Cour d’appel de Montpellier, le 4 septembre 2025, n°20/05262

Rendue par la Cour d’appel de Montpellier le 4 septembre 2025, la troisième chambre sociale a statué sur l’état d’avancement d’une instance d’appel ouverte depuis près de cinq ans. L’appelant, ayant formé appel d’un jugement du 20 octobre 2020 du pôle social du tribunal judiciaire de Montpellier, sollicitait un renvoi pour déposer une demande d’aide juridictionnelle et débattre des écritures adverses. L’intimée avait conclu et communiqué ses pièces le 25 juillet 2025. Convoquées pour l’audience du 4 septembre 2025, les parties ont été entendues. Il ressort du dossier qu’« au jour de l’audience, l’appelant n’a pas déposé de demande d’aide juridictionnelle » et qu’« il s’est écoulé près de cinq années depuis la déclaration d’appel ». La cour a estimé que « la demande de report n’est pas justifiée » et que « l’appelant n’a pas fait les diligences nécessaires pour que l’affaire soit en état d’être plaidée ».

La question posée était celle des conditions de mise en œuvre de la radiation de l’affaire au titre de l’article 381 du code de procédure civile, lorsque la carence procédurale persiste malgré une convocation régulière. La cour répond nettement, énonçant que « il convient d’ordonner la radiation de l’affaire par application de l’article 381 du Code de Procédure Civile mesure d’administration judiciaire qui emporte suppression de l’affaire du rang des affaires en cours ». Le dispositif confirme et précise la portée pratique de la décision en ces termes: « Rejette la demande de renvoi », « Radie l’affaire du rôle de la Chambre Sociale où elle pourra être réinscrite à la demande de la partie la plus diligente sous réserve du dépôt de ses conclusions et de la justification de leur notification préalable à la partie adverse » et « Rappelle que la notification du présent arrêt fait courir le délai prévu par l’article 386 du code de procédure civile ».

I. Les conditions et la nature de la radiation prononcée
A. Une carence caractérisée justifiant le refus de renvoi
La juridiction motive sobrement, en relevant l’absence de diligences utiles dans un laps de temps exceptionnellement long. Elle constate que « la demande de report n’est pas justifiée » au regard d’un calendrier connu, d’une communication régulière des écritures adverses et de l’inertie constatée sur la demande d’aide. La référence au temps écoulé — « il s’est écoulé près de cinq années depuis la déclaration d’appel » — sert de pivot à l’appréciation. Cette durée excède de loin les standards de mise en état, spécialement en matière sociale où la célérité demeure un impératif. L’inaction de l’appelant, relevée par la formule « l’appelant n’a pas fait les diligences nécessaires pour que l’affaire soit en état d’être plaidée », caractérise la carence procédurale recherchée par le texte.

Le refus de renvoi s’inscrit dans une logique de bonne administration de la justice, sans heurter le contradictoire ni les droits de la défense. La cour écarte l’argument tiré de l’aide juridictionnelle, dont la demande n’a pas été entreprise à temps, malgré une convocation claire et un échange de conclusions connu. Il en résulte, dans ce contexte précis, que les prérequis de la mise en état n’étaient pas remplis, ce qui légitime la mise en œuvre d’une mesure d’ordre visant la discipline de l’instance.

B. Une mesure d’administration judiciaire à effets limités et réversibles
La cour qualifie la décision au visa de l’article 381 du code de procédure civile, retenant une « mesure d’administration judiciaire qui emporte suppression de l’affaire du rang des affaires en cours ». Cette qualification rappelle que la radiation n’éteint pas l’instance et ne tranche aucun droit substantiel. Elle organise le rôle en sanctionnant une inertie, sans faire obstacle à une reprise sous conditions. Le dispositif explicite ce caractère réversible: « Radie l’affaire du rôle de la Chambre Sociale où elle pourra être réinscrite à la demande de la partie la plus diligente sous réserve du dépôt de ses conclusions et de la justification de leur notification préalable à la partie adverse ».

L’office de la cour est ainsi double. Elle refuse d’abord un renvoi infondé, puis elle ajuste la conduite de l’instance par une mesure d’ordre, strictement nécessaire et proportionnée à la carence. Le rappel du cadre procédural, laconique et précis, évite tout effet excédant l’objectif d’organisation du rôle, tout en ménageant la possibilité d’un rétablissement si les conditions procédurales sont enfin respectées.

II. Appréciation et portée de la solution au regard de la discipline de l’instance
A. Une solution mesurée, conciliant célérité procédurale et sauvegarde des droits
Le rejet du renvoi, énoncé par « Rejette la demande de renvoi », répond à une exigence de célérité que la matière sociale impose avec constance. La cour vérifie la réalité des diligences et le sérieux de la demande, puis fait prévaloir l’intérêt d’une bonne administration, sans fermeture définitive du prétoire. La sanction retenue demeure limitée. Elle repose sur la logique de l’impulsion des parties et sur l’obligation procédurale de collaboration à la mise en état.

Cette économie de moyens présente une justesse appréciable. Elle évite la caducité ou la péremption immédiate, qui seraient des sanctions plus radicales. Elle rappelle aux plaideurs la nécessité d’agir, tout en maintenant une voie de reprise claire. Cette graduation renforce la lisibilité du régime des sanctions procédurales et incite à la diligence, sans compromettre, par principe, l’accès au juge.

B. Une clarification utile de l’articulation entre radiation et péremption
La portée de l’arrêt tient surtout au rappel du lien avec l’article 386 du code de procédure civile. La cour « rappelle que la notification du présent arrêt fait courir le délai prévu par l’article 386 du code de procédure civile ». La précision intéresse directement le calcul du délai de péremption de l’instance après radiation. Elle fixe un point de départ sûr, rendant prévisible la conséquence d’une poursuite de l’inaction.

Ce rappel normatif renforce la sécurité juridique. Il prévient les ambiguïtés sur les délais et signale clairement la charge de l’initiative pesant sur la partie la plus diligente. La possibilité de réinscription, sous la condition formelle de conclusions valablement notifiées, offre une voie de rattrapage exigeante mais accessible. L’équilibre se dessine entre fermeté procédurale et pragmatisme, la radiation demeurant un signal fort, mais non un terme définitif, de l’instance.

📄 Circulaire officielle

Nos données proviennent de la Cour de cassation (Judilibre), du Conseil d'État, de la DILA, de la Cour de justice de l'Union européenne ainsi que de la Cour européenne des droits de l'Homme.
Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

Maître Kohen, avocat à Paris en droit pénal et droit du travail, accompagne ses clients avec rigueur et discrétion dans toutes leurs démarches juridiques, qu'il s'agisse de procédures pénales ou de litiges liés au droit du travail.

En savoir plus sur Kohen Avocats

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Poursuivre la lecture