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La majoration des congés payés prépositionnés constitue un enjeu récurrent dans les entreprises industrielles pratiquant le travail posté. La cour d’appel de Nîmes, par un arrêt du 23 juin 2025, apporte des précisions utiles sur le régime applicable à ces jours de repos particuliers et sur les conditions de réparation du préjudice subi par le salarié.
Un salarié avait été engagé le 10 avril 2010 en qualité d’ensimeur par une société industrielle. Travaillant en équipe postée sur un cycle de cinq semaines, il bénéficiait, conformément à un accord d’entreprise du 31 mars 2005, de trente et un jours de congés payés dont onze jours dits prépositionnés. Le salarié soutenait que ces onze jours n’avaient jamais été correctement rémunérés, leur majoration n’apparaissant pas sur ses bulletins de paie.
Le salarié a saisi le conseil de prud’hommes de Nîmes, d’abord en référé puis au fond, le 19 octobre 2020. Par jugement du 2 juin 2022, cette juridiction a considéré que l’employeur n’avait pas permis au salarié de bénéficier de la majoration des congés prépositionnés au même taux que les congés payés ordinaires. Elle a condamné la société au paiement de 955,15 euros au titre de cette majoration et de 1500 euros de dommages et intérêts. L’employeur a interjeté appel le 28 juin 2022. Par un arrêt du 18 novembre 2024, la cour d’appel de Nîmes a confirmé que le salarié avait bien bénéficié de ses onze jours prépositionnés rémunérés mais a ordonné la réouverture des débats pour que les parties produisent un décompte fondé sur un taux d’indemnisation de 22 % du taux horaire mensuel.
L’employeur contestait devoir une quelconque majoration supplémentaire et sollicitait le rejet de toutes les demandes du salarié. À titre subsidiaire, il proposait de limiter le rappel à 2577,28 euros bruts et demandait le rejet des dommages et intérêts. Le salarié sollicitait à titre principal la condamnation de l’employeur au paiement de 14337,95 euros au titre des congés prépositionnés non pris, outre 3000 euros de dommages et intérêts. À titre subsidiaire, il demandait la confirmation du jugement actualisé à 2585,53 euros de majoration.
La cour d’appel de Nîmes devait déterminer le montant de la majoration due au titre des jours prépositionnés et apprécier si le salarié pouvait prétendre à des dommages et intérêts distincts de cette créance salariale.
La cour confirme le manquement de l’employeur concernant la majoration et fixe le rappel de salaire à 2577,28 euros bruts. Elle rejette en revanche la demande de dommages et intérêts, faute pour le salarié de démontrer l’existence d’un préjudice spécifique et la mauvaise foi de l’employeur.
La reconnaissance du droit à majoration des congés prépositionnés au bénéfice du salarié posté fonde la condamnation de l’employeur (I). La demande indemnitaire se heurte cependant aux exigences probatoires de l’article 1231-6 du code civil (II).
I. La consécration du droit à majoration des congés prépositionnés
La cour reconnaît le principe de la majoration applicable aux jours prépositionnés (A) avant d’en fixer le montant sur la base d’un décompte précis (B).
A. L’affirmation du principe de majoration identique aux congés payés ordinaires
La cour d’appel de Nîmes confirme que l’employeur n’a pas permis au salarié de bénéficier de la majoration des congés payés prépositionnés au même taux que les congés payés ordinaires. Cette solution s’inscrit dans le prolongement de l’arrêt du 18 novembre 2024 qui avait déjà tranché le principe.
Les congés prépositionnés résultent d’un accord d’entreprise du 31 mars 2005 propre au travail posté. Ces jours, au nombre de onze sur les trente et un jours de congés annuels, sont fixés unilatéralement par l’employeur dans le planning annuel. Leur positionnement prédéterminé répond aux contraintes de l’organisation industrielle en équipes successives.
La cour applique le principe d’égalité de traitement entre les différentes catégories de congés. Les jours prépositionnés, bien que planifiés de manière spécifique, constituent des jours de congés payés à part entière. Ils doivent donc bénéficier de la même majoration que les congés payés pris librement par le salarié. L’employeur ne saurait tirer prétexte de leur caractère prépositionné pour les rémunérer à un taux inférieur.
