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Par un arrêt du 9 juillet 2025, Cour d’appel de Montpellier, 1re chambre sociale, n° RG 23/01980, la juridiction a confirmé le rejet des demandes d’une salariée licenciée pour inaptitude non professionnelle. Engagée comme hôtesse de caisse en 2016, elle a déclaré des faits de harcèlement sexuel à partir du printemps 2018, affirmant avoir subi des envois de messages tardifs, des regards insistants et des rumeurs internes, avec une dégradation rapide de son état. Après un arrêt de travail en septembre 2018 et une inaptitude prononcée en avril 2019, l’employeur a procédé au licenciement. Le conseil de prud’hommes a débouté la salariée en 2022, décision confirmée en appel. L’appelante sollicitait notamment des dommages-intérêts pour harcèlement moral, la nullité du licenciement, des indemnités liées à la reconnaissance d’un accident du travail, et, subsidiairement, une indemnisation pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. L’intimé concluait à la confirmation et à une indemnité de procédure.
La question posée portait d’abord sur le régime probatoire du harcèlement au travail, en particulier l’articulation entre présomption issue d’éléments précis et concordants et preuve contraire de l’employeur. Elle concernait ensuite les effets juridiques de l’inaptitude au regard de l’obligation de sécurité et de l’éventuelle origine professionnelle de la pathologie, à la lumière d’une décision de l’organisme de sécurité sociale non contestée. La cour a admis que certains éléments versés étaient “de nature à faire présumer un harcèlement”, puis a jugé décisifs les éléments contraires produits par l’employeur, retenant qu’“il appartient à l’employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un harcèlement”, pour conclure finalement que “le harcèlement n’est pas établi”. Sur l’inaptitude et l’accident du travail, la juridiction a rappelé que l’absence de harcèlement n’excluait pas en soi un manquement de sécurité, avant de retenir que le lien n’était pas démontré et que, la décision de l’organisme n’ayant pas été contestée, “les demandes de la salariée […] seront rejetées”.
I. Le régime probatoire du harcèlement
A. La présomption fondée sur des éléments corroborés
La cour rappelle le schéma légal de l’article L. 1154-1 du code du travail, qui impose au salarié de présenter des “éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement”. Elle exige des faits précis et concordants, établis dans leur matérialité, sans exiger une preuve complète ex ante. En ce sens, elle écarte les pièces insuffisantes ou incertaines, tout en retenant les éléments concordants fiables. Elle relève que la salariée produit un arrêt de travail, des attestations circonstanciées, un procès-verbal d’audition et deux messages, quoique l’un soit non daté et l’autre postérieur à l’arrêt. La juridiction synthétise cette première étape en ces termes: “Ces faits établis, pris dans leur ensemble, sont de nature à faire présumer un harcèlement.” Cette formulation confirme que la présomption peut résulter d’un faisceau d’indices, à condition que leur cohérence globale l’emporte sur les lacunes partielles.
Cette approche, fidèle à la lettre de l’article L. 1154-1, illustre une exigence mesurée: le juge ne survalorise ni les pièces isolées ni les ressentis non étayés, mais accepte la force probante de témoignages précis relatant des pratiques et leurs effets sur la santé. Elle refuse toutefois d’ériger en preuve la seule allégation d’un usage indu des données internes ou d’un envoi systématique de messages, lorsque ces faits manquent de preuve autonome. L’équilibre recherché consiste à ouvrir la bascule probatoire sans déroger à la rigueur minimale requise par le texte.
B. La réfutation par des éléments objectifs
Une fois la présomption acquise, l’employeur doit convaincre par des justifications “objectives, étrangères à tout harcèlement”. La cour cite expressément le standard: “Dès lors, il appartient à l’employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un harcèlement.” Elle retient comme déterminant un élément de chronologie hiérarchique, précisément daté et attesté, établissant que la personne désignée comme supérieur n’exerçait plus dans l’établissement à la période alléguée. Ce point neutralise la concordance temporelle des faits dénoncés et affaiblit les attestations qui, tout en relatant des impressions ou des échanges nocturnes, ne comblent pas la rupture chronologique.
Cette réfutation, adossée à un fait objectif et vérifiable, emporte la conviction de la cour. Le constat tombe: “Dès lors, le harcèlement n’est pas établi.” L’office du juge se manifeste nettement. Il admet la présomption lorsqu’un faisceau cohérent existe, puis contrôle sa résistance à une preuve contraire documentée. En arrière-plan, la décision rappelle que la présomption n’est pas une preuve définitive et que la localisation, la fonction et la temporalité des protagonistes peuvent suffire à l’écarter.
II. Les effets sur l’inaptitude et l’accident
A. L’obligation de sécurité et la cause de l’inaptitude
La juridiction prend soin d’isoler l’exigence de sécurité, distincte de la qualification de harcèlement. Elle affirme que “l’absence de harcèlement moral n’est pas de nature à exclure, en présence d’une souffrance morale établie en lien avec le travail, des manquements de l’employeur à son obligation de sécurité.” Le rappel est important. La responsabilité de sécurité se juge à l’aune de l’exposition au risque, des alertes reçues et des diligences concrètes, non à l’unique lumière d’une qualification pénale ou civile du harcèlement.
Pour autant, l’espèce ne révélait pas de carence probatoire suffisante pour franchir ce seuil. Les éléments produits ne permettaient pas de relier médicalement et factuellement l’inaptitude aux manquements allégués. La cour énonce ainsi, de façon nette, que “pour les mêmes raisons et au vu des éléments produits, il n’est pas établi que l’inaptitude de la salariée prononcée le 5 avril 2019 par le médecin du travail provienne de manquements de l’employeur.” Cette motivation dissocie rigoureusement l’analyse de la preuve de l’atteinte, probatio diabolica écartée, et la concentration sur les diligences et sur le lien causal. Elle confirme le rejet des demandes indemnitaires fondées sur l’obligation de sécurité et, par ricochet, l’absence d’atteinte à la cause du licenciement.
B. La portée de la décision de la sécurité sociale
Le débat s’étendait à l’origine professionnelle alléguée de l’arrêt initial, pour revendiquer l’application du régime protecteur et des majorations correspondantes. La décision de l’organisme de sécurité sociale, non contestée dans les voies appropriées, a joué un rôle décisif. La cour rappelle que la décision notifiée “revêt, dès sa notification à la personne à laquelle elle ne fait pas grief, un caractère définitif à son égard”, en sorte qu’elle ne peut être contournée par des voies incidentes en droit du travail.
La conséquence logique est clairement formulée: “Il en résulte que les demandes de la salariée tendant au bénéfice d’une majoration de l’indemnité de licenciement et d’une indemnité au titre du préavis […] seront rejetées.” La solution s’inscrit dans une cohérence inter-branches, évitant les contradictions d’appréciation entre le contentieux de la sécurité sociale et le contentieux prud’homal lorsque la première décision n’a pas été utilement contestée. Elle ferme, en pratique, la voie à une requalification indirecte de l’inaptitude en inaptitude d’origine professionnelle.
L’ensemble de la décision confirme le jugement de première instance. La cour rejette les demandes indemnitaires, exclut la nullité, et refuse les effets liés à l’accident du travail non reconnu, tout en rappelant, avec méthode, les paliers probatoires et l’articulation des contentieux. Elle maintient enfin la répartition des dépens et rejette les demandes au titre des frais irrépétibles, “Ce chef de jugement [étant] confirmé”.