Cour d’appel de Nancy, le 4 septembre 2025, n°23/02495

Par un arrêt du 4 septembre 2025, la cour d’appel de Nancy statue sur un litige prud’homal relatif aux rappels salariaux d’un cadre régulateur. Le contentieux oppose, après rupture, des prétentions en heures supplémentaires, indemnités liées à l’amplitude, travail de nuit et tâches complémentaires.

Engagé en 2008 comme ambulancier, le salarié a été promu en 2015 coordonnateur soumis à un forfait mensuel de cent soixante-dix heures. Après un arrêt maladie en 2019, il démissionne le 7 novembre 2019 avec dispense de préavis et sortie immédiate des effectifs.

Saisi en 2021, le conseil de prud’hommes de Nancy accueille pour l’essentiel les demandes de rappels, avant appel formé par l’employeur. L’appel critique la recevabilité au regard d’un reçu pour solde de tout compte et de la prescription, conteste la qualification de personnel roulant et discute la preuve des heures.

En cause, la portée d’un reçu pour solde de tout compte, la prescription triennale, la qualification applicable et la preuve des heures supplémentaires. La cour confirme la recevabilité, écarte IDAJ, permanences et tâches complémentaires, refuse le travail dissimulé, mais alloue un rappel d’heures supplémentaires. D’abord, l’arrêt tranche les fins de non‑recevoir et le délai d’action ; ensuite, il fixe le régime applicable et apprécie le travail effectif.

I. Recevabilité et délimitation temporelle des prétentions salariales

A. Portée non libératoire du reçu pour solde de tout compte

L’employeur opposait la force libératoire du reçu signé plus de six mois avant la saisine, pour faire obstacle aux rappels d’heures. La cour retient que « il peut être dénoncé dans les six mois qui suivent sa signature, délai au-delà duquel il devient libératoire pour l’employeur pour les sommes qui y sont mentionnées ». Constatant l’absence de versement identifié au titre des heures supplémentaires, la cour juge que « il y a lieu de considéré que le solde de tout compte n’est pas libératoire en ce qui concerne le paiement des heures supplémentaires ».

La solution s’inscrit dans une lecture stricte de l’effet libératoire, cantonné aux seules sommes inventoriées. Elle garantit l’accès au juge pour des postes non listés, sans altérer la sécurité attachée au reçu sur les montants effectivement mentionnés.

B. Prescription triennale: action et créances salariales

La juridiction distingue l’action et la créance, rappelant que l’article L. 3245‑1 instaure deux délais distincts mais coordonnés. Elle précise que « Les deux prescriptions sont triennales » et fixe le point de départ conformément à la rupture et aux dates de rémunération. Par voie de conséquence, l’arrêt affirme que « La demande de rappel de salaire portant sur la période du 30 juillet 2018 au 7 novembre 2019 n’est donc pas prescrite ».

La motivation clarifie une articulation souvent discutée en pratique. Le salarié conserve la possibilité d’obtenir des rappels sur les trois années précédant la rupture, tandis que son action demeure recevable dans le délai triennal courant à compter de la connaissance des faits.

II. Régimes applicables et travail effectif

A. IDAJ, permanences et tâches complémentaires: inapplicabilité au personnel non roulant

Le juge du fond retient la classification d’employé régulateur, non ambulancier, et en déduit l’inapplicabilité des mécanismes réservés au personnel roulant. S’agissant des astreintes, la motivation rappelle que « les temps d’astreinte ne constituent pas du temps de travail effectif et ne sont donc pas rémunérés comme tel ». Elle souligne qu’« En l’espèce, il résulte de l’article 4 de la Convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport du 21 décembre 1950, que seul le personnel ambulancier est tenu d’effectuer des permanences au cours desquelles il doit se tenir prêt, de façon permanente et immédiate, à effectuer un transport ».

Le refus des IDAJ et des majorations de nuit s’ensuit logiquement, tout comme l’exclusion des majorations de tâches complémentaires prévues pour les seuls ambulanciers. La grille conventionnelle demeure liée à la qualification principale, conformément aux textes applicables aux ETAM.

B. Preuve et quantification des heures supplémentaires; rejet des demandes accessoires

Sur la preuve, la décision énonce que « en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis ». Le juge précise ensuite qu’« il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles‑ci et fixe les créances salariales s’y rapportant ».

Les relevés patronaux étant « pas signés par le salarié, ils n’ont pas de valeur probante », les tableaux produits par l’intéressé suffisent à déclencher l’évaluation. La cour fixe ainsi un rappel global, tout en rejetant le travail dissimulé en jugeant que « la seule existence d’heures supplémentaires non rémunérées est insuffisante ». La démarche, respectueuse de l’office du juge, assure une réparation effective, tout en excluant la sanction aggravée faute d’intention caractérisée.

Elle rappelle aussi la nécessité d’une gestion rigoureuse des astreintes et d’un système de suivi des heures conforme aux exigences probatoires.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

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