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Par un arrêt de la Cour d’appel de Montpellier du 8 juillet 2025, la cinquième chambre civile règle plusieurs postes du préjudice corporel subi lors d’un accident de la circulation. L’espèce concerne un passager gravement blessé après avoir été percuté par un véhicule, hospitalisé onze jours, puis suivi en expertise judiciaire ayant fixé la consolidation au 2 mars 2018. Saisi au fond, le tribunal judiciaire de Perpignan, le 7 novembre 2022, a alloué une indemnisation globale, partiellement contestée par l’assureur et le conducteur, notamment sur l’assistance par tierce personne, l’incidence professionnelle, certains préjudices extra-patrimoniaux et les intérêts. L’intimé sollicite pour sa part la confirmation ou l’augmentation de plusieurs postes, et la caisse intervient pour faire valoir ses débours en appel.
La question essentielle tient à la délimitation, in concreto, des critères d’indemnisation de postes fréquemment débattus en droit du dommage corporel. Sont en cause, d’une part, l’assistance par tierce personne et le préjudice scolaire, d’autre part, l’incidence professionnelle et le préjudice d’agrément, avec en toile de fond la méthode de chiffrage du déficit fonctionnel permanent et l’office du juge sur la créance de la caisse. La cour confirme en grande partie les évaluations du premier juge, infirme l’indemnisation de l’incidence professionnelle, ajuste le déficit fonctionnel permanent par référence au barème usuel, et déclare recevables les débours de la caisse communiqués en cause d’appel.
I. Clarification des critères d’indemnisation in concreto
A. Assistance par tierce personne: reconnaissance encadrée par l’expertise et la finalité du poste
La cour rappelle d’abord la finalité autonome de ce poste. Elle énonce que « L’assistance par tierce personne concerne les dépenses liées à l’assistance temporaire d’une tierce personne pour aider la victime handicapée à effectuer des démarches et plus généralement les actes de la vie quotidienne. L’indemnisation de ce poste de préjudice n’est pas subordonnée à la production de justificatifs et n’est pas réduite lorsque l’assistance est assurée par un membre de la famille. » Ce rappel dissocie clairement l’aide humaine des troubles indemnisés au titre du déficit fonctionnel temporaire.
L’expertise mentionne « la nécessité d’une aide humaine familiale durant cette période de 30 minutes par jour afin d’effectuer la toilette », lors de la phase de déambulation aux cannes et port d’une attelle. La cour précise à juste titre que « Cette assistance ne se confond pas avec le déficit fonctionnel temporaire », soulignant l’objet proprement opérationnel de l’aide. Croisant l’attestation circonstanciée d’un proche et la séquence de sevrage de l’aide technique, elle confirme deux heures quotidiennes pendant trois mois, au taux de 20 euros, solution conforme à la pratique du ressort.
Cette motivation se signale par une articulation rigoureuse entre données médicales et appréciation factuelle. La durée retenue épouse la période de réduction d’autonomie documentée, sans surévaluer un besoin que l’expert limite par ailleurs. La cour évite la double indemnisation en cantonnant l’aide humaine à son objet concret, distinct des pertes de qualité de vie déjà réparées autrement.
B. Préjudice scolaire, souffrances et esthétique temporaire: validation des montants au regard des référentiels de la cour
S’agissant de la scolarité, l’arrêt retient une définition opératoire: « Il s’agit d’indemniser la perte d’années d’études, d’un retard scolaire ou de formation, de la modification de l’orientation professionnelle, de la renonciation à une formation. » Constatant la déscolarisation jusqu’à la fin de l’année, l’absence de présentation au brevet et l’orientation vers la voie professionnelle, la cour confirme 8.000 euros. Elle refuse toutefois d’intégrer la reconversion d’ambitions non étayée, solution mesurée qui respecte le périmètre probatoire du poste.
Sur les souffrances endurées, l’expert les évalue à « 3,5/7 en rapport notamment avec l’intervention sous anesthésie générale, une hospitalisation de 11 jours, les séances de rééducation, les soins locaux à domicile pendant plusieurs semaines ». La cour confirme 8.000 euros, appréciation conforme à son référentiel habituel pour un quantum de cette intensité, et cohérente avec la durée et la nature des soins.
