Cour d’appel de Nîmes, le 23 juin 2025, n°22/02223

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La Cour d’appel de Nîmes, 23 juin 2025, statue sur le régime applicable à des jours de congés dits « prépositionnés » prévus par un accord d’entreprise, s’agissant de leur rémunération et de leur majoration, ainsi que sur des demandes indemnitaires accessoires. Le salarié, employé posté, bénéficiait de 31 jours de congés dont 11 « prépositionnés ». Il soutenait que ces jours, distincts des congés légaux, n’avaient pas reçu la majoration adéquate. Saisi, le Conseil de prud’hommes de Nîmes (2 juin 2022) a retenu un rappel au titre de la majoration, ordonné la rectification des bulletins, alloué une somme sur le fondement de l’article 700, et rejeté le surplus. Sur appel, un premier arrêt (18 novembre 2024) a confirmé que le salarié « a bien bénéficié de 11 jours prépositionnés rémunérés », a écarté une demande de dommages-intérêts au titre du repos hebdomadaire, et a « ordonné la réouverture des débats […] sur la base d’un taux d’indemnisation de 22 % du taux horaire mensuel ». La question posée à la Cour est double : ces jours doivent-ils être majorés au même taux que les congés payés, et, le cas échéant, l’employeur engage-t-il une responsabilité supplémentaire ouvrant droit à des dommages-intérêts distincts ? Par l’arrêt ici commenté, la Cour consacre la majoration et la liquide à hauteur de 2 259,86 euros bruts, tout en refusant des dommages-intérêts autonomes, faute de mauvaise foi et de préjudice spécifique.

I. La consécration de la majoration des jours « prépositionnés »

A. La confirmation du bénéfice des jours et la qualification opérée
Le contentieux s’enracine dans l’articulation entre droit conventionnel d’entreprise et régime légal des congés. La Cour, dès l’arrêt antérieur, a posé un jalon en indiquant qu’elle « a confirmé le jugement déféré en ce qu’il a considéré que le salarié a bien bénéficié de 11 jours prépositionnés rémunérés ». Cette affirmation écarte l’allégation d’une absence de prise de congés et ferme la voie d’une indemnité compensatrice pour des jours prétendument non pris. Elle fixe, en outre, la nature de ces jours : des repos programmés par l’accord collectif, assortis d’un régime indemnitaire propre, mais devant rester cohérents avec les standards de rémunération des congés payés.

La solution révèle une lecture pragmatique de l’accord d’entreprise. En rappelant l’existence de ces jours et leur rémunération, la Cour circonscrit le débat à la seule question de l’égalité de traitement indemnitaire. L’approche évite la requalification globale des jours « prépositionnés » en congés légaux, tout en ouvrant la voie à un alignement de la majoration lorsque les stipulations et les pratiques le justifient.

B. La méthode de calcul et la liquidation du rappel
La Cour avait « ordonné la réouverture des débats […] sur la base d’un taux d’indemnisation de 22 % du taux horaire mensuel », matérialisant un référentiel clair, compatible avec les textes conventionnels et la prescription triennale applicable aux créances salariales. Sur cette base, elle relève « un décompte non contesté faisant apparaître un solde restant dû […] s’élevant à 2 259,86 euros bruts ». La liquidation s’opère en rappel de salaire, en deniers ou quittances, sans ouverture d’un droit à indemnité compensatrice de congés payés sur cette somme, le salarié n’en sollicitant pas l’octroi.

La Cour privilégie une correction ciblée et effective, limitant la réparation au différentiel de majoration. Ce choix renforce la sécurité des feuilles de paie, obligeant l’employeur à une rectification pour le passé et l’avenir, sans excéder la portée du litige. La réponse, d’économie maîtrisée, consacre l’égalité de traitement recherchée par l’intéressé tout en respectant la structure conventionnelle.

II. Un encadrement mesuré des réparations et des effets

A. Le refus de dommages-intérêts autonomes faute de mauvaise foi
La Cour s’appuie sur l’article 1231-6, alinéa 3, du code civil : « le créancier auquel son débiteur en retard a causé, par sa mauvaise foi, un préjudice indépendant de ce retard peut obtenir des dommages et intérêts distincts de l’intérêt moratoire ». Elle constate ensuite qu’« il n’est pas démontré l’existence d’un préjudice spécifique ni la mauvaise foi de l’employeur. La demande en paiement de dommages et intérêts […] est en voie de rejet ». L’articulation entre intérêt moratoire et indemnisation autonome est ainsi clairement rappelée : un simple retard de paiement, même fautif, ne suffit pas sans preuve de mauvaise foi et d’un préjudice détachable.

Cette position s’accorde avec une jurisprudence constante quant à l’exigence probatoire du préjudice distinct. Elle prévient les doubles réparations et circonscrit l’office du juge à la seule compensation des conséquences démontrées du retard. L’absence d’éléments factuels précis sur une atteinte particulière à la situation du salarié justifie le rejet, sans exclure, pour d’autres situations, une appréciation différente à droit constant.

B. Les incidences pratiques : intérêts, capitalisation, frais et régularisations
L’arrêt précise le régime temporel des intérêts légaux : il « rappelle que les intérêts au taux légal courent sur les sommes à caractère salarial à compter de la réception par l’employeur de la convocation […] et […] sur les sommes à caractère indemnitaire, à compter du jugement déféré ». La « capitalisation des intérêts » est en outre ordonnée « conformément aux dispositions de l’article 1343-2 du code civil ». Le dispositif complète l’efficacité de la condamnation principale, structure le calcul dans le temps et prévient l’érosion du droit par l’attente.

Enfin, la Cour fait droit aux frais irrépétibles en relevant que « l’équité commande de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ». Cette allocation, d’ampleur mesurée, s’inscrit dans une logique de juste répartition des coûts du litige. Corrélativement, la rectification des bulletins pour les trois dernières années, et pour l’avenir, assure l’effectivité du droit reconnu et sécurise les décomptes à venir dans les organisations où des jours « prépositionnés » coexistent avec les congés légaux.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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