Cour d’appel de Nîmes, le 11 septembre 2025, n°24/02108

La Cour d’appel de Nîmes, le 11 septembre 2025, statue sur l’appel d’un jugement du pôle social du tribunal judiciaire d’Avignon rendu le 23 mai 2024. L’affaire concerne l’accès anticipé à la retraite au titre de l’inaptitude et, par ricochet, à l’ASPA, sollicités avec effet au 1er décembre 2022, sur le fondement des articles L. 351-7, L. 351-8 et R. 351-21 du code de la sécurité sociale. L’assuré invoquait des limitations fonctionnelles sévères, un périmètre de marche réduit et la pénibilité d’une station debout prolongée, ainsi que des décisions postérieures lui reconnaissant la qualité de travailleur handicapé et une carte mobilité inclusion. La caisse opposait un rapport du 5 septembre 2022 retenant un taux d’incapacité inférieur à 50 %, seuil légal décisif, et soulignait l’absence d’éléments médicaux pertinents au moment de la demande. Le premier juge a rejeté le recours, puis l’appel a été interjeté. La question portait sur l’existence d’une inaptitude légalement caractérisée à la date d’effet attendue, appréciée à l’aune d’un taux d’incapacité de 50 % médicalement constaté ou d’une impossibilité de poursuivre l’emploi sans nuire gravement à la santé. La cour confirme la décision entreprise en insistant sur l’exigence de preuves contemporaines et en relevant l’insuffisance des pièces produites, retenant finalement: « La décision déférée sera confirmée. »

I. Le cadre légal de l’inaptitude et l’office du juge

A. La définition normative et le seuil de 50 %

Le régime applicable résulte des articles L. 351-7 et L. 351-8, complétés par l’article R. 351-21, que l’arrêt rappelle avec précision. D’abord, la cour cite la borne chiffrée qui gouverne l’accès au taux plein anticipé: « Le taux d’incapacité de travail prévu à l’article L. 351-7 est fixé à 50 %. » Cette affirmation ferme la porte à une appréciation trop souple, en imposant un standard probatoire exigeant, centré sur un constat médical objectivé et stabilisé à la date utile.

Ensuite, l’arrêt précise la méthode d’appréciation, qui dépend de l’activité exercée durant les cinq années antérieures. Le raisonnement est balisé par un critère fonctionnel, mêlant exigences médicales et réalité professionnelle: « Pour apprécier si le requérant n’est pas en mesure de poursuivre l’exercice de son emploi sans nuire gravement à sa santé, il est tenu compte, lorsque l’intéressé n’exerce aucune activité professionnelle au moment de sa demande, de la dernière activité exercée au cours des cinq années antérieures. » Ce rappel évite d’abstraire l’inaptitude de son contexte d’emploi, tout en prévoyant, à défaut d’activité, une appréciation exclusivement adossée au taux d’incapacité.

B. La compétence de la caisse et l’étendue du contrôle juridictionnel

La cour rappelle encore la séquence procédurale et la compétence de principe, qui cadrent le débat probatoire: « La procédure de reconnaissance de l’inaptitude est, dans tous les cas, celle qui est prévue à l’article R. 351-22 ci-après. » Le médecin traitant et, le cas échéant, le médecin du travail, alimentent un dossier normé; la caisse apprécie, puis le juge contrôle la légalité et la pertinence des motifs au regard des éléments contemporains.

Le contrôle exercé reste concret et resserré sur la date de référence. L’arrêt s’attache à l’état des preuves disponibles lors de la demande, non à des événements ultérieurs. Il le dit sans détour en soulignant d’abord la lacune probatoire: « Il n’est produit aucun élément médical concomitant à la date de la demande ». Puis il constate que les pièces postérieures, même suggestives, « ne permettent pas de remettre en cause l’avis médical en date du 5 septembre 2022. » Le juge du fond, puis la cour, ne s’en remettent pas à une présomption attachée à des décisions administratives de handicap ultérieures, mais à la preuve médicale exigée par le code, collectée et appréciée à la bonne date.

II. L’exigence de preuve concomitante et ses effets

A. La date utile comme pivot probatoire

L’économie du texte commande une stricte contemporanéité de la preuve, que la cour applique avec constance. Les décisions reconnues en 2023, relatives à la qualité de travailleur handicapé ou à la carte mobilité inclusion, n’embrayent pas automatiquement sur le critère d’inaptitude, ni sur le taux de 50 % requis au 1er décembre 2022. Elles répondent à des logiques et des seuils propres, et ne constituent pas, en elles-mêmes, des démonstrations rétroactives du taux d’incapacité au sens du code de la sécurité sociale. La motivation isole ainsi la bonne date et écarte toute rétroprojection probatoire, en soulignant la nécessité d’un dossier médical étayé à l’instant de la demande.

Sur cette base, la conclusion s’impose, formulée par la juridiction en des termes explicites: « En conséquence, c’est à juste titre que le premier juge a confirmé le refus d’octroi du bénéfice d’une retraite et de l’allocation de solidarité aux personnes âgées anticipées pour inaptitude au travail. » L’arrêt assure ainsi l’alignement entre normes légales, date de référence et standard de preuve exigible.

B. Portée pratique et lignes directrices pour les acteurs

L’arrêt présente une portée claire pour la pratique. Du côté des assurés, il exige un corpus médical complet, précis et stable à la date d’effet revendiquée, incluant si possible des appréciations fonctionnelles en lien avec le dernier emploi pertinent. Les décisions administratives relatives au handicap, obtenues postérieurement, peuvent épauler une démarche ultérieure, mais ne suppléent pas la démonstration exigée pour l’inaptitude au travail. Du côté des caisses, il conforte l’exigence d’une motivation articulée au rapport médical, tout en rappelant que le contrôle juridictionnel demeure effectif, mais indexé sur la pertinence et la contemporanéité des pièces produites.

Enfin, s’agissant de l’ASPA, l’abaissement d’âge en cas d’inaptitude ne joue qu’à la condition préalable de satisfaire le critère d’inaptitude tel que défini par le code. L’arrêt, par la rigueur de sa méthode, maintient l’unité du système: la clé d’entrée demeure l’inaptitude légalement qualifiée, médicalement constatée, et prouvée à la bonne date. Cette cohérence justifie, dans la logique de l’instance, la confirmation de la solution, que la cour scelle par une formule sans ambiguïté: « La décision déférée sera confirmée. »

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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