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Cour d’appel de Montpellier, 2e chambre sociale, 3 septembre 2025. Un chauffeur-livreur, déclaré inapte à la suite d’une maladie professionnelle reconnue, a été licencié après avoir refusé une proposition de reclassement. À la visite de reprise, le médecin du travail a conclu ainsi: « Inapte au poste de chauffeur livreur: peut tenir un poste sans aucun port de charge: pas de geste forcé répété prolongé ». L’employeur n’avait pas mis en place de comité social et économique ni consulté cette instance.
Saisi d’abord en référé, puis au fond, le conseil de prud’hommes de Béziers, le 22 novembre 2022, a jugé le licenciement sans cause réelle et sérieuse, accordé des dommages-intérêts, une indemnité de panier et ordonné la remise de documents, sous astreinte. L’employeur a interjeté appel. Le salarié a formé un appel incident sur les indemnités de rupture et le quantum des dommages-intérêts.
La cour d’appel retient l’absence de consultation du CSE au titre de l’article L.1226-10 et qualifie la consultation de formalité substantielle. Elle confirme la faute tenant à l’absence d’institutions représentatives, valide le rappel d’indemnité de panier et rehausse l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à un montant aligné sur six mois de salaire. Elle alloue l’indemnité compensatrice prévue par l’article L.1226-14 ainsi que l’indemnité spéciale de licenciement, et écarte l’astreinte attachée à la remise des documents.
La question posée tenait au point de savoir si l’omission de consulter le CSE, en cas d’inaptitude d’origine professionnelle, entraîne à elle seule l’absence de cause réelle et sérieuse, et comment s’articulent, dans cette hypothèse, l’indemnité plancher de l’article L.1226-15 et les indemnités de l’article L.1226-14 malgré un refus de reclassement. S’y ajoutait la portée temporelle d’avenants conventionnels fixant l’indemnité de repas et la caractérisation d’un préjudice du fait de la carence représentative.
I. La consultation du CSE en cas d’inaptitude professionnelle: sens et portée
A. Une formalité substantielle, dont l’omission prive le licenciement de cause
La cour rappelle d’abord le caractère impératif de la consultation préalable du CSE prévue par l’article L.1226-10. Elle énonce sans détour: « La consultation est une formalité substancielle, l’inobservation de l’obligation de consultation du CSE rend le licenciement automatiquement sans cause réelle et sérieuse et est sanctionnée par le paiement de l’indemnité prévue à l’article L1226-15. » Cette formule confère à la consultation un statut autonome, distinct des diligences de reclassement, et détermine immédiatement la qualification de la rupture.
L’application qui en est faite est conforme à la logique protectrice du régime d’inaptitude d’origine professionnelle. La cour indexe ensuite l’indemnité sur le plancher légal: « L’article 1235-3-1 prévoit que l’indemnité à la charge de l’employeur ne peut pas être inférieure aux salaires des six derniers mois. » Partant d’un salaire de référence de 1 611,69 euros, elle fixe l’indemnité à 9 700 euros, montant cohérent avec le minimum légal et la durée de chômage justifiée. Le choix d’un montant arrondi manifeste une appréciation concrète du préjudice, tout en demeurant arrimé au seuil impératif.
B. L’articulation avec les indemnités de l’article L.1226-14: le refus de reclassement neutralisé
La cour précise ensuite la portée des indemnités spécifiques dues en cas d’inaptitude d’origine professionnelle. Elle prend soin d’exclure l’exception tirée d’un refus de reclassement, en ces termes: « En ce qui concerne l’indemnité compensatrice et l’indemnité spéciale de licenciement, […] cette disposition ne s’applique que si les dispositions de l’article L 1226-10 ont été respectés et notamment que le comité social économique a été consulté et a donné son avis sur la proposition de reclassement, et qu’ainsi le licenciement a une cause réelle et sérieuse. » La solution subordonne donc l’exonération à une procédure régulière, dont la consultation du CSE est la clef.
Cette lecture consolide la cohérence du régime. Tant que la consultation n’a pas eu lieu, l’exception au versement des indemnités L.1226-14 ne peut prospérer, même face à un refus de reclassement contesté. La cour en déduit l’allocation de l’indemnité compensatrice égale au préavis ainsi que de l’indemnité spéciale doublée, conformément à l’alinéa premier de l’article L.1226-14. L’économie du dispositif en sort renforcée: la carence sur une formalité substantielle prévient toute discussion utilitariste sur le refus, et sécurise les droits pécuniaires du salarié.
II. Incidences périphériques: carence représentative et accessoires conventionnels
A. Le préjudice inhérent à l’absence d’institutions représentatives
La cour ancre sa solution dans une conception objective du préjudice né de la carence représentative. Elle retient que « l’employeur qui n’a pas accompli, bien qu’il soit légalement tenu, les diligences nécessaires à la mise en place d’institutions représentatives du personnel, sans qu’un procès-verbal de carence ait été établi, commet une faute qui cause un préjudice au salarié privé ainsi d’une possibilité de représentation et de défense de ses intérêts. » La faute résulte de l’inaction et le préjudice se déduit de la privation d’assistance, sans exigence d’une preuve individualisée aggravée.
La réparation allouée, d’un montant de 500 euros, traduit une appréciation mesurée, en rapport avec les incidences identifiées sur la procédure d’inaptitude et la discussion des mesures de reclassement. La cour s’inscrit ainsi dans une ligne jurisprudentielle qui reconnaît un préjudice inhérent à certains manquements portant atteinte à l’ordre public social, tout en modulant l’évaluation selon les circonstances établies.
B. L’indemnité de panier et l’effet dans le temps des avenants conventionnels
S’agissant de l’indemnité de panier, l’employeur soutenait la nécessité d’attendre l’extension ministérielle des avenants n° 67 et n° 70. La cour se fonde sur la lettre des textes conventionnels, et relève que « Il ressort expressément de l’article 3 de l’avenant n°67 du 4 avril 2018 relatif aux frais de déplacement des ouvriers, qu’il est applicable à compter du premier jour du mois suivant la signature », puis, s’agissant de l’avenant suivant, que « [il] est applicable à compter du premier jour du mois suivant la signature ». La clarté de ces clauses l’emporte sur l’argument tiré du calendrier d’extension, dans le contexte factuel de l’espèce.
Le rappel de 37,34 euros est confirmé, ce qui consacre une lecture littérale des stipulations conventionnelles sur la date d’effet. La solution est pragmatique et sécurise l’exécution de clauses d’application différée dans le mois suivant la signature, dès lors que rien ne vient contredire leur opposabilité au salarié dans la relation de travail examinée.
En définitive, l’arrêt éclaire la logique du régime d’inaptitude d’origine professionnelle autour d’une formalité qualifiée de substantielle, à laquelle se subordonnent la cause de la rupture et l’exception au versement des indemnités spécifiques. Il confirme, à la marge, une conception objective du préjudice lié à la carence représentative et une méthode d’interprétation stricte des stipulations conventionnelles relatives aux frais, sans excès de technicité et avec une portée opérationnelle nette pour la pratique.