Cour d’appel de Montpellier, le 3 septembre 2025, n°22/04028

Par un arrêt de la Cour d’appel de Montpellier du 3 septembre 2025, elle statue sur rémunération variable, exécution loyale du contrat et licenciement pour inaptitude. Le litige oppose un salarié technico‑commercial, embauché en 2013, à son employeur sur un rappel de prime, la loyauté d’exécution, puis la validité d’un licenciement intervenu après un avis d’inaptitude limitant fortement les trajets professionnels.

Le conseil de prud’hommes de Béziers, le 7 juillet 2022, avait rejeté la résiliation judiciaire et l’ensemble des demandes. En appel, le salarié sollicite la réformation, un rappel de prime, des dommages‑intérêts, l’indemnité de préavis et la remise des documents. L’employeur conclut à la confirmation et au débouté, soutenant la régularité de la procédure comme la suffisance des recherches de reclassement.

Deux questions dominent le débat. D’une part, la portée d’objectifs annuels faiblement encadrés et la preuve d’une exécution déloyale. D’autre part, l’étendue et la loyauté de la recherche de reclassement au sens de l’article L.1226‑2 du code du travail, en présence d’une inaptitude partielle. La cour infirme partiellement, alloue un rappel de rémunération variable, rejette la résiliation et la faute d’exécution, puis déclare le licenciement sans cause réelle et sérieuse pour manquement à l’obligation de reclassement.

I. Rémunération variable et exécution loyale du contrat

A. Détermination des objectifs et droit au rappel de prime

La motivation retient un dispositif de primes articulé par objectifs distincts, sans condition cumulative globale clairement stipulée. La rédaction contractuelle imprécise commande d’apprécier les pièces, notamment les tableaux d’objectifs, et d’attacher la prime aux objectifs effectivement atteints. La cour constate la réalisation partielle et en déduit un droit au rappel, confirmant une interprétation protectrice, mais rigoureusement bornée par la preuve du résultat.

Le juge écarte ainsi une lecture cumulative non démontrée et rattache chaque prime au segment d’objectif, conformément à la logique d’un système fractionné. L’infirmation partielle se justifie par l’insuffisance de la preuve adverse et la cohérence du prévisionnel avec les résultats. La solution reste mesurée, puisqu’elle exclut la part « globale » non atteinte et n’ouvre qu’un droit limité et chiffré.

B. Faute d’exécution et exigence d’un préjudice caractérisé

Le grief tiré d’échanges dépréciatifs est confronté à la preuve contradictoire. La cour souligne que « En ce qui concerne la réprimande injustifiée pour ne pas avoir utilisé le logiciel Salesforce, il ne ressort pas de l’échange de courriels entre le 28 juin 2018 à 18h35 et le 29 juin 2018 à 17h08 de propos blessants ou humiliants dès lors que l’employeur a reconnu dans le dernier mail que le devis étant du 30 mai 2018, soit antérieur à l’envoi de la marche à suivre, il n’y avait pas lieu d’utiliser le nouveau logiciel. » Cette affirmation neutralise l’allégation de comportement vexatoire et replace le débat sur le terrain de la preuve.

Le reproche de pressions en vue d’une rupture conventionnelle est pareillement écarté, la cour énonçant que « En ce qui concerne les pressions aux fins de rupture de la relation contractuelle alléguées par le salarié, s’il ressort des pièces produites que des pourparlers sont intervenus entre les deux protagonistes courant juin 2018, aucune des pièces produites ne démontre l’existence de pressions, aucun manquement ne peut reproché à l’employeur de ce chef. » Le défaut de préjudice financier avéré pour l’épisode d’objectifs erronés achève de priver le moyen d’assise. L’ensemble conduit au rejet de la résiliation judiciaire comme de la demande indemnitaire.

II. Inaptitude et obligation de reclassement

A. Étendue de la recherche et contrôle de la loyauté

La restriction à de courts trajets n’emportait pas impossibilité générale, imposant une recherche sérieuse et individualisée. La cour en vérifie la consistance probatoire et relève d’abord une carence documentaire interne: « Toutefois le registre du personnel produit aux débats n’est pas complet, il ne comprend que la dernière page qui concerne les recrutements postérieurs au 5 février 2018, ainsi s’il confirme que deux postes ont été pourvus, un poste d’ingénieur formulation le 4 novembre 2021 et un poste de responsable de secteur le 6 décembre 2021, il ne donne aucune information sur la totalité des postes sur lesquels étaient affectés des salariés au dernier trimestre 2021 et donc sur la totalité des postes éventuellementvacants au mois de novembre 2021. »

Le juge insiste ensuite sur l’individualisation des démarches: « L’employeur n’a pas sollicité son salarié après l’avis d’inaptitude afin d’obtenir d’une part un CV actualisé et les souhaits de celui-ci relativement à son reclassement, notamment relativement à une mutation sur un autre poste ou sur une adaptation de son poste. » L’information‑consultation sociale ne comble pas ces lacunes, faute de contenu précis, comme l’illustre l’énoncé suivant: « Le procès-verbal de réunion du CSE extraordinaire du 19 novembre 2021, s’il est fait état « de l’étendue des recherches en interne et en externe, de résultats négatifs et de l’absence d’offre de reclassement », ne donne aucune information précise sur les recherches effectuées. »

Ces constats cumulatifs révèlent une recherche incomplète et peu loyale. L’exigence de loyauté implique un recensement documenté des postes, une exploration réelle des aménagements, et une démarche personnalisée, en écho aux indications médicales. L’absence d’objectivation interne et la faible traçabilité externe conduisent au constat de manquement.

B. Sanction, régime indemnitaire et portée

La défaillance de reclassement prive le licenciement de cause réelle et sérieuse, ouvrant droit aux réparations prévues par le barème. La cour fixe l’indemnité en appliquant la durée d’ancienneté, l’âge et les éléments d’emploi, en retenant une base de quatre mois, et énonce: « Il lui sera alloué en application des dispositions de l’article L1235-3 du code du travail une indemnité égale à 4 mois de salaire soit 14 410 euros. » L’indemnité de préavis conventionnelle s’ajoute, ainsi que les congés afférents, avec remise des documents de fin de contrat.

La solution s’inscrit dans un contrôle substantiel, où l’obligation de moyens renforcée exige une démarche étayée et individualisée. Elle rappelle aux employeurs la nécessité d’une cartographie interne exhaustive, d’un dialogue réel avec le salarié, et d’une information sociale circonstanciée. Elle confirme, corrélativement, que la contestation salariale ne suffit pas à établir une exécution déloyale sans préjudice caractérisé, tandis que la procédure d’inaptitude appelle une vigilance accrue sur la preuve des recherches et adaptations possibles.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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