Cette analyse rejoint la jurisprudence constante de la Cour de cassation sur l’indemnisation des congés payés. La règle du maintien de salaire ou du dixième, selon la méthode la plus favorable, s’applique indifféremment à tous les jours de congés légaux ou conventionnels. L’employeur qui méconnaît cette règle engage sa responsabilité contractuelle.
B. La détermination du quantum sur la base d’un taux de majoration de 22 %
La cour avait ordonné la réouverture des débats par son arrêt du 18 novembre 2024 afin que les parties produisent un décompte sur la base d’un taux d’indemnisation de 22 % du taux horaire mensuel. Ce taux correspond à la majoration conventionnelle applicable aux salariés postés travaillant en équipes successives.
L’employeur a produit un décompte faisant apparaître un solde de 2577,28 euros bruts. La cour relève que ce décompte n’est pas contesté par le salarié. Elle retient donc ce montant et condamne l’employeur à le verser en deniers ou quittances.
Le calcul porte sur les trois années précédant la saisine du conseil de prud’hommes, conformément à la prescription triennale applicable aux créances salariales prévue par l’article L. 3245-1 du code du travail. Les sommes échues depuis la saisine jusqu’à l’arrêt sont également incluses dans le décompte.
La cour réforme le jugement de première instance qui avait limité la condamnation à 955,15 euros. L’écart substantiel entre les deux montants s’explique par la prise en compte de la période écoulée entre le jugement et l’arrêt d’appel. Le salarié n’ayant pas réclamé l’indemnité compensatrice de congés payés sur cette somme, la cour ne statue pas sur ce point.
II. Le rejet de la demande indemnitaire pour défaut de preuve du préjudice spécifique
La cour applique les conditions restrictives de l’article 1231-6 alinéa 3 du code civil (A), ce qui conduit au débouté du salarié faute de démonstration suffisante (B).
A. L’exigence cumulative d’un préjudice indépendant et de la mauvaise foi
La cour vise expressément l’article 1231-6 alinéa 3 du code civil pour rejeter la demande de dommages et intérêts. Ce texte dispose que le créancier auquel son débiteur en retard a causé, par sa mauvaise foi, un préjudice indépendant de ce retard peut obtenir des dommages et intérêts distincts de l’intérêt moratoire.
Cette disposition impose deux conditions cumulatives. Le créancier doit d’abord établir l’existence d’un préjudice spécifique, distinct du simple retard de paiement. Il doit ensuite démontrer la mauvaise foi du débiteur, c’est-à-dire sa connaissance du caractère indu de son comportement.
La cour rappelle ainsi le principe selon lequel les intérêts moratoires constituent en principe la seule réparation du retard de paiement. Le législateur a entendu limiter les hypothèses d’indemnisation complémentaire aux cas où le débiteur a agi de manière déloyale et causé un dommage particulier.
Cette règle trouve une application fréquente en matière de créances salariales. L’employeur qui tarde à verser les sommes dues est redevable des intérêts légaux à compter de la mise en demeure ou de la saisine de la juridiction. Seul un comportement fautif aggravé ouvre droit à une indemnisation supplémentaire.
B. L’absence de démonstration par le salarié
La cour relève qu’en l’espèce, le salarié ne démontre ni l’existence d’un préjudice spécifique ni la mauvaise foi de l’employeur. Elle en déduit que sa demande de dommages et intérêts est en voie de rejet.
Le salarié sollicitait 1500 euros puis 3000 euros de dommages et intérêts pour le préjudice lié au non-paiement de la majoration. Il n’a cependant pas caractérisé en quoi ce préjudice excéderait le simple retard de paiement. Les difficultés financières alléguées, le stress ou l’atteinte à la dignité ne sont pas établis par des éléments probants.
La mauvaise foi de l’employeur n’est pas davantage démontrée. L’existence d’un litige d’interprétation sur l’application de l’accord d’entreprise de 2005 révèle une difficulté juridique réelle. L’employeur pouvait légitimement s’interroger sur le régime applicable aux jours prépositionnés. Son refus de verser la majoration ne traduit pas nécessairement une volonté de nuire.
Cette solution invite les salariés à constituer des preuves tangibles de leur préjudice lorsqu’ils réclament des dommages et intérêts distincts du rappel de salaire. La seule privation temporaire d’une somme d’argent est compensée par les intérêts légaux. L’indemnisation complémentaire suppose un dommage d’une autre nature, tel qu’un trouble dans les conditions d’existence ou une perte de chance dûment caractérisée.