Cour d’appel de Montpellier, le 9 septembre 2025, n°25/00557

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La Cour d’appel de Montpellier, chambre commerciale, a rendu le 9 septembre 2025 un arrêt de renvoi après cassation portant sur la conversion d’un redressement judiciaire en liquidation judiciaire, l’étendue des garanties procédurales, et les conséquences attachées à l’exercice d’une profession réglementée. Les faits tiennent à la situation d’un avocat placé en redressement, puis converti en liquidation par le tribunal judiciaire de Perpignan le 11 mars 2021, confirmation ayant été prononcée par la cour d’appel le 1er juillet 2021, avant cassation pour défaut d’avis du ministère public le 19 avril 2023 par la Cour de cassation, chambre commerciale. L’instance de renvoi opposait le débiteur, le mandataire judiciaire et l’ordre professionnel, avec l’intervention du ministère public.

La chronologie procédurale est structurée autour de l’ouverture du redressement par le tribunal de grande instance de Perpignan le 4 juillet 2019, de rapports successifs du mandataire sollicitant la conversion, et de la décision de conversion du 11 mars 2021. La juridiction d’appel, après une première confirmation, a été dessaisie par la cassation précitée pour défaut d’avis, avant que la juridiction de renvoi ne statue à nouveau. Le débiteur a d’abord soutenu la nullité du jugement pour défaut de saisine régulière, puis une violation de l’article 6 § 1 de la Convention EDH en raison de la composition de la formation de jugement, et enfin a formé des demandes indemnitaires. Le mandataire judiciaire, l’ordre professionnel et le ministère public ont tous conclu à la confirmation.

La question de droit portait d’abord sur la régularité de la saisine en vue de la conversion d’un redressement en liquidation, au regard des articles L. 631-15 et R. 631-3 du code de commerce, et du respect du contradictoire. Elle portait ensuite sur l’impartialité objective au sens de l’article 6 § 1 de la Convention EDH et de l’article L. 111-5 du code de l’organisation judiciaire, eu égard à un lien ancien invoqué entre un magistrat et le conseil d’un créancier. La Cour d’appel de Montpellier écarte les deux moyens de nullité, confirme la conversion, rejette les demandes indemnitaires et complète le dispositif en désignant, sur le fondement de l’article R. 641-36 du code de commerce, le représentant ordinal compétent afin d’exercer les actes de la profession.

I. La régularité de la conversion et l’économie des textes applicables

A. L’effectivité de la saisine par rapports et la garantie du contradictoire

La décision explique que les rapports du mandataire ont expressément conclu à la conversion, et que le contradictoire a été entièrement respecté. La convocation mentionnait d’ailleurs de manière explicite l’objet de l’audience, ce que la cour cite textuellement: « objet : Statuer sur la demande de conversion de redressement judiciaire en liquidation judiciaire ». La formation de jugement souligne que la demande n’était pas subordonnée à un formalisme particulier, dès lors qu’elle a été portée devant la juridiction et débattue en audience en présence du débiteur.

La cour replace l’économie du contrôle dans le cadre de l’article L. 631-15 du code de commerce, en rappelant la latitude du tribunal pendant l’observation. Elle cite en ce sens: « Selon l’article L. 631-15 II, à tout moment de la période d’observation, le tribunal, à la demande du débiteur, de l’administrateur, du mandataire judiciaire, d’un contrôleur, du ministère public ou d’office, peut ordonner la cessation partielle de l’activité ou prononcer la liquidation judiciaire si le redressement est manifestement impossible. » Le raisonnement combine l’existence d’une demande écrite identifiable dans les rapports et la notification régulière de l’objet du débat, ce qui neutralise l’argument tiré d’une prétendue saisine d’office viciée.

Cette lecture du texte, centrée sur la finalité du contradictoire et la fonction instrumentale du rapport, paraît convaincante. L’exigence est, non la forme de l’acte introductif, mais la clarté de la demande et la possibilité d’y répondre utilement. La convocation reproduisant l’objet précis de l’audience assure l’information du débiteur, qui a d’ailleurs sollicité un sursis antérieur, révélant la parfaite connaissance du débat.

B. L’inapplicabilité de l’article R. 631-3 à la conversion et la faculté de se saisir

La formation retient que la réglementation de la saisine d’office visée à l’article R. 631-3 ne gouverne que l’ouverture de la liquidation, et non la conversion d’une procédure déjà ouverte. Elle énonce ainsi que « les dispositions de l’article R. 631-3 du code de commerce […] ne sont applicables qu’en cas de saisine d’office du tribunal en vue de l’ouverture de la liquidation judiciaire, et non pas en cas de conversion du redressement judiciaire en liquidation judiciaire ». L’instance de conversion s’inscrit dans le cadre juridictionnel déjà ouvert, où le juge de l’insolvabilité demeure saisi de la situation, sous l’empire du L. 631-15.

La solution s’inscrit dans une logique de coordination des textes et d’efficacité des procédures collectives. Elle évite de plaquer à la conversion un formalisme d’ouverture qui n’a plus sa raison d’être, l’office du juge étant continu. L’interprétation protège la célérité sans compromettre les droits de la défense, précisément assurés par la convocation ciblée et le contradictoire.

II. Les garanties d’impartialité et le contrôle du bien-fondé de la conversion

A. L’exigence d’impartialité objective et la charge de l’allégation

Le moyen d’atteinte à l’impartialité reposait sur l’existence alléguée d’un lien ancien entre un magistrat siégeant et les avocats d’un créancier. La cour relève l’absence de chronologie probante et l’impossibilité d’établir la concomitance d’intérêts. Elle conclut, de manière nette, qu’« aucun manquement au devoir ou même à l’apparence d’impartialité n’est à déplorer ». La référence expresse à l’apparence traduit l’application du standard européen, tout en rappelant que l’allégation doit être circonstanciée et actuelle.

La motivation présente une double vertu. Elle réaffirme la centralité de la preuve du risque d’impartialité, qui ne saurait se déduire de simples rapprochements nominaux ou de parcours professionnels antérieurs, et elle clarifie la méthode, très exigeante, pour caractériser une cause objective de récusation. La solution incite les plaideurs à étayer par des éléments datés, précis et contemporains, dans l’intérêt d’une justice impartiale mais stable.

B. Le critère du redressement manifestement impossible et la portée pratique de la décision

Au fond, la juridiction retient l’absence de perspectives sérieuses et confirme la conversion, en reprenant les motifs antérieurement adoptés. Elle reprend la formule synthétique suivante: « aucune possibilité sérieuse de redressement n’est démontrée ». L’analyse s’appuie sur l’ampleur du passif, l’existence de dettes nées pendant l’observation, l’opacité financière, et le caractère optimiste d’un prévisionnel non étayé par des disponibilités réelles.

La décision complète utilement le dispositif au regard des professions réglementées. Elle cite le texte suivant: « Lorsque le débiteur exerce une profession libérale soumise à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé, le tribunal désigne, lors de l’ouverture de la procédure, le représentant de l’ordre professionnel […] aux fins d’exercer les actes de la profession. » L’ajout de la désignation ordinal renforce la sécurité des actes professionnels et protège les tiers, en alignant le dispositif sur l’article R. 641-36. La portée de l’arrêt est double. Sur le terrain procédural, il confirme qu’une conversion peut intervenir sur la base de rapports contradictoirement débattus, sans formalisme excédentaire. Sur le terrain matériel, il rappelle que l’appréciation du « redressement manifestement impossible » obéit à un contrôle concret et documenté, que des projections optimistes ne suffisent pas à emporter.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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