- Cliquez pour partager sur LinkedIn(ouvre dans une nouvelle fenêtre) LinkedIn
- Cliquez pour partager sur Facebook(ouvre dans une nouvelle fenêtre) Facebook
- Cliquez pour partager sur WhatsApp(ouvre dans une nouvelle fenêtre) WhatsApp
- Cliquez pour partager sur Telegram(ouvre dans une nouvelle fenêtre) Telegram
- Cliquez pour partager sur Threads(ouvre dans une nouvelle fenêtre) Threads
- Cliquer pour partager sur X(ouvre dans une nouvelle fenêtre) X
- Cliquer pour imprimer(ouvre dans une nouvelle fenêtre) Imprimer
Par un arrêt de la Cour d’appel de Nancy du 4 septembre 2025, la chambre sociale statue sur la rémunération des heures supplémentaires dans un accord d’entreprise de 2000. Le contentieux porte sur le paiement des heures accomplies entre la trente‑cinquième et la trente‑neuvième heure, ainsi que sur l’assiette annuelle de calcul intégrant des jours de réduction du temps de travail.
L’accord conclu en 2000 a instauré une indemnité de maintien destinée à compenser la réduction de la durée légale. Les salariés embauchés avant sa signature soutenaient que l’employeur n’avait versé, pour les heures effectuées de trente‑cinq à trente‑neuf, que des majorations, sans la rémunération de base. Ils contestaient aussi la méthode consistant à déduire les jours de réduction du temps de travail pour minorer le volume d’heures supplémentaires.
La procédure a connu plusieurs rebondissements. Le Conseil de prud’hommes de Colmar a accueilli les demandes le 16 novembre 2017. La Cour d’appel de Colmar a confirmé le 29 janvier 2019, puis la Cour de cassation a partiellement cassé le 18 décembre 2019. La Cour d’appel de Metz a statué le 3 août 2022, avant une nouvelle cassation partielle le 7 février 2024 (n° 22‑20.640), fondée sur la portée du renvoi telle que rappelée par le texte suivant: « la cassation peut être totale ou partielle. Elle est partielle lorsqu’elle n’atteint que certains chefs dissociables des autres ». La cour de renvoi limite donc sa saisine aux points encore litigieux.
La question centrale était double. D’une part, l’indemnité de maintien pouvait‑elle tenir lieu de salaire de base sur les heures accomplies entre trente‑cinq et trente‑neuf heures, la majoration restant seule due. D’autre part, les jours de réduction du temps de travail pouvaient‑ils être déduits de la base annuelle pour abaisser la quantification des heures supplémentaires. La cour répond par l’affirmative aux demandes principales des salariés embauchés avant 2000, en énonçant d’abord: « La demande de rappel de salaire sur heures supplémentaires des salariés est donc fondée en son principe ». Elle ajoute ensuite que « les jours de réduction du temps de travail, qui constituent la contrepartie d’un travail supérieur à la durée légale hebdomadaire de travail de 35 heures, ne peuvent être déduits de la base annuelle de calcul de 365 ou 366 jours ». La décision opère une compensation avec les sommes déjà versées et ordonne, pour les salariés embauchés après 2000, la restitution des montants indûment perçus aux seuls titres salariaux. Enfin, le syndicat obtient des dommages et intérêts au titre de l’atteinte à l’intérêt collectif.
I — La clarification des règles de rémunération et de calcul des heures supplémentaires
A — L’indemnité de maintien ne remplace pas la rémunération de base
La cour consacre une lecture stricte du régime des heures supplémentaires. Elle écarte toute assimilation entre l’indemnité de maintien et le paiement du salaire de base sur les heures au‑delà de la trente‑cinquième heure. La formule est nette et commande la suite du raisonnement: « La demande de rappel de salaire sur heures supplémentaires des salariés est donc fondée en son principe ». La majoration conventionnelle ou légale s’ajoute au salaire de base de l’heure supplémentaire; elle ne s’y substitue jamais.
Ce rappel s’inscrit dans une ligne constante, déjà soutenue par la jurisprudence sociale, selon laquelle l’heure supplémentaire implique un double élément, base et majoration. L’argument de l’employeur tiré d’un maintien de rémunération global, par l’effet d’une indemnité forfaitaire, ne résiste pas au principe d’intangibilité de la structure du salaire supplémentaire. Le maintien ne couvre que trente‑cinq heures de travail effectif; au‑delà, la créance naît et s’apprécie isolément.
