- Cliquez pour partager sur LinkedIn(ouvre dans une nouvelle fenêtre) LinkedIn
- Cliquez pour partager sur Facebook(ouvre dans une nouvelle fenêtre) Facebook
- Cliquez pour partager sur WhatsApp(ouvre dans une nouvelle fenêtre) WhatsApp
- Cliquez pour partager sur Telegram(ouvre dans une nouvelle fenêtre) Telegram
- Cliquez pour partager sur Threads(ouvre dans une nouvelle fenêtre) Threads
- Cliquer pour partager sur X(ouvre dans une nouvelle fenêtre) X
- Cliquer pour imprimer(ouvre dans une nouvelle fenêtre) Imprimer
Par un arrêt du 1er septembre 2025, la Cour d’appel de Nancy s’est prononcée sur les conditions de garantie d’un contrat d’assurance multirisque habitation à la suite d’un sinistre causé par une tempête. Cette décision s’inscrit dans le contentieux classique opposant assurés et assureurs quant à la preuve des dommages et aux clauses d’exclusion de garantie.
Les faits de l’espèce sont les suivants. Un particulier avait souscrit le 13 janvier 2020 un contrat multirisque habitation auprès d’une mutuelle d’assurance. Entre le 9 et le 11 février 2020, la tempête Ciara a causé des dommages à son pavillon, affectant la couverture et un abri de piscine. L’assuré a déclaré le sinistre le 10 février 2020. Malgré une demande expresse de l’expert mandaté par l’assureur de conserver les éléments endommagés jusqu’à la réunion d’expertise fixée au 23 mars 2020, l’assuré a fait réaliser des travaux de remise en état avant cette date. L’assureur lui a alors opposé une déchéance de garantie par courrier du 29 juin 2020.
L’assuré a assigné la mutuelle devant le Tribunal judiciaire de Nancy le 8 juin 2021. Par jugement du 31 mai 2024, le tribunal a condamné l’assureur à verser 1093,40 euros correspondant aux seuls travaux d’urgence de mise hors d’eau, rejetant les demandes relatives aux autres travaux de couverture et à l’abri de piscine. L’assuré a interjeté appel le 4 juillet 2024, sollicitant l’infirmation du jugement et l’indemnisation de l’ensemble de ses préjudices. L’assureur a demandé la confirmation de la décision.
La question posée à la Cour d’appel de Nancy était double. D’une part, l’assuré rapportait-il la preuve de la matérialité des dommages affectant les éléments de couverture remplacés avant l’expertise. D’autre part, l’abri de piscine autoportant sur roulettes constituait-il un accessoire fixé au sens des conditions générales du contrat, ouvrant droit à garantie.
La cour a confirmé le jugement en toutes ses dispositions. Elle a retenu que l’assuré ne démontrait pas la réalité des dommages concernant le velux et la zinguerie, les photographies produites ne représentant que des éléments neufs après travaux. S’agissant de l’abri de piscine, la cour a jugé que les pièces versées aux débats, incluant des attestations et un constat d’huissier postérieur au sinistre, n’établissaient pas que cet équipement autoportant était arrimé au sol le jour de la tempête.
L’intérêt de cet arrêt réside dans l’application rigoureuse des règles de preuve en matière d’assurance et dans l’interprétation stricte des clauses de garantie relatives aux accessoires de piscine. La cour rappelle que « il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi, les faits nécessaires au succès de ses prétentions ». Elle confirme également l’exigence de fixation des équipements pour bénéficier de la garantie optionnelle piscine.
Il convient d’examiner successivement l’exigence de preuve de la matérialité des dommages en l’absence de constatation contradictoire (I), puis l’interprétation de la clause de garantie applicable aux équipements de piscine (II).
I. L’exigence de preuve de la matérialité des dommages en présence de travaux anticipés
A. Le principe de conservation des éléments endommagés jusqu’à l’expertise
La cour rappelle que l’assuré doit permettre à l’expert mandaté par l’assureur de constater la réalité des dommages déclarés. En l’espèce, le cabinet d’expertise avait expressément demandé à l’assuré de « conserver tous les éléments du dossier jusqu’au rendez-vous d’expertise ». Cette exigence procède de la logique même du contrat d’assurance, qui subordonne l’indemnisation à la vérification des dommages allégués.
L’assuré a méconnu cette obligation en faisant réaliser l’intégralité des travaux de couverture avant le 23 mars 2020, date de la réunion d’expertise. Il invoquait le caractère urgent de ces interventions pour assurer la mise hors d’eau du bâtiment. La cour admet cette justification pour les premiers travaux facturés 1093,40 euros, correspondant au remplacement de tuiles et de faîtières. Cette solution pragmatique reconnaît la nécessité de protéger le bien assuré contre les intempéries.
