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Par un arrêt du 24 juin 2025, la cour d’appel de Nîmes s’est prononcée sur plusieurs questions relatives à l’exécution d’un contrat de travail, spécialement sur les droits d’un salarié pendant un arrêt maladie prolongé.
Un salarié a été engagé le 1er décembre 2016 en qualité de membre du comité de direction des jeux, statut cadre, par une société exploitant un casino. À compter du 18 mai 2020, il a été placé en arrêt de travail pour maladie, sans jamais reprendre son activité. Il a été licencié pour inaptitude le 8 juin 2023. Estimant que son employeur lui devait diverses sommes au titre de son arrêt maladie, il a saisi le conseil de prud’hommes qui, par jugement du 20 décembre 2023, a partiellement fait droit à ses demandes. Le salarié a interjeté appel de cette décision.
Devant la cour d’appel, le salarié réclamait notamment le paiement de jours de carence indûment retenus, de primes exceptionnelles non versées pendant son arrêt maladie, ainsi que d’indemnités de congés payés acquises pendant cette période. L’employeur contestait ces prétentions et formait appel incident sur certaines condamnations prononcées en première instance.
La question de droit principale portait sur le maintien des éléments de rémunération pendant l’arrêt maladie. Plus précisément, il s’agissait de déterminer si un salarié absent pour maladie pouvait prétendre au versement d’une prime exceptionnelle en vertu d’une clause conventionnelle de maintien de salaire.
La cour d’appel de Nîmes infirme partiellement le jugement. Elle déboute le salarié de sa demande au titre des jours de carence mais condamne l’employeur à lui verser les primes exceptionnelles des mois de juillet et novembre 2020, ainsi qu’une indemnité de congés payés au titre des congés acquis pendant l’arrêt maladie.
Cet arrêt invite à examiner les conditions du maintien des éléments de rémunération pendant l’arrêt maladie (I), avant d’analyser l’application du nouveau régime d’acquisition des congés payés pendant la maladie (II).
I. Le maintien conventionnel de la rémunération pendant l’arrêt maladie
La cour rappelle le principe selon lequel la suspension du contrat dispense l’employeur de rémunérer le salarié (A), avant d’en tirer les conséquences sur le versement des primes exceptionnelles (B).
A. L’articulation entre suspension du contrat et obligation de maintien de salaire
La cour d’appel de Nîmes énonce que « la suspension du contrat de travail dispense l’employeur de son obligation de rémunération du salarié ». Ce principe fondamental, codifié à l’article L. 1226-1 du code du travail, constitue la règle de droit commun applicable en cas d’arrêt maladie. Le salarié absent ne peut en principe prétendre au versement de sa rémunération dès lors que la contrepartie du travail fait défaut.
La cour ajoute cependant qu’un salarié « ne peut prétendre recevoir une prime, lorsque la gratification a été instituée afin de rémunérer une activité ou récompenser les services rendus, que dans la mesure du travail effectivement accompli ». Cette formulation, empruntée à l’article 1103 du code civil, pose le principe selon lequel les éléments variables de rémunération suivent le sort du contrat de travail suspendu.
La cour relève néanmoins que ce principe connaît une exception importante. Elle observe que l’article 25-5 de la convention collective des casinos « prévoit, en cas de maladie, le maintien de la rémunération que le salarié aurait perçue s’il avait continué à travailler ». Cette stipulation conventionnelle constitue précisément la dérogation visée par la jurisprudence de la Cour de cassation. L’arrêt du 20 novembre 2024, expressément cité par la cour d’appel, subordonne le versement d’une prime pendant l’arrêt maladie à l’existence d’une « clause contractuelle ou conventionnelle contraire ».
B. L’inclusion de la prime exceptionnelle dans l’assiette du maintien de salaire
La cour tire les conséquences de cette clause conventionnelle de maintien de salaire. Elle juge que « l’employeur est tenu d’inclure la part variable dans le calcul du maintien du salaire dû au salarié, le versement de la prime exceptionnelle devant intervenir même en cas d’arrêt maladie ». Cette solution s’inscrit dans la continuité de la jurisprudence de la Cour de cassation du 29 septembre 2021 qui avait posé ce principe.