La portée pédagogique est réelle. Les entreprises ayant contractualisé une indemnité de réduction du temps de travail ne sauraient neutraliser la nature salariale de l’heure supplémentaire comprise entre trente‑cinq et trente‑neuf heures. La solution éclaire aussi la structuration des bulletins, afin d’identifier distinctement base et majorations.
B — L’assiette annuelle de décompte inclut les jours de réduction du temps de travail
La cour tranche la seconde controverse en posant une règle d’assiette. Elle retient que « les jours de réduction du temps de travail, qui constituent la contrepartie d’un travail supérieur à la durée légale hebdomadaire de travail de 35 heures, ne peuvent être déduits de la base annuelle de calcul de 365 ou 366 jours ». Les jours de réduction ne sont pas des jours chômés au sens du droit du travail et doivent être maintenus dans le dénominateur de référence.
Cette solution interdit une minoration artificielle des heures supplémentaires par réduction préalable du nombre de jours réputés travaillables. Elle se justifie par la fonction des jours de réduction, qui compensent un dépassement structurel de la norme hebdomadaire et non un chômage. Le lien entre annualisation et protection du droit au paiement s’en trouve consolidé.
L’adéquation pratique est immédiate. Les bilans d’aménagement doivent rapporter les heures réellement effectuées aux jours non chômés en conservant les jours de réduction. Le corollaire probatoire vaut conséquence: à défaut de contre‑décompte établi, l’évaluation des salariés s’impose au juge.
II — La méthode probatoire et la portée normative du renvoi
A — La détermination du quantum, la compensation et la restitution
La cour mobilise la charge de la preuve dans une économie lisible. Elle constate d’abord que « Le principe de la créance des salariés est établi ». En l’absence de décompte contradictoire produit par l’employeur, elle en déduit logiquement que « Il y a donc lieu de retenir les montants présentés par les salariés ». La démarche concilie exactitude et sécurité, en fixant le quantum sur la base la plus fiable disponible.
L’office du juge se prolonge par une compensation ordonnée entre les condamnations actuelles et les sommes antérieurement versées. La décision ménage la symétrie en exigeant, pour les salariés embauchés après 2000, la restitution des sommes indûment perçues, dans une limite circonscrite: « Les salariés seront condamnés au remboursement des sommes perçues indûment en exécution du jugement entrepris, limitées aux rappels de salaire et de congés payés afférents ». La restitution exclut ainsi les postes dépourvus de motivation suffisante.
Cette articulation protège l’équilibre des créances réciproques et prévient les enrichissements sans cause. Elle incite les employeurs à documenter précisément leurs calculs, sous peine de voir prospérer les évaluations adverses. Elle offre, enfin, une trame opérationnelle pour apurer des situations complexes d’exécution provisoire.
B — La délimitation de la saisine après cassation et la défense de l’intérêt collectif
La cour commence par borner son office à l’aune des effets du renvoi. Elle cite, à bon droit, la règle suivante: « la cassation peut être totale ou partielle. Elle est partielle lorsqu’elle n’atteint que certains chefs dissociables des autres ». Elle rappelle ensuite que la portée est « déterminée par le dispositif de l’arrêt qui la prononce ». Cette méthode circonscrit avec rigueur les chefs à rejuger et préserve l’autorité des points définitifs.
L’action du syndicat est admise dans ce cadre. La juridiction souligne que « L’article précité n’impose pas au syndicat partie au litige de justifier d’avoir des adhérents au sein de l’entreprise ». Elle caractérise le préjudice collectif par une motivation significative: « Ce manquement, par son caractère général, et relatif à une interprétation contestée d’un accord d’entreprise, constitue de ce fait une atteinte aux intérêts collectifs des salariés que les syndicats représentent ». L’allocation de dommages et intérêts consacre l’effectivité de la défense de l’intérêt collectif.
La valeur de la solution est convaincante. Elle s’inscrit dans une jurisprudence attentive à la portée du renvoi et à l’office du syndicat professionnel, déjà reconnue de longue date. Elle contribue à la cohérence systémique, en consolidant la sanction d’atteintes procédant d’une interprétation erronée et généralisée d’un accord d’entreprise.
Par cette décision, la Cour d’appel de Nancy fixe clairement les repères. L’heure supplémentaire n’est pas soluble dans une indemnité de maintien. L’assiette annuelle n’exclut pas les jours de réduction. La preuve commande le quantum, la compensation sécurise l’exécution, et l’action syndicale répare l’atteinte à l’intérêt collectif.