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La Cour d’appel de Nîmes, par un arrêt du 23 juin 2025, statue sur la contestation d’un avis d’inaptitude prononcé par le médecin du travail à l’égard d’une aide-ménagère employée depuis le 6 mars 2018 par une société de services. Elle était en arrêt maladie depuis novembre 2023.
Le 8 juillet 2024, le médecin du travail la déclare inapte, précisant que « l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi ». L’employeur saisit le conseil de prud’hommes d’Alès selon la procédure accélérée au fond, sollicitant la désignation d’un médecin inspecteur du travail aux fins d’expertise. Il soutient ne pas avoir eu connaissance des éléments médicaux motivant cet avis et estime que les dispositions de l’article R. 4627-42 du code du travail n’ont pas été respectées. La salariée forme des demandes reconventionnelles, réclamant notamment le paiement des salaires postérieurs au délai d’un mois suivant l’avis d’inaptitude.
Par ordonnance du 27 novembre 2024, le conseil de prud’hommes déboute l’employeur de sa demande d’expertise et le condamne au paiement des salaires ainsi qu’à la remise des bulletins de paie sous astreinte. Une erreur matérielle affecte le dispositif : les premiers juges ont condamné l’employeur à 1 000 euros de dommages et intérêts dans les motifs sans le reprendre au dispositif. L’employeur interjette appel.
La question posée à la Cour est double. Elle doit déterminer si l’employeur peut obtenir une expertise contestant l’avis d’inaptitude en l’absence d’éléments probants contrariant les conclusions du médecin du travail. Elle doit également apprécier l’étendue des pouvoirs du juge statuant selon la procédure accélérée au fond lorsque des demandes reconventionnelles lui sont soumises.
La Cour confirme l’ordonnance entreprise et condamne l’employeur au paiement de 1 000 euros de dommages et intérêts. Elle retient que l’avis d’inaptitude comporte toutes les mentions requises par l’article R. 4624-42 du code du travail. Elle juge également que l’employeur demeure tenu de reprendre le versement des salaires un mois après l’avis d’inaptitude en l’absence de reclassement ou de licenciement effectif.
Cet arrêt précise les conditions de contestation de l’avis d’inaptitude rendu par le médecin du travail (I) et illustre l’étendue des obligations de l’employeur en matière de reprise du salaire après déclaration d’inaptitude (II).
I. Les conditions de la contestation de l’avis d’inaptitude
La Cour rappelle le cadre procédural strict encadrant la contestation de l’avis du médecin du travail (A) avant de constater l’absence d’éléments probants justifiant l’expertise sollicitée (B).
A. Le cadre procédural de la contestation
L’article L. 4624-7 du code du travail permet au salarié ou à l’employeur de contester les avis du médecin du travail « reposant sur des éléments de nature médicale » selon la procédure accélérée au fond. Le conseil de prud’hommes peut alors confier une mesure d’instruction au médecin inspecteur du travail territorialement compétent.
La Cour reproduit intégralement l’article R. 4624-42 du code du travail fixant les conditions préalables au constat d’inaptitude. Le médecin du travail doit avoir réalisé un examen médical, une étude de poste, une étude des conditions de travail et avoir procédé à un échange avec l’employeur. Ces exigences visent à garantir le caractère éclairé de l’avis rendu.
L’employeur soutenait ne pas avoir « été en mesure de faire valoir ses observations sur les avis et les propositions du médecin du travail ». Il invoquait une violation de l’article R. 4627-42 du code du travail en ce qu’il n’aurait pas été consulté avant la décision d’inaptitude.
La procédure accélérée au fond constitue la seule voie de recours contre l’avis du médecin du travail. Le délai de saisine est de quinze jours à compter de la notification de l’avis, conformément à l’article R. 4624-45 du code du travail. Ce délai bref vise à concilier la protection du salarié et la sécurité juridique de l’employeur.
B. L’exigence d’éléments probants contrariant l’avis médical
La Cour relève que l’employeur « ne produit aucun élément de nature à contrarier l’avis donné par le médecin du travail ». Cette formulation impose à la partie contestant l’avis d’inaptitude d’apporter des éléments positifs de contestation.