L’employeur soutenait que la prime litigieuse était « exceptionnelle et aléatoire » et que le salarié « n’avait jamais travaillé avec la nouvelle direction ». La cour écarte cet argument en relevant simplement l’absence d’élément fourni par l’employeur sur le mode de calcul de la prime. Elle valide le calcul du salarié en se référant aux primes versées à un autre salarié sur la même période.
Cette solution mérite approbation. La convention collective ne distingue pas selon la nature des éléments de rémunération. Dès lors que le salarié aurait perçu cette prime s’il avait continué à travailler, elle doit être incluse dans l’assiette du maintien de salaire. L’employeur ne peut se prévaloir du caractère exceptionnel de la prime pour s’exonérer de cette obligation conventionnelle.
La portée de cette décision doit cependant être mesurée. Elle ne remet pas en cause le principe selon lequel une prime destinée à récompenser une activité effective n’est pas due au salarié absent. Elle se borne à faire application d’une clause conventionnelle de maintien intégral de la rémunération. En l’absence d’une telle clause, la solution eût été différente.
II. L’acquisition et le report des congés payés pendant l’arrêt maladie
La cour fait application de la loi du 22 avril 2024 relative aux congés payés (A) et en déduit les droits du salarié au terme du délai de report (B).
A. L’application rétroactive de la loi du 22 avril 2024
La cour rappelle les termes de la loi du 22 avril 2024 qui a modifié le code du travail en matière de congés payés. Elle cite le nouvel article L. 3141-5-1 qui prévoit que « la durée du congé auquel le salarié a droit au titre des périodes mentionnées au 7° de l’article L. 3141-5 est de deux jours ouvrables par mois ». Cette disposition consacre le droit du salarié absent pour maladie non professionnelle à acquérir des congés payés, dans la limite de 24 jours ouvrables par an.
La cour souligne que « les nouvelles dispositions du code du travail telles que résultant de la loi du 22 avril 2024 sont applicables aux instances en cours ». Elle en déduit que le salarié « a acquis sur toute la période d’arrêt maladie 2 jours de congés payés par mois, soit un total de 71 jours jusqu’au licenciement ».
Cette solution résulte directement de l’article 37 II de la loi qui prévoit une application rétroactive remontant au 1er décembre 2009. Le législateur a ainsi entendu mettre le droit français en conformité avec la directive européenne 2003/88/CE relative à l’aménagement du temps de travail, telle qu’interprétée par la Cour de justice de l’Union européenne.
B. Les effets du délai de report sur les droits du salarié
La cour analyse ensuite les conséquences du délai de report instauré par la loi. Elle cite l’article L. 3141-19-2 du code du travail selon lequel « la période de report débute à la date à laquelle s’achève la période de référence au titre de laquelle ces congés ont été acquis si, à cette date, le contrat de travail est suspendu depuis au moins un an ».
La cour procède à un calcul précis des droits du salarié. Pour la période d’acquisition du 1er juin 2020 au 31 mai 2021, elle relève que « la période de report débute le 1er juin 2021 et les droits à congés sont perdus à la date du 1er septembre 2022 ». Ces 24 jours sont donc perdus. En revanche, pour les périodes postérieures, la cour constate que « le salarié ayant été licencié pour inaptitude le 8 juin 2023, la période de report n’avait pas expiré ».
La cour en déduit que le salarié « disposait d’un reliquat de 47 jours de congés payés à la date de la rupture du contrat de travail ». Elle entérine finalement la reconnaissance par l’employeur d’un solde de 58 jours et d’une somme due de 7908,88 euros.
Cette décision illustre la complexité du mécanisme instauré par la loi de 2024. Le report de 15 mois constitue une garantie pour le salarié mais également une limite à ses droits. Le salarié absent depuis plus d’un an perd ses congés à l’expiration de ce délai s’il n’a pas repris le travail. Cette solution apparaît équilibrée. Elle concilie le droit au repos du salarié malade avec la nécessité de ne pas faire peser sur l’employeur une dette indéfinie.