Cour d’appel de Nîmes, le 10 juillet 2025, n°24/03369

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Rendue par la cour d’appel de Nîmes le 10 juillet 2025, la décision infirmant une ordonnance de référé interroge la mise en œuvre de la clause résolutoire et l’étendue des pouvoirs du juge des référés. Un bail d’habitation conclu le 8 février 2019 prévoyait un loyer mensuel de 590 euros et une caution solidaire. Après un commandement de payer délivré le 30 janvier 2024, demeuré en grande partie infructueux, le bailleur a assigné le locataire afin d’obtenir la constatation de la clause résolutoire, l’expulsion et des condamnations provisionnelles.

Le juge des contentieux de la protection a relevé une contestation sérieuse relative à la validité de l’acte de caution et a renvoyé les parties à mieux se pourvoir sur l’ensemble, rejetant toutes les demandes. L’appelant a critiqué ce raisonnement, soutenant qu’une éventuelle contestation limitée ne dispensait pas d’examiner les demandes relatives au bail et aux loyers. L’intimé n’a pas constitué avocat. La cour d’appel a d’abord rappelé les cadres des articles 834 et 835 du code de procédure civile, puis a tranché la question de droit suivante.

La question était de savoir si, malgré une contestation sérieuse circonscrite à la caution, le juge des référés devait statuer sur les demandes non sérieusement contestables issues du bail, notamment l’acquisition de la clause résolutoire et les provisions. Elle portait aussi sur l’incidence de la loi du 27 juillet 2023 sur les délais contractuels des baux en cours. La cour répond positivement, retenant que « le premier juge […] ne pouvait se dispenser d’examiner les autres demandes », que « les dispositions de l’article 10 de la loi n° 2023-668 […] n’ont pas pour effet de modifier les délais » contractuels, et que « faute d’avoir payé […] la clause résolutoire est acquise ».

I. L’affirmation du jeu de la clause résolutoire et du maintien des délais contractuels

A. Le maintien du délai contractuel en dépit de la réforme de 2023
La cour consacre une interprétation protectrice de la sécurité contractuelle. Elle énonce que « les dispositions de l’article 10 de la loi n° 2023-668 du 27 juillet 2023 […] n’ont pas pour effet de modifier les délais figurant dans les clauses contractuelles des baux en cours au jour de l’entrée en vigueur de la loi ». L’énoncé est clair et tranche la tentation d’une application immédiate au détriment de la clause. Il évite d’altérer l’économie du contrat en cours pour un délai inséré expressément par les parties, fondé sur l’article 24 de la loi de 1989.

Cette solution s’articule avec le texte, appliqué ratione temporis. Le bail conclu en 2019 contient « de manière claire une clause résolutoire prévoyant un délai de deux mois à compter du commandement de payer ». La cour valide la conformité du commandement du 30 janvier 2024 « aux prescriptions de l’article 24 de la loi du 6 juillet 1989 », posant la base factuelle nécessaire. Le cadre contractuel demeure donc la référence utile, sans rétroaction de la réforme récente sur les stipulations.

B. Les conditions d’acquisition et l’expulsion corrélative
La cour retient la stricte mécanique de la clause. Elle constate que le locataire n’a pas apuré sa dette dans le délai légal subsistant et conclut que « faute d’avoir payé ou contesté les causes du commandement dans le délai imparti, la clause résolutoire est acquise ». La phrase, ferme, reflète la logique de l’article 24, dans sa version applicable, et met fin à l’occupation locative au 30 mars 2024.

L’expulsion est la conséquence classique de la perte du titre. Le dispositif ordonne la libération des lieux et fixe une indemnité d’occupation. La cour se place dans le sillage d’une jurisprudence constante sur l’après-résiliation. Elle rappelle la continuité de l’occupation sous un régime indemnitaire et sécurise la créance du bailleur en fixant la somme à 590 euros à compter du 31 mars 2024, en articulation avec le dernier loyer convenu.

II. Les pouvoirs du juge des référés et l’allocation des provisions

A. La portée exacte de la contestation sérieuse en référé
La cour rappelle le texte directeur. Selon l’article 834 du code de procédure civile, « dans tous les cas d’urgence, le juge des contentieux de la protection peut […] ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ». Elle censure ainsi l’abstention globale du premier juge. Elle affirme que « le premier juge relevant une contestation sérieuse limitée à la validité de l’acte de caution ne pouvait se dispenser d’examiner les autres demandes ».

La contestation sérieuse circonscrite ne doit pas paralyser les prétentions autonomes, quand leur bien-fondé ne souffre aucune incertitude manifeste. La cour opère une ventilation des chefs, conforme à l’office du juge des référés. Elle distingue l’accessoire discutable de l’obligation principale claire, et maintient l’efficacité du référé pour les créances locatives certaines.

B. L’octroi de la provision et la fixation de l’indemnité d’occupation
La cour mobilise l’article 835, alinéa 2, du code de procédure civile : « dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, ils peuvent accorder une provision au créancier ». Elle en déduit la possibilité d’allouer des provisions sur loyers et sur indemnités d’occupation. Elle précise que « l’obligation du locataire de payer ses loyers et ses charges n’est pas sérieusement contestable », d’où la condamnation provisionnelle ventilée par périodes.

La motivation souligne également la marge d’appréciation sur l’indemnité. La cour écrit qu’il est « rappelé que le juge du fond dispose d’un pouvoir souverain pour évaluer le montant de l’indemnité d’occupation qui doit également tenir compte de la précarité de la situation de l’occupant ». La formule concilie l’exigence d’efficacité du référé avec le respect de l’office du fond. Elle fixe ici une somme simple, non indexée, en prise avec le dernier loyer, et réserve au juge du fond toute modulation selon la situation concrète.

La solution s’inscrit enfin dans une cohérence procédurale. La cour articule l’urgence et la certitude, dans le respect des articles 834 et 835, en ordonnant expulsion et provisions. Elle rappelle, par cette décision, que le référé demeure un instrument opérant pour les créances locatives certaines, même en présence d’une contestation périphérique et limitée.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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