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Rendue par la Cour d’appel de Nancy le 11 septembre 2025 (n° RG 24/00929), la décision tranche un différend relatif au calcul de l’indemnité de rupture conventionnelle. Elle oppose un employeur et un salarié ayant travaillé successivement à temps plein, puis à temps partiel, au sein de deux sociétés distinctes, ultérieurement réunies dans un même groupe.
Le salarié avait été engagé en 2000, à temps plein, avant qu’un partage du temps de travail intervienne en 2006 entre l’employeur initial et une autre société. Le second contrat reprenait l’ancienneté à la date d’origine. Une rupture conventionnelle est intervenue en 2021 avec le premier employeur, tandis que la relation avec l’autre société s’est poursuivie jusqu’au départ à la retraite en 2023.
Saisi en 2022, le conseil de prud’hommes a accordé un reliquat d’indemnité de rupture conventionnelle net de 8 968,47 euros et débouté la demande de prime. L’employeur a interjeté appel, soutenant un « transfert » d’ancienneté vers l’autre société et le risque d’une double indemnisation d’une même période. Le salarié a défendu l’indépendance des contrats et l’intangibilité du minimum légal de l’indemnité.
La question posée tient à la portée d’une clause de reprise d’ancienneté stipulée dans un autre contrat, et à son influence sur l’assiette de l’indemnité de rupture conventionnelle due par le premier employeur. Autrement dit, l’indemnité peut-elle être diminuée au motif que l’autre société a reconnu l’ancienneté à compter de la date d’origine.
La cour confirme la condamnation en retenant l’immutabilité des clauses claires et le socle impératif de l’article L1237-13. Elle énonce d’abord que « Aux termes des dispositions de l’article 1192 du code civil, on ne peut interpréter les clauses claires et précises à peine de dénaturation ». Elle relève ensuite que « Son article 2 rappelle que la convention de rupture intervient en application des dispositions des articles L1237-11 et suivants du code du travail, ce qui comprend l’article 1237-13 alinéa 1 fixant le montant minimum de l’indemnité de rupture ». Elle constate enfin qu’« Il n’est ni précisé, ni même suggéré par quelque mention que ce soit, que l’ancienneté à prendre en compte ne serait pas celle débutant le 26 juin 2000 » et en déduit que « Dès lors, cette convention de rupture n’a pas, en l’absence de toute ambiguïté, à être interprétée ».
I. Le sens de la décision: la primauté du minimum légal et l’intangibilité des clauses claires
A. La convention de rupture comme cadre de référence minimal
La décision ancre le raisonnement dans la hiérarchie des normes protectrices, en rattachant l’indemnité au minimum prévu par l’article L1237-13. La cour cite expressément la clause de renvoi aux « articles L1237-11 et suivants », rappelant que la convention ne peut descendre sous le seuil impératif. En insistant sur « l’article 1237-13 alinéa 1 fixant le montant minimum de l’indemnité de rupture », l’arrêt réaffirme que le calcul doit atteindre, a minima, l’indemnité légale ou conventionnelle de licenciement.
Cette économie impose de vérifier l’assiette de l’ancienneté pertinente du salarié au regard de la convention de rupture. La référence au minimum légal neutralise toute stipulation ambiguë ou équivoque qui aboutirait à réduire artificiellement la base de calcul. Elle borne le débat à la seule question de savoir si le texte contractuel écarte, de manière claire, la prise en compte de l’ancienneté depuis l’origine.
B. L’ancienneté retenue comme donnée non réductible en l’absence de clause expresse
La cour constate que le document transactionnel décrit le parcours professionnel et l’évolution du temps de travail, sans prévoir de règle réductrice de l’ancienneté applicable. Elle souligne que « Il n’est ni précisé, ni même suggéré par quelque mention que ce soit, que l’ancienneté à prendre en compte ne serait pas celle débutant le 26 juin 2000 ». Cette affirmation ferme écarte l’idée d’un « transfert » exclusif de l’ancienneté vers un autre employeur.
La règle d’interprétation s’impose alors avec netteté. En rappelant que « on ne peut interpréter les clauses claires et précises à peine de dénaturation », la juridiction refuse d’introduire une limitation qui ne figure pas au texte. Il en résulte que « cette convention de rupture n’a pas, en l’absence de toute ambiguïté, à être interprétée », et que l’indemnité doit être complétée pour atteindre le plancher légal déterminé avec l’ancienneté d’origine.
II. Valeur et portée: l’articulation des contrats distincts et la sécurisation des calculs
A. Une solution conforme à la logique des contrats multiples et à l’ordre public social
L’argument tenant à une double indemnisation d’une même période ne convainc pas, car il méconnaît l’indépendance des liens contractuels. Deux contrats distincts, conclus avec deux employeurs différents, répondent à des ruptures différentes, même lorsque des passerelles d’ancienneté existent. La reprise d’ancienneté au profit d’un autre employeur n’entraîne pas, par elle-même, l’extinction ou la réduction de l’assiette due au titre de la rupture conventionnelle initiale.
La solution s’inscrit dans l’ordre public social, qui garantit un minimum intangible fondé sur l’ancienneté pertinente. Une clause prétendant « transférer » l’intégralité de l’ancienneté pour priver le premier employeur de toute obligation complémentaire heurterait le socle impératif. Elle risquerait, en outre, de dénaturer la convention de rupture si le texte n’énonce pas explicitement une telle conséquence.
B. Des enseignements pratiques pour la rédaction contractuelle au sein des groupes
La décision invite les entreprises à une vigilance accrue lors de l’aménagement de temps partagés entre entités distinctes. Si une volonté de coordination des anciennetés existe, elle doit s’exprimer par des stipulations claires, compatibles avec les minima légaux et conventionnels. À défaut, la référence à l’article L1237-13 emporte mécaniquement la prise en compte de l’ancienneté depuis l’origine dans le calcul de la rupture conventionnelle.
Elle éclaire aussi la gestion des mobilités intragroupes, en rappelant que l’appartenance à un même groupe n’efface ni l’autonomie des employeurs ni l’exigence des plafonds et planchers légaux. La sécurité juridique des calculs commande donc de distinguer soigneusement la reprise d’ancienneté bénéfique pour l’employabilité, et l’impact réel sur les obligations pécuniaires à la rupture. En l’absence de texte clair, l’indemnité demeure arrimée au minimum légal déterminé avec l’ancienneté initiale.
Enfin, la confirmation sur la prime illustre le respect des limites de l’effet dévolutif. La cour retient, de manière classique, que « En l’absence de demande de réformation du jugement sur ce point, celui-ci sera confirmé », et circonscrit ainsi le débat à la question centrale de l’indemnité. Cette maîtrise du périmètre renforce la lisibilité de la solution et la portée pratique de l’arrêt.