L’avis d’inaptitude litigieux comportait toutes les mentions requises. La Cour observe que figuraient « étude de poste en date du 10/04/2024, étude des conditions de travail en date du 10/04/2024, échange avec l’employeur en date du 10/04/2024 ainsi que la dernière actualisation de la fiche d’entreprise en date du 23/01/2024 ».
L’employeur ne pouvait dès lors invoquer une méconnaissance de la procédure prévue à l’article R. 4624-42 du code du travail. Les formalités substantielles avaient été accomplies. La Cour en déduit que « c’est à juste titre que le premier juge a rejeté la demande formée par la SAS AAP Services ».
Cette solution s’inscrit dans la jurisprudence établie. La contestation de l’avis d’inaptitude ne peut prospérer sur le seul fondement d’une argumentation procédurale dépourvue de tout élément médical contradictoire. L’employeur doit démontrer en quoi l’appréciation du médecin du travail serait erronée.
II. Les obligations de l’employeur postérieures à l’avis d’inaptitude
La Cour précise le régime de la reprise du salaire en cas d’inaptitude (A) et se prononce sur la compétence du juge statuant selon la procédure accélérée au fond pour connaître des demandes reconventionnelles (B).
A. L’obligation de reprise du salaire après le délai d’un mois
L’article L. 1226-4 du code du travail dispose que « lorsque, à l’issue d’un délai d’un mois à compter de la date de l’examen médical de reprise du travail, le salarié déclaré inapte n’est pas reclassé dans l’entreprise ou s’il n’est pas licencié, l’employeur lui verse, dès l’expiration de ce délai, le salaire correspondant à l’emploi que celui-ci occupait avant la suspension de son contrat de travail ».
L’employeur prétendait avoir licencié la salariée dès le 9 juillet 2024, soit le lendemain de l’avis d’inaptitude. La Cour procède à une analyse rigoureuse des pièces produites. Elle relève une contradiction entre le courrier de licenciement daté du 9 juillet 2024 et les documents de fin de contrat.
Le certificat de travail mentionne une période travaillée « du 06 mars 2018 au 30 novembre 2024 ». L’attestation destinée à France Travail indique que « le contrat de travail a pris fin le 30 novembre 2024 ». La Cour en déduit qu’« en dépit d’un courrier de licenciement du 9 juillet 2024, Mme [C] est demeurée dans les effectifs de l’entreprise jusqu’au 30 novembre 2024 ».
La Cour applique la règle posée par l’article L. 1226-4 du code du travail. L’employeur était tenu de reprendre le paiement des salaires à compter du 9 août 2024. Cette obligation perdure jusqu’à la date effective de rupture du contrat de travail, indépendamment de toute procédure contentieuse.
B. La compétence du juge de la procédure accélérée au fond
L’employeur contestait la compétence du juge statuant selon la procédure accélérée au fond pour connaître des demandes reconventionnelles de la salariée. La Cour écarte cette objection. Elle affirme qu’« aucune disposition ne fait obstacle à ce que le défendeur puisse formuler une demande reconventionnelle dans le cadre d’une procédure accélérée au fond ».
L’article 481-1 du code de procédure civile, intégralement reproduit par la Cour, prévoit que le juge « a la faculté de renvoyer l’affaire devant la formation collégiale, à une audience dont il fixe la date ». Cette possibilité permet de garantir le respect du contradictoire lorsque des demandes reconventionnelles complexes sont formulées.
La Cour cite un arrêt de la Chambre sociale du 19 mars 2025 selon lequel « le licenciement pour inaptitude prononcé à l’encontre d’un salarié qui conteste l’avis ayant constaté son inaptitude, ne peut être remis en cause par l’ordonnance du conseil de prud’hommes venant modifier cet avis après le prononcé du licenciement ». Cette référence jurisprudentielle précise l’articulation entre le recours contre l’avis d’inaptitude et la procédure de licenciement.
Enfin, la Cour répare l’omission de statuer des premiers juges en condamnant l’employeur à 1 000 euros de dommages et intérêts. Elle retient que « cette situation préjudiciable pour Mme [C] justifie l’allocation d’une somme de 1 000,00 euros à titre de dommages et intérêts ». Le défaut de paiement du salaire pendant plusieurs mois caractérise un préjudice tant moral que financier.