Cour d’appel de Nîmes, le 23 juin 2025, n°22/02188

Cour d’appel de Nîmes, 23 juin 2025, 5e chambre sociale. L’arrêt tranche un litige relatif à la rémunération de jours de congés dits « prépositionnés » prévus par un accord d’entreprise. Le salarié, posté en horaires continus, reprochait à l’employeur l’absence de majoration spécifique au même taux que les congés payés. La question portait, non sur l’existence de ces jours, mais sur leur traitement indemnitaire conforme aux stipulations conventionnelles.

Engagé en 2007 comme contrôleur qualité, le salarié bénéficiait de 31 jours de congés payés annuels, dont 11 « prépositionnés » selon un accord du 31 mars 2005. Il soutenait que ces 11 jours n’avaient pas été régulièrement identifiés et majorés sur ses bulletins de salaire. La matérialité du travail posté et le cycle de cinq semaines structuraient l’organisation temporelle du repos.

Le Conseil de prud’hommes de Nîmes, le 2 juin 2022, a retenu un manquement sur la majoration, assorti d’une condamnation pécuniaire et de rectifications de paie. Saisi par l’employeur, l’arrêt du 18 novembre 2024 a figé le périmètre du débat et rouvert l’instruction sur le quantum. La Cour précise alors: « Par arrêt en date du 18 novembre 2024, la présente cour a confirmé le jugement déféré en ce qu’il a considéré que le salarié a bien bénéficié de 11 jours prépositionnés rémunérés, […] et, concernant la majoration des 11 jours de congés prépositionnés, ordonné la réouverture des débats afin que les parties produisent un décompte sur la base d’un taux d’indemnisation de 22 % du taux horaire mensuel sur les trois années précédant la saisine du conseil de prud’hommes et éventuellement les sommes échues depuis. » La décision du 23 juin 2025 constate un décompte non contesté et fixe un rappel brut de 2 601,76 euros, refuse des dommages-intérêts autonomes, organise les intérêts et la capitalisation.

I. Le sens de la solution retenue sur la majoration des jours prépositionnés

A. Les éléments factuels et conventionnels déterminants

L’arrêt réaffirme la réalité des 11 jours « prépositionnés », intégrés à l’enveloppe annuelle des congés payés par l’accord d’entreprise. La juridiction d’appel confirme que le salarié en a effectivement bénéficié et que la discussion ne porte plus sur leur acquisition, mais sur la rémunération additionnelle due au titre de ces jours particuliers. Cette clarification recentre le litige sur la stricte exécution des stipulations conventionnelles et de leur équivalence avec le régime légal du congé payé.

Il s’en déduit un rattachement fonctionnel de ces jours au droit au repos payé, avec une logique d’homogénéité de traitement. La première décision prud’homale avait d’ailleurs retenu que l’employeur n’avait pas permis au salarié de bénéficier de la majoration « au même taux que les congés payés ». La cour d’appel s’inscrit dans cette lecture, en validant le principe d’une majoration autonome, distincte du simple maintien du salaire.

B. La méthode de calcul et ses effets chiffrés

Le cœur technique de l’arrêt réside dans la méthode de calcul arrêtée par la Cour lors de la réouverture. Le taux d’indemnisation de 22 % du taux horaire mensuel sert de base sur les trois années antérieures à la saisine, ce qui internalise la prescription prud’homale et sécurise la liquidation. La précision suivante, tirée des motifs, apporte un élément utile d’assiette: « Le salarié ne réclame pas l’indemnité compensatrice de congés payés sur cette somme. » L’enjeu se limite ainsi à la seule majoration conventionnelle, sans double compte.

Le décompte produit par l’employeur n’étant pas contesté, la Cour l’entérine et arrête le solde à 2 601,76 euros bruts. Sur les accessoires, elle ordonne l’application usuelle des intérêts selon la nature des créances. Le dispositif « Rappelle que les intérêts au taux légal courent sur les sommes à caractère salarial […] et qu’ils courent sur les sommes à caractère indemnitaire, à compter du jugement déféré […] et à compter du présent arrêt pour le surplus ». La capitalisation des intérêts, également ordonnée, parachève le régime financier et renforce l’effectivité de la réparation.

II. La valeur et la portée de la décision dans l’ordonnancement du droit du repos payé

A. La cohérence normative et la maîtrise des dommages-intérêts autonomes

La solution confirme la nécessaire équivalence de traitement entre jours « prépositionnés » et congés payés, dès lors que l’accord les range dans la même catégorie fonctionnelle. Elle préserve l’effet utile de l’avantage conventionnel, sans créer un régime tiers déconnecté du droit au repos. Sur le terrain de la responsabilité, la Cour applique avec sobriété l’article 1231-6 du code civil, exigeant un préjudice spécifique et la mauvaise foi du débiteur. La motivation est nette: « Il n’est pas démontré l’existence d’un préjudice spécifique ni la mauvaise foi de l’employeur. » Le refus de dommages-intérêts autonomes maintient un strict principe de réparation intégrale, évitant toute surcompensation.

Ce calibrage rejoint une jurisprudence prudente, qui distingue le rappel de salaire dû au titre de l’exécution défectueuse du contrat, et les dommages-intérêts moratoires ou compensatoires, subordonnés à la preuve d’un préjudice distinct. L’arrêt se montre ainsi conforme à la logique du droit positif, tout en rappelant aux employeurs l’exigence de lisibilité des bulletins et de conformité des paramétrages paie.

B. Les implications pratiques pour les entreprises et le contentieux social

La fixation d’une méthode claire de calcul et l’acceptation d’un décompte non contesté favorisent la prévisibilité des coûts et la pacification des litiges à l’échelle de l’entreprise. La portée pratique se lit aussi dans l’organisation des intérêts et leur capitalisation. En décidant: « Ordonne la capitalisation des intérêts, laquelle prend effet à la date à laquelle les intérêts sont dus pour la première fois pour une année entière, conformément aux dispositions de l’article 1343-2 du code civil », la Cour incite à une exécution rapide et complète.

L’arrêt, s’il demeure une décision d’espèce, propose un chemin opératoire transposable: identification conventionnelle des jours « prépositionnés », assimilation au régime des congés payés pour la majoration, liquidation circonscrite par la prescription, et accessoires financiers ordonnés selon la nature des créances. La rectification des bulletins sur trois ans parachève l’objectif de sécurité juridique et de conformité documentaire, tout en limitant le contentieux récurrent sur des périodes anciennes. Cette structuration méthodique confère à la solution une portée régulatrice quotidienne, sans excéder la cohérence du droit du temps de travail et du repos.

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