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La prestation de compensation du handicap et l’allocation aux adultes handicapés constituent des dispositifs essentiels du droit de la protection sociale des personnes en situation de handicap. La cour d’appel de Montpellier, dans un arrêt du 4 juillet 2025, a été amenée à préciser les conditions d’attribution de ces prestations, confirmant le rejet des demandes d’un requérant.
Un homme présentant une malformation congénitale sévère de la main gauche, caractérisée par l’absence de trois rayons médians et un pouce non fonctionnel, a sollicité le 15 juin 2021 auprès de la maison départementale des personnes handicapées de l’Hérault le bénéfice de l’allocation aux adultes handicapés et de la prestation de compensation du handicap. La commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées a rejeté ces demandes par décisions du 25 avril 2022. Le requérant a saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Montpellier, qui a confirmé ces rejets par jugement du 12 décembre 2023, estimant que le taux d’incapacité permanente était inférieur à cinquante pour cent et qu’aucune difficulté au sens de l’article L. 245-1 du code de l’action sociale et des familles ne justifiait l’attribution de la prestation de compensation du handicap.
L’appelant soutenait à titre principal que son taux d’incapacité était supérieur à quatre-vingts pour cent, ce qui lui ouvrait droit automatiquement à l’allocation aux adultes handicapés. À titre subsidiaire, il faisait valoir que son taux d’incapacité était compris entre cinquante et soixante-dix-neuf pour cent et qu’il bénéficiait d’une restriction substantielle et durable pour l’accès à l’emploi. La maison départementale des personnes handicapées et le médecin consultant désigné par le tribunal avaient retenu un taux d’incapacité inférieur à cinquante pour cent.
La cour d’appel de Montpellier devait déterminer si la malformation congénitale de la main gauche du requérant justifiait l’attribution d’un taux d’incapacité permanente ouvrant droit à l’allocation aux adultes handicapés et si les difficultés invoquées correspondaient aux critères légaux de la prestation de compensation du handicap.
La cour a confirmé le jugement en toutes ses dispositions, estimant que le taux d’incapacité était à juste titre évalué comme inférieur à cinquante pour cent et que le requérant n’établissait pas remplir les conditions d’attribution de la prestation de compensation du handicap.
L’intérêt de cette décision réside dans l’application rigoureuse du guide-barème pour l’évaluation des déficiences (I) ainsi que dans la démonstration des exigences probatoires pesant sur le demandeur de la prestation de compensation du handicap (II).
I. L’application stricte du guide-barème pour l’évaluation du taux d’incapacité
La cour procède à une analyse méthodique des critères du guide-barème (A) avant de confronter la situation du requérant aux seuils légaux d’attribution de l’allocation aux adultes handicapés (B).
A. La hiérarchisation des taux d’incapacité selon le guide-barème
La cour rappelle que « le pourcentage d’incapacité est apprécié d’après le guide barème pour l’évaluation des déficiences et incapacités des personnes handicapées figurant à l’annexe 2-4 du code de l’action sociale et des familles ». Ce texte définit trois classes de taux d’incapacité aux conséquences distinctes.
Un taux inférieur à cinquante pour cent « correspond à une incapacité modérée n’entraînant pas d’entrave notable dans la vie quotidienne de la personne ». Un taux de cinquante pour cent « correspond à des troubles importants entraînant une gêne globale dans la vie sociale de la personne ». Quant au taux d’au moins quatre-vingts pour cent, il « correspond à des troubles graves entraînant une entrave majeure dans la vie quotidienne de la personne avec une atteinte de son autonomie individuelle ».
La cour se réfère également au chapitre 7, paragraphe V du guide-barème intitulé « Déficience par altération des membres », qui établit une gradation précise. La déficience légère, entre un et vingt pour cent, est « sans retentissement sur la vie sociale, professionnelle et domestique ». La déficience modérée, entre vingt et quarante pour cent, est celle « gênant la réalisation de certaines activités de la vie courante ou ayant un retentissement modéré sur la vie sociale, professionnelle ou domestique ». La déficience importante, entre cinquante et soixante-quinze pour cent, est celle « limitant la réalisation de certaines activités de la vie courante ou ayant un retentissement important sur la vie sociale professionnelle ou domestique ». La déficience sévère, entre quatre-vingts et quatre-vingt-dix pour cent, est celle « rendant les déplacements très difficiles ou impossibles ou empêchant la réalisation d’un ou plusieurs actes essentiels ».
Cette classification illustre la volonté du législateur d’objectiver l’évaluation du handicap en établissant des critères précis et vérifiables. Elle limite la marge d’appréciation des commissions et des juridictions tout en garantissant une égalité de traitement entre les demandeurs.
