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Par un arrêt de la Cour d’appel de Nancy du 3 septembre 2025, la chambre sociale confirme le refus de prise en charge d’une rechute. Le litige oppose un assuré à l’organisme de sécurité sociale sur les suites d’un accident du travail consolidé. L’arrêt précise l’exigence probatoire de la rechute et l’office du juge en matière d’instruction médicale.
L’assuré a subi une entorse du genou gauche le 2 mai 2022, prise en charge au titre professionnel. Son état a été consolidé au 19 décembre 2022, puis un taux d’incapacité permanente partielle de 8 % a été attribué. Le 20 juin 2023, un certificat a fait état de douleurs et de lésions méniscales du même genou, avec une prothèse envisagée, déclaré comme rechute.
L’organisme a refusé la prise en charge le 8 août 2023, décision confirmée par la commission médicale de recours amiable le 21 novembre 2023. Le pôle social du tribunal judiciaire de Reims, le 20 septembre 2024, a rejeté le recours et la demande d’expertise. L’assuré a interjeté appel le 18 octobre 2024 en sollicitant une expertise et la reconnaissance du lien causal avec l’accident initial.
L’appelant soutenait qu’une mesure d’instruction s’imposait et que les lésions méniscales traduisaient une aggravation postérieure à la consolidation. L’organisme demandait confirmation, invoquant l’absence d’élément médical probant et l’évolution autonome d’une pathologie dégénérative. La question portait sur les conditions de la rechute au sens des articles L. 443-1 et L. 443-2 du code de la sécurité sociale, la charge de la preuve et l’opportunité d’une expertise.
La Cour confirme le jugement et refuse d’ordonner une mesure d’instruction. Elle rappelle d’abord que « En application de l’article R. 142-16 du code de la sécurité sociale, la juridiction peut ordonner toute mesure d’instruction ». Elle ajoute toutefois que « Il sera rappelé qu’en vertu de l’article 146 du code de procédure civile, en aucun cas une mesure d’instruction ne peut être ordonnée en vue de suppléer la carence d’une partie dans l’administration de la preuve ». Sur le fond, la Cour énonce que « Il en résulte que la rechute suppose un fait nouveau », puis que « En cas de rechute, la victime ne bénéficie pas de la présomption d’imputabilité de l’article L.411-1 du code de la sécurité sociale : il lui appartient de prouver qu’il existe une relation directe et unique entre les manifestations douloureuses et le traumatisme initial ».
I. Le sens de la décision: la rechute et la preuve
A. Le cadre juridique rappelé par la cour
La Cour déroule un rappel complet de la norme applicable, en soulignant la nécessité d’un évènement postérieur et distinct. Elle cite d’abord que « Selon l’article L. 443-1 du code de la sécurité sociale, toute modification dans l’état de la victime, dont la première constatation médicale est postérieure à la date de guérison apparente ou de consolidation de la blessure, peut donner lieu à une nouvelle fixation des réparations ». Elle précise ensuite que « Selon l’article L. 443-2 du code de la sécurité sociale, si l’aggravation de la lésion entraîne pour la victime la nécessité d’un traitement médical, qu’il y ait ou non nouvelle incapacité temporaire, la caisse statue sur la prise en charge de la rechute ». La Cour en déduit, dans une formule synthétique, que « Il en résulte que la rechute suppose un fait nouveau ».
Ce rappel s’articule avec le retrait de la présomption d’imputabilité. La Cour affirme, dans des termes nets, que « En cas de rechute, la victime ne bénéficie pas de la présomption d’imputabilité de l’article L.411-1 du code de la sécurité sociale : il lui appartient de prouver qu’il existe une relation directe et unique entre les manifestations douloureuses et le traumatisme initial ». Le standard probatoire est donc élevé, parce qu’il requiert la démonstration d’une causalité directe et exclusive, et non la seule concomitance de symptômes.
