Cour d’appel de Montpellier, le 4 juillet 2025, n°23/04997

Now using node v22.15.1 (npm v10.8.2)
Utilisation de Node.js v20.19.4 et npm 10.8.2
Codex est déjà installé.
Lancement de Codex…
Rendue par la Cour d’appel de Montpellier, 1re chambre sociale, le 4 juillet 2025, la décision commente un licenciement intervenu après un congé maternité suivi d’un congé parental. La juridiction tranche la question de la discrimination en lien avec la situation de famille et précise l’articulation avec l’insuffisance professionnelle alléguée.

La salariée, engagée en 2012 comme comptable, a été en congé maternité du 23 octobre 2020 au 29 avril 2021, puis en congé parental à temps complet jusqu’au 29 juillet 2021. Elle a demandé le 9 mai 2021 un congé parental à temps partiel dès le 29 juillet. Convoquée le 8 juillet à un entretien préalable, elle a été licenciée le 26 juillet pour insuffisance professionnelle, avec dispense de préavis.

Saisie, la formation paritaire du Conseil de prud’hommes de Perpignan a jugé le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse par jugement du 13 septembre 2023. La salariée a interjeté appel le 11 octobre 2023, sollicitant l’infirmation, la nullité du licenciement, à défaut l’absence de cause réelle et sérieuse, et des dommages-intérêts. L’employeur a demandé la confirmation, l’irrecevabilité ou le rejet des demandes adverses, ainsi qu’une indemnité au titre de l’article 700.

La question posée était de savoir si les éléments chronologiques et contextuels entourant le retour de congé parental à temps partiel laissaient supposer une discrimination liée à la maternité ou à la situation de famille, et si l’employeur apportait des éléments objectifs propres à renverser la présomption. La Cour retient la présomption de discrimination, rappelle l’exigence d’objectivation stricte de l’insuffisance professionnelle, et prononce la nullité du licenciement. Elle juge que, s’agissant d’un licenciement nul, “les dispositions de l’article L1235-3 ne sont pas applicables”, et alloue une indemnité conforme à l’article L1235-3-1.

I. La caractérisation de la présomption de discrimination et son renversement

A. L’aménagement probatoire rappelé et appliqué

La Cour rappelle d’abord le cadre légal de preuve applicable en matière de discrimination. Elle énonce que “il est constant que lorsque le salarié présente des éléments de fait constituant selon lui une discrimination directe ou indirecte, il appartient au juge d’apprécier si ces éléments pris dans leur ensemble laissent supposer l’existence d’une telle discrimination et, dans l’affirmative, il incombe à l’employeur de prouver que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination”. Cette formule reprend la logique de l’aménagement probatoire issue du code du travail et de la jurisprudence sociale.

Appliquant ce standard, la juridiction isole la séquence d’événements utile à la preuve. Elle constate l’enchaînement du congé maternité, du congé parental intégral, de la demande de passage à temps partiel, puis de la convocation préalable au licenciement. Elle en déduit que “ces faits pris dans leur ensemble laissent supposer une discrimination liée à la situation de famille de la salariée”. L’économie de la motivation tient dans l’effet combiné de la proximité temporelle et du silence opposé à la demande de temps partiel, suffisants pour déplacer la charge.

B. L’insuffisance des éléments objectifs de l’employeur

La Cour contrôle ensuite la qualité de la preuve contraire. Elle rappelle que “pour constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement, l’insuffisance professionnelle doit être caractérisée par des faits objectifs et matériellement vérifiables”. L’examen porte sur les évaluations annuelles, des courriels de 2020, et un tableau de formations, censés établir la réalité des insuffisances indépendamment de toute considération discriminatoire.

La motivation relève plusieurs carences dans la démonstration. D’abord, l’absence de sanction préalable fragilise l’allégation d’erreurs graves et récurrentes ayant des effets sensibles. Ensuite, s’agissant des délais, “alors même que l’employeur relève dans la lettre de licenciement des délais d’avancement non respectés, ce dernier est taisant quant aux modalités de calcul de ses délais”. Enfin, “l’organisation pratique du tutorat invoquée n’est démontrée par aucune pièce permettant à la cour d’en apprécier la teneur et la pertinence”. Le faisceau d’indices produit manque de consistance objective, ce qui empêche de renverser la présomption née du contexte.

II. La sanction de la nullité et ses effets indemnitaires

A. L’option de nullité, hors barème forfaitaire

Ayant retenu la discrimination, la Cour prononce la nullité du licenciement, en cohérence avec le régime protecteur de la maternité et de la situation de famille. Elle précise la conséquence indemnitaire en des termes qui écartent le barème dit Macron. Elle cite que “l’article L1235-3-1 du code du travail précise que dans l’hypothèse d’un licenciement nul les dispositions de l’article L1235-3 ne sont pas applicables et que le salarié a droit à une indemnité minimale qui ne peut être inférieure aux salaires des 6 derniers mois”. La solution s’aligne sur la hiérarchie des normes protectrices et réaffirme l’autonomie du régime des nullités.

Au regard de l’ancienneté et des circonstances, la somme retenue atteint neuf mois de salaire nets, ce qui dépasse le plancher légal mais demeure mesurée au regard des critères d’évaluation du préjudice. La Cour associe à cette réparation une indemnité procédurale, sans autre accessoire, consolidant l’économie de la sanction.

B. Portée pratique et systémique de la solution

La décision renforce l’exigence d’objectivation stricte dès lors que la temporalité du retour de congé et la demande d’aménagement du temps de travail interfèrent avec la rupture. Les employeurs doivent documenter précisément les référentiels de performance, les méthodes de calcul des délais, et la mise en œuvre effective des actions de soutien.

Elle confirme aussi la solidité du régime probatoire en matière de discrimination, qui valorise l’analyse globale des circonstances et contrôle la cohérence interne des pièces adverses. La portée indemnitaire rappelle l’étanchéité du régime des nullités au barème, ce qui pèse sur l’évaluation ex ante des risques de contentieux liés à la maternité et au congé parental. La solution incite, enfin, à des pratiques RH prudentes lors des reprises et des demandes de temps partiel, afin d’éviter tout soupçon non renversé.

📄 Circulaire officielle

Nos données proviennent de la Cour de cassation (Judilibre), du Conseil d'État, de la DILA, de la Cour de justice de l'Union européenne ainsi que de la Cour européenne des droits de l'Homme.
Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

Maître Kohen, avocat à Paris en droit pénal et droit du travail, accompagne ses clients avec rigueur et discrétion dans toutes leurs démarches juridiques, qu'il s'agisse de procédures pénales ou de litiges liés au droit du travail.

En savoir plus sur Kohen Avocats

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Poursuivre la lecture