Cour d’appel de Nîmes, le 10 juillet 2025, n°24/01341

Par un arrêt du 10 juillet 2025, la cour d’appel de Nîmes s’est prononcée sur la régularité de la procédure d’appel dans un contentieux opposant une salariée à un organisme de sécurité sociale au sujet de la reconnaissance d’un accident du travail. La décision illustre l’exigence procédurale du contradictoire devant les juridictions sociales.

Une salariée employée en qualité de femme de chambre a déclaré un accident survenu le 4 juin 2017, lequel a donné lieu à un certificat médical mentionnant une tendinite au coude droit et des cervicalgies. L’organisme de sécurité sociale a refusé la prise en charge au titre de la législation professionnelle, estimant qu’aucun fait accidentel soudain n’avait été établi. La commission de recours amiable a confirmé ce refus le 7 novembre 2017. La salariée a alors saisi le pôle social du tribunal judiciaire d’Avignon, lequel a rejeté son recours par jugement du 1er septembre 2022. Elle a interjeté appel le 21 septembre 2022. L’affaire, radiée pour défaut de diligence le 16 février 2023, a été réinscrite le 19 avril 2024 et appelée à l’audience du 18 mars 2025.

Devant la cour d’appel de Nîmes, l’appelante sollicitait l’infirmation du jugement, la reconnaissance de l’accident du travail et le rétablissement de ses droits. L’organisme intimé, convoqué par lettre recommandée avec avis de réception, n’a ni comparu ni été représenté. L’accusé de réception du courrier de convocation n’a pas été retourné au greffe.

La question posée à la cour était de déterminer si l’absence de retour de l’accusé de réception de la convocation adressée à l’intimé autorisait la juridiction à statuer au fond ou si elle imposait une réouverture des débats aux fins de régularisation.

La cour d’appel de Nîmes a ordonné la réouverture des débats et sursis à statuer sur les demandes. Elle a renvoyé l’examen au fond à l’audience du 25 novembre 2025 et invité l’appelante à faire assigner l’organisme de sécurité sociale pour cette audience.

Cet arrêt met en lumière la garantie du contradictoire comme condition de validité du jugement d’appel (I), tout en révélant les contraintes procédurales pesant sur l’appelant dans le contentieux de la sécurité sociale (II).

I. La sauvegarde du contradictoire comme préalable au jugement au fond

La décision subordonne le prononcé au fond à la certitude que l’intimé a été régulièrement informé de l’audience (A). Elle s’inscrit dans une jurisprudence exigeante quant à la preuve de la convocation (B).

A. L’exigence d’une convocation effective de l’intimé

La cour d’appel de Nîmes fonde sa décision sur le constat que « l’accusé réception du courrier de convocation de l’intimée à l’audience » n’a pas été « retourné au greffe ». Cette circonstance factuelle justifie à elle seule la réouverture des débats. Le principe du contradictoire, consacré aux articles 14 et 16 du code de procédure civile, impose que toute partie soit mise en mesure de discuter les prétentions adverses. En matière de sécurité sociale, ce principe trouve une application renforcée dès lors que l’organisme défendeur peut être absent sans mandat de représentation.

La lettre recommandée avec avis de réception constitue le mode ordinaire de convocation des parties devant les juridictions sociales. L’absence de retour de cet avis prive le juge de la certitude que l’intimé a eu connaissance de la date d’audience. La cour refuse de déduire cette connaissance d’éléments indirects. Elle privilégie une approche formaliste destinée à prévenir toute contestation ultérieure de la régularité de la procédure.

B. Une jurisprudence constante en faveur de la sécurité procédurale

La solution retenue n’est pas isolée. Elle s’inscrit dans une ligne jurisprudentielle selon laquelle le juge ne peut statuer par arrêt contradictoire à l’égard d’une partie dont la convocation n’est pas établie avec certitude. La Cour de cassation a rappelé que le défaut de preuve de la remise de la convocation interdit de considérer que le contradictoire a été respecté. En ordonnant la réouverture des débats, la cour d’appel de Nîmes applique ce standard probatoire.

Cette rigueur procédurale protège l’intimé contre un jugement rendu en son absence sans qu’il ait été averti. Elle garantit aussi l’autorité de la décision future, qui ne pourra être remise en cause pour vice de convocation. La mention selon laquelle « la notification de la présente décision vaut convocation des parties à l’audience de renvoi » témoigne du souci de régulariser définitivement la situation.

II. Les obligations procédurales de l’appelant dans le contentieux social

La décision fait peser sur l’appelante la charge de régulariser la procédure par voie d’assignation (A). Cette solution soulève des interrogations quant à la répartition des obligations entre les parties et le greffe (B).

A. L’invitation faite à l’appelante de procéder par assignation

La cour d’appel « invite » l’appelante « à faire assigner » l’organisme de sécurité sociale pour l’audience de renvoi. Cette formulation traduit le transfert d’une obligation procédurale vers la partie la plus diligente. L’assignation, mode de saisine comportant signification par huissier, offre une preuve irréfutable de la remise de l’acte. Elle supplée ainsi aux aléas postaux qui ont affecté la convocation par lettre recommandée.

En matière de sécurité sociale, la procédure est ordinairement sans représentation obligatoire et la convocation relève du greffe. La décision commentée déroge à ce schéma en imposant à l’appelante une démarche active et coûteuse. Cette solution se justifie par l’intérêt de l’appelante à voir son recours examiné sans nouveau renvoi. Elle manifeste aussi une conception dynamique du procès, dans laquelle chaque partie contribue à la bonne marche de l’instance.

B. Les incidences pratiques de cette répartition des charges

La solution retenue par la cour d’appel de Nîmes présente des avantages et des inconvénients. Elle garantit que l’intimé sera effectivement informé de l’audience, ce qui sécurise la procédure. Elle évite une succession de renvois fondés sur des défauts de convocation non imputables aux parties. La réserve des dépens laisse ouverte la question de l’imputation finale des frais d’assignation.

Cette approche peut apparaître contraignante pour un justiciable déjà engagé dans une procédure longue. L’affaire a connu une radiation pour défaut de diligence avant d’être réinscrite. L’appelante supporte désormais la charge de régulariser une convocation dont l’échec ne lui est pas imputable. La cour opère ainsi un arbitrage pragmatique entre célérité de la justice et protection du contradictoire. La portée de cette décision demeure limitée aux hypothèses où la preuve de la convocation fait défaut, sans remettre en cause le principe de la convocation par le greffe.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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