Cour d’appel de Nancy, le 4 septembre 2025, n°24/02184

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Par un arrêt de la Cour d’appel de Nancy du 4 septembre 2025, la chambre sociale statue sur renvoi après cassation à propos du paiement des heures supplémentaires sous un accord de réduction du temps de travail et de l’assiette de calcul annuelle. Un salarié, relevant d’un accord d’entreprise du 19 juin 2000 instaurant une indemnité de maintien de salaire et des bonifications entre 35 et 39 heures, réclamait des rappels d’heures supplémentaires. Le Conseil de prud’hommes de Colmar (16 novembre 2017) a accueilli ses demandes. La Cour d’appel de Colmar (29 janvier 2019) a pour l’essentiel confirmé. La Cour de cassation (18 décembre 2019) a partiellement cassé et renvoyé devant la Cour d’appel de Metz. Celle-ci (3 août 2022) a en grande partie confirmé, avant une nouvelle cassation partielle (7 février 2024) et le renvoi devant la Cour d’appel de Nancy.

Devant la juridiction de renvoi, l’employeur sollicitait l’infirmation, soutenant la conformité de ses calculs au regard de l’accord collectif et de l’annualisation, ainsi que des restitutions. Les ayants droit du salarié défendaient le principe des rappels pour les heures effectuées entre 35 et 39 heures et la correcte détermination des heures supplémentaires au regard des jours de réduction du temps de travail. La question portait d’abord sur l’étendue de la saisine après cassation et, au fond, sur la qualification des sommes dues pour les heures accomplies entre 35 et 39 heures par les salariés bénéficiant de l’indemnité de maintien, ainsi que sur l’intégration des JRTT dans l’assiette annuelle. La Cour rejette la fin de non‑recevoir, juge le rappel dû en son principe, fixe la méthode d’assiette, retient le décompte des ayants droit faute de contre‑décompte utile et opère une restitution corrélative des sommes versées sous exécution provisoire.

I. Le sens de la décision: périmètre du renvoi et principe du rappel d’heures supplémentaires

A. La détermination du périmètre après cassation partielle

La Cour rappelle que « la cassation peut être totale ou partielle. Elle est partielle lorsqu’elle n’atteint que certains chefs dissociables des autres ». Elle ajoute que « la portée de la cassation est déterminée par le dispositif de l’arrêt qui la prononce ». L’effet de l’arrêt de cassation est, sur les points atteints, de replacer les parties « dans l’état où elles se trouvaient avant le jugement cassé ». L’arrêt s’inscrit ainsi dans la logique de l’article 625 du code de procédure civile en précisant la limite du renvoi.

La juridiction précise surtout l’absence de sanction d’irrecevabilité attachée à un dépassement allégué des limites du renvoi dans les écritures. Elle juge en effet que « le non‑respect, dans la déclaration de saisine ou dans les conclusions de la partie appelante, des limites de la saisine sur renvoi après cassation, n’est [pas] sanctionné par l’irrecevabilité de la saisine ». La fin de non‑recevoir est donc écartée. La Cour d’appel de Nancy se conforme ainsi au dispositif de la cassation du 7 février 2024 et borne son office aux chefs subsistant.

B. Le principe du rappel pour les heures accomplies entre 35 et 39 heures

La Cour retient que l’accord du 19 juin 2000 garantit le salaire antérieur par une indemnité de maintien, sans solder le paiement des heures supplémentaires intercalaires. Elle énonce, de manière nette, que « le paiement du salaire de base majoré de cette ICRTT ne correspondant qu’au paiement de 35 heures de travail par semaine, [l’employeur] ne peut considérer que le paiement par ailleurs d’une majoration de 10 ou 25 % pour les heures de travail accomplies par les salariés entre la 35e et la 39e heure de travail, suffit à remplir ceux‑ci de leur droit au paiement des heures supplémentaires ».

La solution distingue l’indemnité de maintien, qui assure le passage aux 35 heures, de la rémunération due au titre de l’article L. 3121‑28 et suivants du code du travail. La majoration ne saurait se substituer au salaire de base de l’heure supplémentaire. Le rappel est donc fondé en son principe pour les salariés concernés, conformément à la ligne dégagée par la cassation intervenue dans la même affaire.

II. Valeur et portée: clarification de l’assiette annuelle et conséquences probatoires

A. L’assiette de calcul et l’intégration des jours de réduction du temps de travail

La Cour précise l’assiette, en écartant la minoration artificielle des heures dues par la déduction des JRTT du dénominateur annuel. Elle affirme que « les jours de réduction du temps de travail, qui constituent la contrepartie d’un travail supérieur à la durée légale hebdomadaire de travail de 35 heures, ne peuvent être déduits de la base annuelle de calcul de 365 ou 366 jours pour déterminer le nombre de jours à travailler ». Elle fixe ensuite la méthode, en jugeant qu’« il convient de rapporter le nombre d’heures effectivement travaillées dans l’année, au nombre de jours non chômés au sens du droit du travail, ceux‑ci intégrant les jours de réduction du temps de travail (JRTT) ».

Cette clarification empêche qu’un mécanisme d’annualisation conduise à neutraliser une fraction des heures réellement accomplies. La solution assure l’égalité de traitement entre salariés bénéficiant de l’indemnité de maintien et ceux engagés postérieurement, et corrige une pratique de décompte peu conforme à l’économie de l’accord.

B. La charge de la preuve, l’adoption d’un décompte et les effets pécuniaires

La Cour rappelle la règle probatoire générale: « Aux termes de l’article 1353 du code civil, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation ». Les ayants droit établissent le principe de la créance et produisent un décompte conforme à la méthode retenue, fondé sur les bilans ARTT. L’employeur ne présente « aucun décompte des sommes qui, selon elle, pourraient être dues […] sur la base de ces éléments ». La Cour en déduit qu’« il y a donc lieu de retenir les montants présentés par les intimés ».

La juridiction opère ensuite l’articulation avec les versements antérieurs exécutés en cours d’instance. Elle constate les paiements réalisés sous exécution provisoire et calcule l’excédent à restituer, condamnant les ayants droit à un remboursement partiel de 5 692,91 euros. Les demandes dirigées contre le syndicat au titre de restitutions sont rejetées, l’action collective étant jugée fondée au regard de l’issue. Enfin, l’employeur est condamné aux dépens et à une somme au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ce qui confirme la prévalence de la méthode de calcul clarifiée et la portée pratique de l’arrêt pour les entreprises en régime d’annualisation.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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