de 3 semaines. » La mise à pied conservatoire n’était pas requise, l’intéressé étant déjà empêché de poursuivre tout fait reproché.

II. Valeur et portée de la qualification de faute grave

A. Une définition opératoire, assortie d’un contrôle probatoire exigeant

La juridiction énonce la définition classique, qui guide l’analyse de proportionnalité: « La faute grave, dont la preuve incombe à l’employeur, est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise et situe nécessairement le débat sur le terrain disciplinaire. » Les éléments versés, faits de propos à connotation sexuelle, sollicitations insistantes et sabotages ciblés, satisfont ce standard par leur atteinte à la dignité et à l’organisation.

La cour contrôle utilement la cohérence des preuves, en privilégiant les attestations concordantes et la chronologie, sans ériger la mise à pied en condition de gravité. Elle rappelle la charge probatoire pesant sur l’employeur, tout en validant une réaction disciplinaires calibrée sur la gravité des faits établis.

B. Enseignements pratiques et articulation avec la prévention des risques

L’arrêt conforte une pratique prudente: documenter la réitération, dater la connaissance, et instruire rapidement, afin de sécuriser l’évocation de faits antérieurs dans l’argumentation disciplinaire. Cette voie renforce la rigueur procédurale sans fragiliser le droit de la défense, lorsque l’enquête interne reste proportionnée et ciblée.

La solution précise aussi l’exigence de célérité: elle n’impose pas la précipitation et admet des vérifications lorsque la nature des griefs le commande. Portée notable, enfin, pour la prévention des agissements sexistes au travail: la cour valide une réponse ferme, cohérente et juridiquement étayée, dès lors que les témoignages convergent et que la chronologie est solidement établie.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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