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La Cour d’appel de Nancy, chambre sociale, 3 septembre 2025, statue sur la recevabilité d’un recours dirigé contre la fixation d’une date de guérison à la suite d’un accident de trajet. L’organisme social avait reconnu l’accident et retenu une guérison au 8 mars 2023. La commission médicale de recours amiable avait rejeté le recours amiable par décision du 21 août 2023, notifiée en recommandé.
L’assurée a saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Reims le 19 février 2024. Par jugement du 20 septembre 2024, cette juridiction a déclaré le recours irrecevable, retenant la réception de la notification recommandée le 25 août 2023 et l’absence de preuve contraire. La juridiction d’appel est saisie d’une contestation portant sur la réalité de la signature, l’absence alléguée des mentions de délai, et une seconde notification prétendument intervenue en février 2024.
L’appelante soutenait ne pas avoir signé l’avis de réception, arguait d’une homonymie possible, invoquait l’absence des délais de recours, et prétendait une nouvelle notification début février 2024. L’organisme social opposait la présomption de notification attachée à l’avis signé, affirmait la présence des mentions afférentes aux délais, contestait toute seconde notification, et concluait à l’irrecevabilité pour dépassement du délai de deux mois.
La question juridique portait sur la force probante de l’avis de réception signé et la charge de la preuve de sa remise, ainsi que sur l’effet d’éventuels manquements aux mentions ou d’une seconde notification alléguée. La cour confirme l’irrecevabilité, constatant l’absence de preuve renversant la présomption de notification et l’expiration du délai au 25 octobre 2023.
I. La présomption de notification par LRAR et son office probatoire
A. Texte applicable et interprétation jurisprudentielle constante
La solution s’ancre d’abord dans l’article 670 du code de procédure civile, dont deux alinéas sont rappelés par la juridiction d’appel. « La notification est réputée faite à personne lorsque l’avis de réception est signé par son destinataire. » « La notification est réputée faite à domicile ou à résidence lorsque l’avis de réception est signé par une personne munie d’un pouvoir à cet effet. » La cour ajoute l’interprétation classique dégagée par la jurisprudence. « Par interprétation constante de ce dernier texte la signature sur l’avis de réception d’une lettre recommandée adressée à une personne physique est présumée être, jusqu’à preuve contraire, celle de son destinataire ou de son mandataire » (Civ. 2e, 1er oct. 2020, n° 19-15.753 ; Civ. 2e, 9 juill. 2020, n° 19-15.751).
Le mécanisme est net. La signature figurant sur l’avis de réception déclenche une présomption de remise à personne ou à domicile, selon le cas. La preuve contraire doit être positive, pertinente et convaincante. Elle ne se déduit pas d’une simple affirmation de non-signature. Elle requiert des éléments objectifs, pouvant aller jusqu’à l’expertise en écriture, l’attestation circonstanciée, ou la démonstration d’une usurpation.
B. Application au litige et détermination du délai utile
La juridiction d’appel examine la signature versée aux débats et la confronte à une signature de référence. Elle retient que la comparaison « ne permet pas d’affirmer une dissemblance flagrante de signatures », appréciation de fait conforme à l’office du juge. L’argument d’homonymie est écarté, faute d’éléments précis et concordants, notamment sur l’adresse et l’identité d’un signataire tiers.
L’allégation d’une notification dépourvue des mentions de délai ne prospère pas, la cour retenant que la lettre comportait les indications requises. Sur la prétendue seconde notification, les pièces produites ne permettent pas d’identifier un envoi régulier ni un acte notifié, un simple avis de passage non renseigné ne valant pas preuve de notification. Le délai de deux mois a couru à compter du 25 août 2023, pour expirer le 25 octobre 2023. L’introduction du recours contentieux en février 2024 était donc tardive, entraînant l’irrecevabilité.
II. Portée et appréciation de la solution retenue
A. Conformité aux exigences de sécurité juridique et à la ligne de la Cour de cassation
La décision s’inscrit dans une ligne jurisprudentielle stable, qui sécurise la date de départ des délais de recours par une règle claire. Le texte de l’article 670, éclairé par la jurisprudence, organise une présomption simple, équilibrant l’efficacité de la notification et la possibilité de la contester. Cette présomption, réfragable, protège la sécurité des relations procédurales, condition essentielle à la prévisibilité des délais.
Le contrôle exercé ici respecte cette architecture. La cour confronte les signatures et vérifie la présence des mentions de délai. Elle refuse d’édifier une cause de suspension ou de report dépourvue de fondement probatoire. La solution, rigoureuse, promeut la discipline des délais et la stabilité des situations juridiques en contentieux social, où la célérité conditionne l’effectivité des droits.
B. Limites pratiques et vigilance probatoire dans les contentieux sociaux
La rigueur probatoire peut toutefois susciter des difficultés concrètes pour un assuré contestant une signature apposée sur l’avis. L’exigence d’une « dissemblance flagrante » place le débat sur un terrain technique, peu accessible sans expertise. La voie d’une mesure d’instruction sur pièces, ou d’une expertise graphologique ciblée, peut être justifiée lorsque des indices sérieux existent, sans alourdir excessivement la procédure.
L’évocation d’une seconde notification illustre un autre enjeu. Seuls des éléments traçables, identifiant l’émetteur et la décision, peuvent déplacer le point de départ des délais. À défaut, l’« avis de passage » demeure insuffisant et ne fragilise pas la présomption. La solution invite donc à une vigilance accrue des assurés quant à la réception des courriers recommandés, et à la conservation des enveloppes et pièces justificatives. Elle rappelle également aux organismes l’utilité d’une notification parfaitement renseignée, limitant tout débat ultérieur sur les délais. Ainsi, la confirmation du jugement, « en toutes ses dispositions », réaffirme une lecture exigeante mais cohérente du droit de la notification en contentieux social.