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Cour d’appel de Montpellier, 5 septembre 2025, 1re chambre de la famille, sur appel d’une ordonnance du 17 octobre 2024. Un créancier fiscal, titulaire d’une hypothèque légale inscrite en 2019 pour une dette de TVA, sollicite la licitation d’un lot indivis. Les coïndivisaires s’y opposent, soutenant l’absence de carence et l’existence d’opérations de liquidation déjà ouvertes en 2021. Le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Béziers a accueilli une fin de non‑recevoir tirée du défaut d’intérêt à agir. Devant la cour, la question est celle des conditions d’action du créancier personnel au titre de l’article 815‑17 du code civil. S’y ajoute la délimitation des pouvoirs du juge de la mise en état, notamment quant aux demandes de partage et de licitation. La cour infirme l’irrecevabilité, reconnaît l’intérêt à agir, mais déclare irrecevables, à ce stade, les demandes de partage et de licitation.
I. L’intérêt à agir du créancier personnel au regard de l’article 815‑17
A. Conditions cumulatives et charge de la preuve
La décision rappelle le cadre normatif en des termes précis et didactiques. Elle énonce que « Pour prospérer dans son action, le créancier de l’indivisaire qui fonde son action sur l’article 815-17 précité, doit disposer d’une créance liquide, certaine et exigible, ce qui n’est pas contesté en l’espèce, le partage de l’indivision doit présenter pour le demandeur un intérêt que la carence de son débiteur aurait compromis et le recouvrement de la créance doit être en péril. » Le texte de l’article 815‑17 conforte cette lecture en organisant un droit d’initiative encadré, distinct de toute saisie sur la quote‑part indivise.
La caractérisation de la carence et du péril obéit à des critères jurisprudentiels constants, que la cour reprend expressément. Elle souligne que « De jurisprudence constante, la carence du débiteur est établie en l’absence de diligences de sa part dans le cadre de la procédure en partage. Le péril de la créance résulte de la volonté délibérée du débiteur de ne pas l’honorer. » L’absence de mise en vente après l’expertise de 2023, jointe à la persistance de l’impayé né en 2022, suffit ici à établir l’intérêt à agir exigé par le texte.
B. Inopposabilité du jugement antérieur et qualification de la carence
Les intimés invoquaient l’autorité de chose jugée du jugement de 2021 ayant ouvert les opérations de liquidation. La cour écarte nettement ce moyen, retenant que « Ce moyen est inopérant, l’appelant n’y ayant pas été partie, ce jugement ne lui est pas opposable, ce d’autant que les intimés ne justifient pas de l’accomplissement de formalités de publicité. » La solution s’inscrit dans la logique de l’opposabilité des décisions et de la publicité foncière.
La carence se déduit des éléments factuels postérieurs à l’expertise. La cour constate que « Depuis cette évaluation, aucune démarche en vue de sa vente n’a été entreprise par les intimés », ce qui atteste une inertie préjudiciable au recouvrement. La reconnaissance de l’intérêt à agir se trouve ainsi solidement fondée, sans conférer au créancier plus de droits que son débiteur, la prétention ne visant que la part revenant à l’indivisaire débiteur.
II. L’office du juge de la mise en état et la portée de l’arrêt
A. Compétence limitée aux fins de non‑recevoir
La juridiction d’appel circonscrit avec netteté les pouvoirs du juge de la mise en état. Elle rappelle que « Il n’entre pas dans les compétences de ce juge d’ordonner le partage d’un régime matrimonial ou la licitation d’un bien, en conséquence de quoi, les demandes de l’appelant à ce titre seront déclarées irrecevables à ce stade de la procédure. » L’article 789 du code de procédure civile réserve au juge de la mise en état les questions de recevabilité, non le prononcé des mesures de fond.
Cette délimitation présente une utilité pratique claire. Le juge de la mise en état filtre la recevabilité de l’action du créancier, sans préempter la décision au fond sur le partage ou la vente, laquelle relève de la formation de jugement. Le temps procédural se trouve préservé, tout en évitant l’enlisement des indivisions dépourvues de diligences effectives.
B. Conséquences pratiques et équilibre des intérêts
L’arrêt réaffirme l’économie de l’article 815‑17, que la cour reproduit en des termes protecteurs des coïndivisaires. Il est rappelé que « les créanciers personnels d’un indivisaire ne peuvent saisir sa part dans les biens indivis, meubles ou immeubles. Ils ont toutefois la faculté de provoquer le partage au nom de leur débiteur ou d’intervenir dans le partage provoqué par lui. Les coindivisaires peuvent arrêter le cours de l’action en partage en acquittant l’obligation au nom et en l’acquit du débiteur. Ceux qui exerceront cette faculté se rembourseront par prélèvement sur les biens indivis. » La dynamique de l’indivision est ainsi préservée par un mécanisme d’arrêt de l’action au prix d’un paiement substitutif.
La portée de la décision est double. Elle consolide un critère opératoire de carence, centré sur l’absence de diligences concrètes après expertise, et prévient les stratégies dilatoires. Elle clarifie aussi l’office du juge de la mise en état, qui tranche la recevabilité sans empiéter sur le fond, assurant une progression procédurale ordonnée et lisible pour les créanciers comme pour les coïndivisaires.