Cour d’appel de Nîmes, le 26 juin 2025, n°24/02042

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Rendue par la Cour d’appel de Nîmes le 26 juin 2025, la décision tranche une difficulté de prescription en matière de faute inexcusable. Le litige porte sur la recevabilité d’une action indemnitaire engagée après des démarches amiables tardives menées par l’employeur public.

Les faits tiennent à une maladie professionnelle déclarée en 2014, reconnue en 2016, avec consolidation et fixation d’un taux d’incapacité de 80 pour cent. L’employeur public a ultérieurement admis une faute inexcusable, diligenté une expertise en 2023, proposé une offre d’indemnisation et versé des sommes relatives aux préjudices extra-patrimoniaux.

La juridiction de première instance, tribunal judiciaire de Nîmes (pôle social), 16 mai 2024, n° 23/00613, a déclaré l’action irrecevable comme prescrite. L’appel a été formé afin de faire reconnaître que les actes accomplis par l’employeur valaient renonciation tacite à une prescription déjà acquise.

La question de droit est la suivante. Les actes d’aveu, d’expertise amiable, d’offre et de paiement, accomplis après l’expiration du délai biennal, peuvent-ils caractériser une renonciation tacite à se prévaloir de la prescription acquise.

La cour retient que la prescription était acquise à l’automne 2018, puis constate une renonciation tacite résultant d’actes non équivoques. Elle infirme le jugement, déclare l’action recevable et renvoie l’affaire pour être plaidée au fond, à une audience ultérieure.

I – Le cadre légal de la prescription en matière de faute inexcusable

A – Le point de départ et le délai applicables

La cour rappelle le délai biennal et ses points de départ alternatifs. Elle énonce que « La prescription en matière de faute inexcusable est de deux ans. Elle court soit du jour de l’accident ou de la première constatation médicale de la maladie, soit de la cessation du travail, soit du jour de la clôture de l’enquête, soit du jour de la cessation du paiement des indemnités journalières, soit du jour de la reconnaissance de l’origine professionnelle de l’accident ou de la maladie. » Cette formulation, conforme à la lettre des textes spéciaux, fixe un cadre souple mais précisément borné.

Elle ajoute, s’agissant de l’articulation avec la reconnaissance du caractère professionnel, que « Ce délai de prescription est interrompu, en cas de circonstances susceptibles d’entraîner la reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur, par l’exercice de l’action en reconnaissance du caractère professionnel de la maladie; le délai de prescription ne peut recommencer à courir qu’à compter de la date de la reconnaissance du caractère professionnel de la maladie (Cass. 2e civ., 24 janv. 2013, n° 11-28.595 ; Cass. 2e civ., 23 janv. 2014, n° 12-27.318). » La solution situe utilement la chronologie entre la première phase de reconnaissance et l’éventuel contentieux indemnitaire.

B – Les effets interruptifs et suspensifs attachés aux démarches précontentieuses

La cour rappelle la portée suspensive de la tentative de conciliation organisée par l’organisme social. Elle vise que « La saisine de la caisse par la victime ou ses ayants droit pour organiser une tentative de conciliation, a pour effet de suspendre le nouveau délai de la prescription biennale, qui ne recommence à courir qu’à partir du moment où la caisse fait connaître le résultat de la tentative de conciliation (Cass. 2e civ., 10 déc. 2009, n° 08-21.969). » La précision distingue nettement interruption, suspension et redépart du délai, assurant une lecture cohérente des délais successifs.

Dans l’espèce, la computation aboutit à fixer l’expiration du délai biennal avant toute saisine juridictionnelle. Cette étape, rigoureusement menée, sert de pivot à l’analyse ultérieure de la renonciation, seule voie permettant de surmonter une prescription déjà acquise.

II – La renonciation tacite à une prescription acquise au regard des actes de l’employeur

A – Le fondement juridique et le critère d’appréciation

La cour rappelle d’abord la règle de principe du code civil, telle qu’intégrée dans le raisonnement. Elle cite que « La reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrivait interrompt le délai de prescription. » Ce rappel balise l’effet interruptif avant l’acquisition de la prescription, en distinguant le temps antérieur au terme extinctif.

Surtout, la décision rappelle le régime propre à la renonciation après acquisition. Elle reprend les principes selon lesquels « Seule une prescription acquise est susceptible de renonciation. » et « La renonciation à la prescription est expresse ou tacite. La renonciation tacite résulte de circonstances établissant sans équivoque la volonté de ne pas se prévaloir de la prescription. » La norme impose donc des actes positifs, clairs et convergents, traduisant la volonté de ne pas opposer la fin de non-recevoir.

B – Les indices caractérisant la renonciation et la portée de la solution

La cour retient une série d’actes successifs, tous postérieurs au terme du délai. Sont relevés une reconnaissance explicite de la faute inexcusable, une expertise amiable ordonnée à l’initiative de l’employeur public, une offre chiffrée d’indemnisation et le paiement effectif de sommes au titre des préjudices extra-patrimoniaux. Pris ensemble, ces actes traduisent une volonté non équivoque de réparer, incompatible avec l’invocation d’une prescription acquise.

La solution mérite approbation, car elle respecte le critère de non-équivoque, tout en sécurisant les victimes engagées dans des démarches amiables substantielles. La portée reste toutefois mesurée. L’arrêt ne consacre pas un principe automatique, mais un faisceau d’indices précis, exigeant des manifestations répétées, cohérentes et exécutées, seules de nature à éteindre l’exception de prescription au profit d’un examen au fond.

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Hassan KOHEN
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Hassan Kohen

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