B. La qualification juridique de la malformation congénitale
La cour constate que le requérant présente « une malformation congénitale de la main gauche avec absence de doigts, un pouce non fonctionnel, pas de pince possible entre le pouce et l’index, une amyotrophie de l’avant-bras gauche ». Ces éléments médicaux sont établis par les certificats des docteurs consultés et par le rapport du médecin consultant désigné par le tribunal.
La cour relève cependant que ces déficiences « ne remettent pas en question son autonomie, ni sa capacité à travailler comme tel a déjà été le cas, tant en France que dans son pays d’origine ». Le requérant avait en effet exercé des activités professionnelles dans l’entretien d’espaces verts et dans le bâtiment. La cour admet que sa déficience a « des répercussions le gênant dans la réalisation de certaines activités de la vie courante ou ayant un retentissement modéré sur la vie sociale, professionnelle ou domestique ».
Cette formulation correspond exactement à la définition de la déficience modérée, entre vingt et quarante pour cent, prévue par le guide-barème. La cour en déduit logiquement que le taux d’incapacité est inférieur à cinquante pour cent, ce qui exclut tant l’attribution de droit de l’allocation aux adultes handicapés que l’examen subsidiaire de la restriction substantielle et durable pour l’accès à l’emploi.
La rigueur de cette analyse révèle la difficulté pour les personnes présentant des déficiences réelles mais n’atteignant pas les seuils légaux d’accéder aux prestations liées au handicap. Le maintien de l’autonomie et de la capacité de travail, même partielle, devient paradoxalement un obstacle à l’obtention de ces aides.
II. Les exigences probatoires strictes de la prestation de compensation du handicap
La cour examine les conditions légales d’attribution de la prestation de compensation du handicap (A) avant de constater l’insuffisance des éléments apportés par le requérant (B).
A. Le cadre normatif de la prestation de compensation du handicap
La cour rappelle les dispositions de l’article L. 245-1 du code de l’action sociale et des familles, qui subordonne le droit à la prestation de compensation à la condition que « le handicap répond à des critères définis par décret prenant notamment en compte la nature et l’importance des besoins de compensation au regard de son projet de vie ».
L’article D. 245-4 du même code précise les conditions d’accès : « A le droit ou ouvre le droit, à la prestation de compensation, dans les conditions prévues au présent chapitre pour chacun des éléments prévus à l’article L. 245-3, la personne qui présente une difficulté absolue pour la réalisation d’une activité ou une difficulté grave pour la réalisation d’au moins deux activités telles que définies dans le référentiel figurant à l’annexe 2-5 et dans des conditions précisées dans ce référentiel ».
Ce dispositif établit donc une alternative : soit le demandeur démontre une difficulté absolue pour la réalisation d’une seule activité, soit il établit une difficulté grave pour la réalisation d’au moins deux activités. Le référentiel de l’annexe 2-5 définit précisément les activités concernées et les critères d’appréciation des difficultés. Les difficultés doivent en outre être « définitives, ou d’une durée prévisible d’au moins un an ».
Cette exigence cumulative témoigne de la volonté du législateur de réserver la prestation de compensation aux situations de handicap les plus invalidantes, tout en objectivant l’évaluation par référence à un référentiel précis.
B. L’insuffisance de la démonstration du requérant
La cour constate que le requérant « n’établit pas qu’il remplit les conditions prescrites en caractérisant soit la difficulté absolue de la réalisation d’une activité, soit la difficulté grave de la réalisation de deux activités telles que définies dans le référentiel figurant à l’annexe 2-5 précitée ».
Cette formulation est lapidaire mais significative. Le requérant avait pourtant produit des éléments attestant de difficultés quotidiennes et de l’aide apportée par son cousin « pour la cuisine, le ménage, s’habiller ». Ces attestations n’ont pas été jugées suffisantes pour caractériser les difficultés requises au sens du référentiel réglementaire.
Le rapport d’évaluation réalisé par la maison départementale des personnes handicapées relevait que le requérant « peut saisir de petits objets avec deux doigts, il paraît autonome, vit seul, la tenue vestimentaire et l’hygiène sont correctes ». Le médecin consultant avait noté concernant l’habillage et le déshabillage : « RAS ». Ces constats objectifs contredisaient les attestations produites par le requérant.
Cette décision illustre la charge probatoire pesant sur le demandeur de prestations liées au handicap. Les attestations de proches ne suffisent pas à établir les difficultés requises lorsque les évaluations médicales et administratives concluent au maintien de l’autonomie. La cour d’appel de Montpellier confirme ainsi une jurisprudence constante exigeant des éléments objectifs et vérifiables pour l’attribution des prestations de compensation du handicap.