Enfin, le préjudice esthétique temporaire, coté « 3/7 » en lien avec l’usage de cannes, demeure fixé à 800 euros. L’arrêt rappelle que l’objet du poste est de « réparer les atteintes physiques et plus généralement les éléments de nature à altérer l’apparence physique de la victime ». Le montant s’accorde avec la brièveté de l’altération et le caractère réversible de la gêne d’apparence.
II. Portée normative et limites de l’indemnisation
A. Incidence professionnelle et préjudice d’agrément: exigences probatoires renforcées et contrôle de proportion
La cour situe d’emblée le périmètre de l’incidence: « L’incidence professionnelle est un poste de préjudice protéiforme qui indemnise notamment la dévalorisation sur le marché du travail, la perte de chance professionnelle ou préjudice de carrière, la perte de lien social’. » Malgré une boiterie objectivée et des difficultés de flexion du pied, elle relève que, « en dépit des séquelles constatées, l’expert n’en déduit aucune incidence professionnelle significative ni d’ailleurs dans la vie quotidienne ». En présence d’un diplôme obtenu, de stages réalisés et d’aptitudes attestées, la preuve d’une dévalorisation effective fait défaut. L’infirmation des 60.000 euros s’impose alors, la seule pénibilité accrue alléguée ne suffisant pas, en l’espèce, à caractériser une perte de chance indemnisable.
Le traitement du préjudice d’agrément procède d’une logique comparable. L’arrêt rappelle que « Ce poste de préjudice vise exclusivement à réparer le préjudice d’agrément spécifique lié à l’impossibilité pour la victime de pratiquer régulièrement une activité spécifique sportive ou de loisirs. Ce préjudice s’apprécie in concreto en tenant compte de paramètres individuels liés à l’âge, le niveau de pratique’. » L’expertise ne retient aucune restriction durable et admet la reprise des sports de combat, faute de fragilité neurologique ou cervicale. En conséquence, l’absence d’impossibilité régulière justifie le rejet. La solution illustre l’exigence d’une corrélation stricte entre séquelles stabilisées et empêchement sportif spécifique, autrement dit un critère d’impossibilité, non de simple gêne.
B. Déficit fonctionnel permanent, intérêts et débours de la caisse: standardisation méthodologique et office du juge
Pour le déficit fonctionnel permanent, la cour rappelle la nature du poste: « Il indemnise pour la période postérieure à la consolidation (…) la perte de la qualité de vie et les troubles ressentis dans les conditions d’existence. » Elle retient 10% et applique une valeur du point de 2.250 euros pour l’âge de consolidation, portant l’indemnisation à 22.500 euros. Ce chiffrage s’inscrit dans l’usage dominant des référentiels indicatifs, assure l’égalité de traitement et corrige une surévaluation initiale, sans méconnaître l’atteinte fonctionnelle réelle.
Sur les intérêts, la demande de report du point de départ est rejetée, faute d’argument, et la solution confirme l’application « des intérêts au taux légal à compter du 7 novembre 2022, capitalisés annuellement ». La position maintient la prévisibilité du coût de la dette d’indemnisation, en phase avec la liquidation définitive opérée par le premier juge.
Reste la question de la créance de la caisse, révélée en appel. L’arrêt souligne le cadre de l’office du juge: « la cour rappelle que le juge ne peut statuer sans connaître le montant de ses débours et à défaut la juridiction peut refuser de liquider les préjudices soumis à recours. » Il en déduit que « la communication seulement en cause d’appel des débours ne peut valablement être sanctionnée par l’irrecevabilité de la demande dès lors qu’elle s’inscrit dans les suites logiques du litige et qu’elle est une étape essentielle à sa solution. » La recevabilité est donc admise, et les débours fixés. La solution, pragmatique, privilégie la complétude de la liquidation sur une irrecevabilité formaliste, sans porter atteinte aux droits de la défense, les montants étant précisément communiqués et contrôlables.
En définitive, l’arrêt consacre une méthode résolument in concreto, adossée à l’expertise, aux référentiels indicatifs et à une exigence probatoire forte pour les postes évolutifs. Les montants validés traduisent une juste mesure des atteintes, tandis que les refus ciblés évitent les doublements et les indemnisations hypothétiques. L’office du juge en matière de créances des organismes sociaux est rappelé avec clarté, dans le respect de l’économie du recours subrogatoire.