La limite de cette tolérance apparaît pour les travaux excédant la stricte urgence. Le devis de 10494 euros comprenait notamment le remplacement d’un velux et de la zinguerie. L’expert a relevé dans son rapport du 27 mars 2020 que ces éléments avaient été remplacés lors de son passage et qu’aucune preuve de leur état antérieur n’était rapportée.
B. L’insuffisance des éléments probatoires produits par l’assuré
La cour procède à une analyse précise des pièces versées aux débats. L’appelant produisait une photographie datée du 14 février 2020 établissant que « une partie des tuiles faîtières est fissurée ». Ce document a été jugé insuffisant pour démontrer la matérialité de l’ensemble des dommages revendiqués.
S’agissant du velux et de la zinguerie, la cour relève qu’« aucun élément probant n’est produit nonobstant la demande expresse du représentant de l’intimée faite le 25 mars 2020 ». La production de photographies montrant des éléments neufs après travaux « n’est pas de nature à établir la matérialité des dommages subis par l’appelant consécutivement à la tempête ».
Cette solution s’inscrit dans une jurisprudence constante exigeant de l’assuré qu’il rapporte la preuve positive du sinistre et de l’étendue des dommages. Le fait d’avoir procédé aux réparations avant expertise prive l’assuré de la possibilité de démontrer l’état des biens au moment du sinistre. L’expert avait d’ailleurs noté dans son rapport que « le velux et les descentes d’eau et gouttière qui ont été remplacées » n’étaient pas justifiés comme endommagés par le passage de la tempête.
II. L’interprétation stricte de la clause de garantie des accessoires de piscine
A. La définition contractuelle des accessoires garantis
Les conditions générales du contrat comportaient une garantie optionnelle piscine souscrite par l’assuré pour un montant plafonné à 34293 euros. L’article 23 de ces conditions précisait que cette garantie « s’applique aux accessoires fixés, y compris les pompes, les bâches et couvertures de tous types ». L’assureur opposait une déchéance de garantie au motif que l’abri de piscine constituait « une structure sur roulettes auto-portante non fixée au sol ».
L’expert avait décrit l’installation comme un équipement « mobile et autoportant, composé de six éléments coulissants à même le sol », précisant qu’« aucun moyen de fixation n’est prévu pour ce genre d’ouvrage qui présente une capacité autoportante, du fait de son poids ». L’assuré contestait cette analyse en soutenant que l’abri était arrimé par des chaînes aux quatre angles durant la saison hivernale.
La cour devait ainsi déterminer si un équipement structurellement autoportant pouvait être considéré comme fixé au sens du contrat lorsqu’il était temporairement arrimé au sol. Cette question révèle la tension entre la rédaction des clauses d’exclusion et les pratiques d’utilisation des équipements par les assurés.
B. L’exigence de preuve de la fixation au jour du sinistre
La cour admet que « les pièces produites par l’appelant à hauteur de cour permettent d’établir que l’arrimage de la couverture de piscine autoportante était possible ». L’assuré versait aux débats des attestations de personnes ayant participé à l’assemblage de l’abri, des photographies et un constat de commissaire de justice du 6 septembre 2023.
Cette reconnaissance de la possibilité technique d’arrimage ne suffit pas à ouvrir droit à garantie. La cour énonce que « ni les attestations des personnes ayant aidé à son assemblage, ni les photographies ou le constat du commissaire de justice du 6 septembre 2023, n’établissent que cet abri était arrimé le jour de la tempête cause du sinistre ». Le constat d’huissier, réalisé plus de trois ans après le sinistre, ne pouvait rétroactivement prouver l’état de l’installation en février 2020.
La cour accorde une importance déterminante aux constatations de l’expert qui avait « effectué des constatations contraires le 23 mars 2020 lors de son passage sur les lieux, alors que les dégâts causés par la tempête étaient évidents et incontestables ». Les photographies annexées au rapport d’expertise « ne permettent pas de constater que l’ouvrage abîmé ait été scellé ou arrimé au sol le 10 février 2020 ».
Cette décision confirme que l’interprétation des clauses de garantie s’effectue au regard de la situation existant au jour du sinistre. La possibilité abstraite de remplir les conditions de garantie ne dispense pas l’assuré de démontrer qu’elles étaient effectivement réunies au moment des faits. L’arrêt illustre ainsi les difficultés probatoires auxquelles se heurtent les assurés lorsque les constatations contemporaines du sinistre leur sont défavorables. La portée de cette solution invite les souscripteurs d’assurance à documenter précisément l’état de leurs installations, notamment pour les équipements dont la garantie dépend de conditions particulières de pose ou de fixation.