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Cour d’appel de Nancy, 28 août 2025. Un opérateur de distribution d’eau a assigné des occupants pour le paiement d’arriérés facturés au titre de consommations et d’abonnements. Le tribunal judiciaire d’Épinal a partiellement accueilli la demande, mais a déclaré prescrites les créances antérieures au 17 janvier 2022.
L’appelante a sollicité en cause d’appel la condamnation solidaire au paiement de 8 257,40 euros, avec intérêts à compter d’une mise en demeure, et des indemnités procédurales. Les intimés n’ont pas constitué avocat. La cour a confirmé la prescription de la majorité des créances et maintenu la condamnation limitée à 157,37 euros.
La question de droit portait sur le point de départ du délai biennal de l’article L 218-2 du code de la consommation, et sur l’effet interruptif d’actes invoqués par le professionnel. La cour rappelle que « Aux termes de l’article L 218-2 du code de la consommation, l’action des professionnels, pour les biens et services qu’ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans. Le point de départ de ce délai est la date de connaissance par le professionnel des faits lui permettant d’exercer l’action, soit en principe la date de l’exécution des prestations ou à défaut celui de la facture. » Elle précise encore que « L’article 2240 du code civil prévoit par ailleurs que la reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrivait interrompt le délai de prescription. » Enfin, la cour tranche que « S’agissant des mises en demeure, elles ne constituent pas une cause interruptive de prescription. » L’arrêt confirme la prescription de plusieurs factures de consommation et admet la recevabilité de créances d’abonnement et d’une consommation récente, tout en réformant seulement l’application de l’article 700.
I – Le régime temporel retenu pour la prescription biennale
A – Le point de départ concrétisé par la nature de la créance
La cour distingue finement selon la source de la créance, entre consommation effectivement relevée et facturation estimative. Pour les lectures de compteur, le délai court du lendemain du relevé, logique au regard de la connaissance des faits. Elle souligne, à propos d’une facture, que « La facture datée du 19 janvier 2022, porte sur des consommations relevées le 7 septembre 2021. Le délai de prescription a commencé à courir le 8 septembre 2021. » L’application concrète révèle un raisonnement chronologique rigoureux, fidèle au texte et à la finalité de protection du consommateur.
S’agissant des factures établies sur estimation, la date de la facture déclenche le délai biennal, faute de prestation identifiable par un relevé. La motivation retient ainsi que « La facture datée du 30 juin 2021 repose sur une estimation de telle sorte que le point de départ du délai de prescription est constitué par la date de la facture. » Cette solution, cohérente avec la définition du fait générateur, sécurise la computation du délai pour des créances moins factuellement ancrées.
B – Les causes d’interruption admises ou écartées par la cour
La cour resitue la notion de reconnaissance de dette comme cause interruptive autonome, en conformité avec l’article 2240. Elle en retient l’existence pour un courrier sollicitant un échelonnement, mais dans des limites temporelles strictes. La précision apportée sur les mises en demeure mérite attention, la cour rappelant clairement que « S’agissant des mises en demeure, elles ne constituent pas une cause interruptive de prescription. » Cette exclusion recentre l’interruption sur des actes du débiteur ou une demande en justice.
L’arrêt refuse également l’effet interruptif à une correspondance de contestation, en stricte orthodoxie avec la nécessité d’un aveu non équivoque. L’économie du raisonnement démonte utilement la confusion entre paiements négociés, interpellations unilatérales et actes interruptifs. La conséquence pratique est nette : seul un écrit de reconnaissance, datable et imputable, interrompt utilement le délai.
II – La valeur et la portée de la solution retenue
A – Une motivation conforme aux textes et à la logique consumériste
La solution s’aligne sur la lettre de l’article L 218-2, telle que rappelée par la cour : « Aux termes de l’article L 218-2 du code de la consommation […] » Elle articule sans excès la connaissance des faits avec la nature de la facturation, évitant une assimilation hasardeuse entre estimation et exécution. La rigueur probatoire entourant la reconnaissance est bienvenue, prévenant des interruptions de pure opportunité.
L’équilibre est assuré par le traitement différencié des abonnements, dont l’exigibilité suit des périodes déterminées. La cour constate ainsi, pour une facture composite, que « Cette facture du 22 mars 2023 porte également sur les abonnements du 2ème semestre 2022 et du premier semestre 2023 (pour un montant de 46,79 euros) ainsi que des consommations relevées le 26 août 2022 (88,46 euros) et pour lesquelles le délai de prescription, ayant commencé à courir le 27 août 2022, est venu à échéance le 27 août 2024, de telle sorte que l’action ne se trouvait pas prescrite lors de la délivrance de l’assignation le 17 janvier 2024, pour un montant total de 135,25 euros. » La segmentation des postes fonde une solution mesurée et juridiquement robuste.
B – Conséquences pratiques pour les opérateurs et les usagers
L’arrêt fixe des repères opérationnels clairs. Pour le professionnel, l’enjeu consiste à dater avec précision les relevés, distinguer les estimations et obtenir, lorsque possible, une reconnaissance explicite. Les mises en demeure n’interrompant pas, la diligence procédurale devient déterminante pour éviter la forclusion des créances anciennes. La pratique devra privilégier des protocoles de paiement signés, traçables, et rattachés aux périodes exactes.
Pour les consommateurs, la décision conforte la protection par la brièveté du délai et par l’exigence d’un aveu non équivoque. La contestation écrite conserve sa portée défensive, dépourvue d’effet interruptif involontaire. La solution relative aux intérêts, maintenus au taux légal à compter de la signification du jugement, rappelle l’importance de l’exigibilité judiciaire. La réforme limitée à l’article 700, avec une indemnité réservée à la première instance et rejetée en appel, illustre enfin une juste appréciation de l’équité procédurale, corrélée au succès partiel des prétentions.