B. L’application aux éléments médicaux de l’espèce
La Cour retient l’absence d’éléments médicaux de nature à établir un fait nouveau post-consolidation. Les pièces démontrent une gonarthrose débutante déjà objectivée après l’accident initial, ainsi que des lésions méniscales à caractère dégénératif. La mention d’une prothèse envisagée ne suffit pas à qualifier une aggravation imputable au traumatisme, puisqu’elle s’inscrit dans l’évolution d’un terrain pathologique autonome. Les autres affections relevées, sans lien avec le genou, confortent l’existence d’un état antérieur évoluant pour son propre compte.
Le refus d’expertise s’enchaîne logiquement avec cette carence probatoire. La Cour rappelle son pouvoir d’instruction mais souligne qu’aucune mesure ne peut suppléer une insuffisance de preuve initiale. Elle cite précisément que « En application de l’article R. 142-16 du code de la sécurité sociale, la juridiction peut ordonner toute mesure d’instruction », puis énonce, en stricte application du droit commun de la preuve, que « en aucun cas une mesure d’instruction ne peut être ordonnée en vue de suppléer la carence d’une partie ». La demande d’expertise était ici accessoire au fond et non fondée sur des indices médicaux sérieux.
II. Valeur et portée: rigueur probatoire et implications pratiques
A. Le refus d’expertise et la charge de la preuve
La solution confirme une ligne jurisprudentielle exigeante quant au déclenchement de l’office du juge. Le juge de la sécurité sociale peut instruire, mais il n’y est pas tenu, y compris en matière médicale. Le rappel explicite de l’article 146 du code de procédure civile ancre l’analyse dans la logique de l’initiative probatoire des parties. La Cour privilégie une conception responsabilisante de la preuve, et subordonne l’expertise à l’existence d’éléments médicaux préalables, précis et contemporains de la rechute alléguée.
Cette orientation, mesurée, n’est pas dépourvue d’équilibre. Elle protège l’instance d’expertises supplétives destinées à pallier des carences documentaires et réaffirme la cohérence des régimes probatoires. Elle évite aussi l’assimilation de manifestations séquellaires à une rechute, ce que la Cour exclut expressément en considérant que seules « les nouvelles lésions en lien de causalité direct et exclusif » ou « l’aggravation de la lésion initiale après consolidation » importent. Le message est clair: la preuve doit être médicalement étayée, et immédiatement exploitable.
B. Les conséquences pratiques pour les rechutes postérieures à la consolidation
La portée de l’arrêt se mesure d’abord au plan médico-légal. Pour les affections articulaires dégénératives, souvent multifactorielle, la preuve d’une relation « directe et unique » sera délicate. La solution incite les assurés à documenter soigneusement le moment d’apparition des signes, l’évolution radioclinique, et la distinction entre séquelles et aggravation. Elle incite également à produire des avis circonstanciés, répondant précisément au critère d’un fait nouveau post-consolidation.
La décision a, ensuite, une portée procédurale nette. Elle consacre une économie de l’expertise centrée sur l’utilité probatoire, et non sur l’idée générale qu’une question médicale justifierait toujours une mesure. La Cour avait rappelé que « En application de l’article R. 142-16 du code de la sécurité sociale, la juridiction peut ordonner toute mesure d’instruction ». Mais la mise en œuvre demeure conditionnée par la crédibilité initiale du dossier, ce que confirme le renvoi à l’article 146 du code de procédure civile.
Enfin, l’arrêt dessine une grille d’analyse cohérente des rechutes en droit de la sécurité sociale. Il ordonne les conditions matérielles (fait nouveau, aggravation objectivée), les conditions juridiques (charge de la preuve, absence de présomption) et l’office du juge (pouvoir d’instruction, refus en cas de carence). En cela, la solution stabilise les attentes des justiciables et des organismes, et contribue à une application prévisible des articles L. 443-1 et L. 443-2.