Cour d’appel de Nancy, le 3 septembre 2025, n°24/00995

Rendue par la Cour d’appel de Nancy le 3 septembre 2025, la décision commente la recevabilité d’un appel en matière de sécurité sociale. La question se concentre sur la validité de la notification d’un jugement adressée au siège social d’une personne morale, ainsi que sur le point de départ du délai d’appel.

L’espèce naît d’une déclaration d’accident du travail, évoquant une altercation sur le lieu de travail et des troubles anxieux consécutifs. L’organisme social a pris en charge le sinistre au titre des risques professionnels, tandis que l’employeur contestait l’existence d’un fait accidentel et le respect de l’information contradictoire au stade de l’instruction.

Après rejet du recours amiable, le pôle social de Troyes a déclaré opposable la prise en charge, puis a débouté l’employeur. Celui-ci a interjeté appel au-delà d’un mois à compter de la notification du jugement. L’organisme a alors opposé l’irrecevabilité de l’appel pour tardiveté, l’employeur soutenant que l’avis de réception n’était pas signé par son représentant habilité.

La question de droit tient à savoir si la notification effectuée au siège social d’une personne morale déclenche le délai d’appel, indépendamment de l’identité ou de l’habilitation du signataire de l’avis de réception. La cour répond positivement, au visa des textes régissant le délai d’appel et de l’article 690 du code de procédure civile, ainsi qu’à la lumière d’une jurisprudence de la Cour de cassation.

La motivation se fonde sur deux énoncés décisifs. D’abord, la cour rappelle qu’« Il est de jurisprudence constante que la notification faite au siège social de la personne morale est valide de ce seul constat et sans avoir à rechercher si la personne qui l’a reçue disposait d’une habilitation ( Cassation, ch. civ 2, 22 mai 2025, 22.23-193). » Ensuite, après avoir constaté que « Le jugement a été notifié le 2 avril 2024 selon l’accusé de réception signé au siège social », la cour conclut logiquement que « Dès lors l’appel est irrecevable. »

I. Le fondement procédural de l’irrecevabilité

A. La notification au siège social comme point de départ du délai

Le régime combiné des délais d’appel et de l’article 690 du code de procédure civile impose une lecture formaliste, tournée vers l’efficacité. La notification valablement faite au lieu de l’établissement de la personne morale déclenche le délai d’appel, sans autre exigence particulière.

La décision l’illustre par une analyse sobre des pièces postales. La cour relève la réception au siège social et écarte tout débat sur l’identité du signataire, laquelle n’est pas exigée par le texte pour apprécier la validité de l’acte.

Cette approche confère au greffe et au service postal un rôle pivot dans la sécurité de la procédure. Elle privilégie la stabilité des délais sur les aléas internes d’organisation de la personne morale.

B. L’adossement à une jurisprudence de principe

L’énoncé « Il est de jurisprudence constante… » renvoie à une ligne jurisprudentielle confirmée par la Cour de cassation. Celle-ci considère la notification au siège comme suffisante, sans contrôle de l’habilitation du signataire.

Ce rappel verrouille le raisonnement en limitant les causes de nullité aux hypothèses textuelles et au grief démontré. La cour d’appel s’inscrit ainsi dans un cadre prévisible, qui ferme la voie aux contestations opportunistes sur la seule base d’une signature interne contestée.

La référence à l’arrêt de la deuxième chambre civile du 22 mai 2025 consolide la portée de la solution. La juridiction du fond applique le principe avec rigueur, en retenant le seul constat objectif de la réception au siège.

II. La portée pratique et les limites de la solution

A. La sécurité des notifications et la discipline des délais

La solution renforce la sécurité juridique de la chaîne de notification. Elle évite qu’une contestation interne, parfois invérifiable, ne paralyse le cours des délais et n’alourdisse la charge des juridictions.

Elle favorise aussi la discipline procédurale des personnes morales, tenues d’une organisation postale fiable. L’exigence de diligence se déplace ainsi vers l’intérieur de l’entité, où la circulation des actes doit être maîtrisée.

Le gain d’efficacité est manifeste en contentieux social, où les délais courts contribuent à la célérité. La formule « Dès lors l’appel est irrecevable » illustre l’économie de moyens retenue lorsque les conditions légales sont réunies.

B. Les garanties résiduelles du contradictoire et le risque de rigidité

La rigueur de la solution peut susciter des craintes en cas de dysfonctionnements postaux ou d’absence de traçabilité interne. Toutefois, la contestation pertinente reste possible en présence d’irrégularités effectives de notification, dûment établies.

La décision n’évacue pas le contradictoire, elle en limite seulement les dérives formalistes. Elle distingue entre griefs tenant à l’instruction au fond, qui auraient pu être débattus si l’appel était recevable, et griefs de notification qui conditionnent l’accès même au juge d’appel.

L’articulation est claire : le respect du contradictoire suppose d’abord un appel recevable, lequel dépend d’une notification objectivement régulière. En retenant la validité de la notification au siège, la cour borne le litige à la discipline des délais et en tire toutes conséquences.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

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