Cour d’appel de Nîmes, le 19 juin 2025, n°23/02303

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Par un arrêt rendu le 19 juin 2025, la cour d’appel de Nîmes (5e chambre, pôle social) confirme le rejet d’une action en faute inexcusable à la suite d’un accident survenu en astreinte. Le salarié, technicien de maintenance, s’était blessé à l’épaule lors d’une opération visant à remettre en place un câble d’élévateur de charge. La caisse a reconnu l’accident du travail, fixé la consolidation et attribué un taux d’IPP. Le médecin du travail a ensuite déclaré l’inaptitude, suivie d’un licenciement pour impossibilité de reclassement. Après échec de la conciliation, le pôle social du tribunal judiciaire de Nîmes, le 1er juin 2023, a débouté la demande en faute inexcusable. L’appel a porté à la fois sur une fin de non‑recevoir tirée du dépôt tardif de conclusions et sur le fond du manquement allégué à l’obligation de sécurité.

Deux questions se présentaient. D’abord, la recevabilité d’écritures produites après la date d’un calendrier fixé par avis de la juridiction. Ensuite, les conditions d’imputabilité d’une faute inexcusable, au regard de la conscience du danger et des mesures de prévention, dans le contexte d’une intervention menée en astreinte. La cour tranche la première en rappelant l’oralité du contentieux, puis confirme, sur le fond, l’absence de preuve des critères cumulatifs de la faute inexcusable. Elle énonce, au titre de la procédure, que « la procédure devant la juridiction de sécurité sociale étant orale, les dispositions du code de procédure civile relatives à la procédure écrite […] ne sont pas applicables en l’espèce », le calendrier n’ayant qu’une valeur indicative, si bien que « aucune irrecevabilité n’est par suite encourue ». Sur le fond, elle reprend la définition classique : « l’employeur est tenu […] d’une obligation de sécurité de résultat » et la faute inexcusable est caractérisée lorsqu’« il avait ou aurait dû avoir conscience du danger […] et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver ». Elle précise que « la conscience du danger exigée […] s’apprécie in abstracto » et que « le juge n’a pas à s’interroger sur la gravité de la négligence […] mais doit seulement contrôler […] la pertinence et l’efficacité de la mesure ». Enfin, « une relation de causalité entre les manquements […] et la survenance de l’accident doit exister ». Au terme de cette grille, la cour retient l’absence de preuve suffisante et confirme le jugement.

I – Le rappel ferme de l’oralité en contentieux social

A – Le caractère indicatif du calendrier juridictionnel

La cour affirme que « la procédure devant la juridiction de sécurité sociale étant orale, les dispositions […] relatives à la procédure écrite […] ne sont pas applicables ». Elle ajoute que « le calendrier de procédure […] est indicatif et n’ayant d’autre finalité que de permettre que la procédure soit en état le jour de l’audience ». La motivation se situe dans la ligne des principes gouvernant l’oralité, qui commande que l’échange écrits‑pièces assiste, sans la contraindre, la mise en état d’un débat oral et contradictoire. La solution protège l’égalité des armes en empêchant qu’un calendrier indicatif ne se mue, par glissement, en cause d’irrecevabilité formaliste.

Cette position s’accorde avec l’économie du pôle social. L’outil calendrier reste utile pour l’instruction et la loyauté des échanges, sans produire les effets de forclusion d’une procédure exclusivement écrite. En pratique, elle invite les parties à respecter les délais indicatifs, tout en rassurant sur l’absence d’automaticité d’une sanction quand l’oralité demeure effective et que le contradictoire est préservé.

B – L’absence d’irrecevabilité des écritures tardives

La cour conclut nettement : « Aucune irrecevabilité n’est par suite encourue. » La formule, brève, montre que l’office du juge consiste à vérifier la mise en état d’audience et le respect du contradictoire, non à transposer mécaniquement des sanctions de la procédure écrite. La portée est double. D’une part, elle empêche l’invocation stratégique d’un calendrier pour éluder le débat au fond. D’autre part, elle responsabilise les parties sur la préparation des audiences, la régularité des communications et la discussion utile.

La solution, équilibrée, ne consacre pas un droit au dépôt tardif. Elle suppose, en arrière‑plan, que la recevabilité ne porte pas atteinte aux droits de la défense et que l’audience rende possible un débat éclairé. Elle participe d’une conception fonctionnelle de la procédure sociale, orientée vers la solution du litige plutôt que vers le formalisme.

II – La faute inexcusable : critères cumulatifs et charge de la preuve

A – La conscience du danger appréciée in abstracto

La cour rappelle la définition désormais classique : « le manquement […] a le caractère d’une faute inexcusable lorsque l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger […] et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires ». Elle précise que « la conscience du danger exigée […] s’apprécie in abstracto […] par rapport à ce que doit savoir […] un employeur conscient de ses devoirs ». Elle ajoute qu’« il est indifférent » que la faute inexcusable soit la cause déterminante, « il suffit qu’elle en soit une cause nécessaire ». La grille retient donc une double exigence cumulative, associée à un standard de diligence professionnelle, et un lien causal assoupli.

L’application écarte la conscience du danger. L’intervention litigieuse, réalisée en astreinte, ne présentait pas, selon la cour, de difficulté signalée à la hiérarchie au jour des faits. Le salarié n’avait pas demandé l’assistance de niveau supérieur prévue, alors qu’il l’avait expérimentée auparavant, et n’avait pas formalisé d’alerte après un épisode antérieur. L’absence d’alerte circonstanciée et proche des faits affaiblit la prévisibilité du risque au standard in abstracto. Le raisonnement demeure conforme à l’exigence de danger raisonnablement prévisible.

B – Les mesures nécessaires, l’office du juge et la causalité

Le contrôle opéré est circonscrit. « Le juge n’a pas à s’interroger sur la gravité de la négligence […] mais doit seulement contrôler […] la pertinence et l’efficacité de la mesure ». La cour constate l’existence d’un dispositif interne de prévention et de procédures d’astreinte identifiant l’assistance possible. Elle relève l’insuffisance des éléments sur un défaut matériel déterminant, l’expertise privée invoquée n’ayant pas procédé aux vérifications nécessaires. Elle rappelle encore qu’« une relation de causalité […] doit exister », ce qui commande d’écarter la faute inexcusable lorsque le manquement allégué n’apparaît ni établi, ni nécessaire à l’accident.

La charge probatoire est rappelée sans ambiguïté : « Il incombe en conséquence au salarié de prouver […] que son employeur […] n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver. » En l’espèce, l’absence d’alerte, l’existence de procédures et l’incertitude sur la défectuosité alléguée conduisent logiquement à la confirmation. La solution est orthodoxe et mesurée. Elle souligne l’importance des traçabilités d’alerte, de l’usage effectif des dispositifs d’assistance et de la preuve technique du défaut. Elle invite, en pratique, à formaliser les difficultés d’astreinte et à documenter les risques résiduels, afin de nourrir l’appréciation in abstracto et le lien causal.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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