Cour d’appel de Nancy, le 3 septembre 2025, n°24/01891

Cour d’appel de Nancy, chambre sociale, 3 septembre 2025, n° RG 24/01891. Un syndicat mixte chargé de la collecte des déchets demandait, pour 2017 et 2018, la régularisation de la réduction générale et du taux réduit des allocations familiales. L’organisme de recouvrement avait refusé, décision confirmée par la commission de recours amiable. Par jugement du 22 mars 2022, le tribunal judiciaire de Charleville-Mézières avait qualifié le service de caractère industriel et commercial et ordonné le remboursement sollicité.

L’appelant demandait l’infirmation intégrale et le rejet des prétentions adverses. L’intimé sollicitait la confirmation et une indemnité de procédure. La question de droit tenait à l’éligibilité d’un employeur public local à la réduction générale des cotisations, au regard de l’assujettissement à l’assurance chômage, lorsque le service géré présente un caractère industriel et commercial. La juridiction retient que « Il existe donc une corrélation entre l’assujettissement au régime d’assurance chômage et le bénéfice de la réduction générale des cotisations de sécurités sociales sur les bas salaires. » Elle précise que « Il en résulte que la réduction générale des cotisations patronales sur les bas salaires ne s’applique aux rémunérations versées aux salariés des établissements publics à caractère industriel et commercial des collectivités territoriales ou des sociétés d’économie mixte dans lesquelles les collectivités ont une participation majoritaire que si ces derniers ont adhéré au régime d’assurance chômage, pour leurs salariés, par une option irrévocable. » Constatant l’absence d’option durant la période, la cour infirme et rejette la demande de remboursement.

I. Le rattachement de la réduction générale au régime d’assurance chômage

A. La corrélation normative posée par l’article L. 241-13 du code de la sécurité sociale
La décision rappelle, dans la rédaction applicable, que la réduction générale vise « les gains et rémunérations versés aux salariés au titre desquels l’employeur est soumis à l’obligation édictée par l’article L. 5422-13 du code du travail et aux salariés mentionnés au 3° de l’article L. 5424-1 du même code. » La cour en déduit logiquement que « Il existe donc une corrélation entre l’assujettissement au régime d’assurance chômage et le bénéfice de la réduction générale des cotisations de sécurités sociales sur les bas salaires. » Le critère d’éligibilité se rattache ainsi non à la seule nature de l’employeur, mais à l’assujettissement effectif de ses salariés au régime considéré.

Cette lecture systématique met en cohérence l’économie du dispositif avec son assiette contributive. Le bénéfice de la réduction, qui compense la charge globale sur les bas salaires, suppose que l’employeur relève du périmètre de l’assurance chômage ou entre dans son champ à raison de catégories expressément visées. Le texte articule l’avantage social avec l’obligation d’assurance, ce que la cour réaffirme sans détour.

B. L’option irrévocable exigée pour les employeurs publics locaux potentiellement éligibles
La combinaison des articles L. 5424-1, 3°, et L. 5424-2 du code du travail conduit la juridiction à exiger une adhésion « de manière irrévocable » pour les établissements publics à caractère industriel et commercial des collectivités territoriales et pour les sociétés d’économie mixte à participation majoritaire locale. La solution est exprimée sans équivoque : « Il en résulte que la réduction générale des cotisations patronales sur les bas salaires ne s’applique […] que si ces derniers ont adhéré […] par une option irrévocable. » L’éligibilité résulte d’un choix clair, opposable et daté, susceptible de vérification.

La cour n’ignore pas l’incertitude statutaire propre aux syndicats mixtes. Elle constate que « L’article L. 5711-1 du code général des collectivités territoriales ne précise pas la nature juridique de ce type de syndical mixte fermé. » Elle rappelle les critères usuels d’identification du caractère industriel et commercial, tenant à l’objet, aux ressources et aux modalités de fonctionnement. Toutefois, elle considère ce débat inopérant dès lors que l’option irrévocable n’a pas été exercée pendant la période litigieuse.

II. La mise en œuvre contentieuse et la portée de la solution

A. Le contrôle du juge et l’écartement du débat de qualification
La juridiction consacre un office actif du juge social en matière d’éligibilité. Elle énonce que « Il appartient au juge de vérifier, au besoin d’office, si les conditions requises pour bénéficier de la réduction des cotisations patronales sur les bas salaires étaient réunies durant la période considérée. (C. Cass. 2e Ch. Civ 26 septembre 2024 n° 22-19.437 et 10 avril 2025 n° 22-18.044). » Ce contrôle proactif sécurise l’application du régime objectif et garantit l’égalité entre employeurs.

Sur le plan méthodologique, la cour adopte un raisonnement à titre principal sur l’option, reléguant la qualification du service public au second plan. À supposer même l’existence d’un caractère industriel et commercial, l’absence d’adhésion irrévocable suffit à exclure l’avantage. Le raisonnement recentre l’analyse sur un critère exogène, daté et probatoire, réduisant les incertitudes inhérentes aux qualifications hybrides.

B. Les effets pratiques pour les collectivités et l’appréciation critique
La solution commande un audit de conformité immédiat des employeurs publics locaux qui gèrent des services marchands. À défaut d’option irrévocable, les réductions pratiquées s’exposent au refus de remboursement, voire à contestation lors du recouvrement. L’exigence d’un acte irrévocable favorise la traçabilité des choix d’assujettissement et limite les contentieux sur la nature des services.

L’approche est rigoureuse mais cohérente avec l’architecture du texte. Elle prévient les stratégies de « sur‑mesure » et aligne l’avantage sur la contribution correspondante. La cour écarte toute invocation d’erreur sur la nature du service ou de faute de l’administration, en relevant que l’adhésion relève d’un libre choix de la collectivité. La formule est nette : « Il ne peut donc prétendre dans tous les cas au bénéfice de la réduction générale des cotisations patronales. » La portée est significative pour les services publics locaux, qu’elle incite à sécuriser leur position d’assurance chômage pour l’avenir.

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Hassan KOHEN
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