Cour d’appel de Nîmes, le 3 juillet 2025, n°23/04020

La cour d’appel de Nîmes, par un arrêt du 3 juillet 2025, confirme le rejet d’une demande de renouvellement de l’allocation aux adultes handicapés fondée sur l’insuffisance du taux d’incapacité retenu. Cette décision invite à examiner les conditions d’attribution de l’AAH lorsque le taux d’incapacité se situe en deçà du seuil de 50 %.

Un homme, atteint d’une tumeur de Kaposi au pied droit ayant nécessité une chimiothérapie puis une radiothérapie, sollicite le 1er septembre 2022 le renouvellement de son allocation aux adultes handicapés. La commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées rejette cette demande le 9 mai 2023, estimant son taux d’incapacité permanente partielle inférieur à 50 %. L’intéressé saisit alors le pôle social du tribunal judiciaire de Nîmes. Une consultation médicale ordonnée en cours d’instance conclut à un « taux inférieur à 50%, gêne modérée pour les gestes de la vie courante ». Par jugement du 30 novembre 2023, le tribunal déboute le demandeur et confirme la décision administrative. Celui-ci interjette appel, soutenant que son état de santé justifie l’octroi de l’allocation et sollicitant subsidiairement une expertise médicale.

La cour d’appel de Nîmes devait déterminer si un taux d’incapacité inférieur à 50 % accompagné d’une gêne qualifiée de modérée permet l’attribution de l’allocation aux adultes handicapés.

La cour confirme le jugement en toutes ses dispositions. Elle retient que les pièces produites « ne sont pas contemporaines à la demande de renouvellement d’AAH » et « ne permettent pas de remettre en cause sérieusement les conclusions » du médecin consultant. Elle juge que l’appelant « ne rapporte ni la preuve qu’il était atteint, à la date de la demande de renouvellement d’AAH, d’un taux d’incapacité supérieur à 50% avec une restriction durable et substantielle pour l’accès à l’emploi ni la preuve que sa pathologie entraîne une gêne notable dans sa vie sociale et professionnelle ».

L’exigence d’un taux d’incapacité minimal conditionne l’accès à l’allocation (I), tandis que la preuve de la restriction substantielle et durable d’accès à l’emploi constitue un obstacle supplémentaire pour le demandeur (II).

I. Le seuil de 50 % comme condition déterminante d’attribution de l’AAH

Le régime légal de l’allocation aux adultes handicapés repose sur une architecture à deux niveaux (A), dont l’application suppose une évaluation médicale rigoureuse (B).

A. L’architecture duale du dispositif légal

L’article L. 821-1 du code de la sécurité sociale ouvre droit à l’allocation aux adultes handicapés pour toute personne présentant un taux d’incapacité d’au moins 80 %. L’article L. 821-2 étend ce bénéfice aux personnes dont le taux, sans atteindre ce pourcentage, demeure « supérieur ou égal » à 50 %, sous réserve qu’une « restriction substantielle et durable pour l’accès à l’emploi » soit reconnue.

Cette dualité traduit la volonté du législateur de distinguer deux situations. D’une part, les incapacités majeures ouvrant droit de plein droit à l’allocation. D’autre part, les incapacités importantes nécessitant une appréciation complémentaire de l’employabilité. Le guide barème annexé au code de l’action sociale et des familles précise qu’un taux compris entre 50 et 80 % correspond à une « incapacité importante entraînant une entrave notable dans la vie quotidienne ». La cour rappelle cette définition pour souligner que la gêne modérée retenue par le médecin consultant ne satisfait pas à cette exigence d’entrave notable.

B. L’évaluation médicale comme fondement de la décision

La consultation médicale ordonnée en première instance revêt une importance décisive dans le contentieux de l’AAH. Le médecin consultant a conclu à un « taux inférieur à 50%, gêne modérée pour les gestes de la vie courante ». Cette qualification emporte des conséquences juridiques directes puisqu’elle place l’appelant hors du champ d’application de l’article L. 821-2.

La cour relève que les certificats médicaux produits en appel « ne sont pas contemporaines à la demande de renouvellement d’AAH ». Cette observation révèle l’importance de la date d’appréciation du handicap. Le certificat du 17 novembre 2017 attestant une « impotence fonctionnelle » est antérieur de près de cinq ans à la demande. Le certificat du 29 juin 2023 mentionne une maladie « asymptomatique » et « en surveillance actuellement pas de traitement pour le moment proposé ». Ces éléments contredisent la thèse d’une aggravation justifiant l’allocation.

II. La charge de la preuve de la restriction d’accès à l’emploi

La reconnaissance d’une restriction substantielle et durable d’accès à l’emploi obéit à des critères précis (A) dont la démonstration incombe au demandeur (B).

A. Les critères légaux de la restriction substantielle et durable

L’article D. 821-1-2 du code de la sécurité sociale définit avec précision les éléments constitutifs de la restriction. Celle-ci est substantielle lorsque le demandeur rencontre, « du fait de son handicap même, des difficultés importantes d’accès à l’emploi ». Doivent être pris en considération les déficiences à l’origine du handicap, les limitations d’activités, les contraintes liées aux traitements et les troubles susceptibles d’aggraver ces déficiences.

La restriction perd son caractère substantiel lorsqu’elle peut être « surmontée par le demandeur » grâce aux réponses apportées aux besoins de compensation ou aux aménagements de poste. La durabilité suppose une restriction « d’une durée prévisible d’au moins un an ». La cour applique implicitement ces critères en constatant l’absence de preuve d’une gêne notable dans la vie sociale et professionnelle de l’appelant.

B. L’échec probatoire du demandeur

La cour énonce que l’appelant « ne rapporte ni la preuve qu’il était atteint, à la date de la demande de renouvellement d’AAH, d’un taux d’incapacité supérieur à 50% avec une restriction durable et substantielle pour l’accès à l’emploi ni la preuve que sa pathologie entraîne une gêne notable dans sa vie sociale et professionnelle ». Cette formulation révèle le caractère cumulatif des conditions et la rigueur de l’exigence probatoire.

Le refus d’ordonner une expertise médicale complémentaire procède de cette même logique. La cour estime disposer d’éléments suffisants pour statuer. Le médecin consultant a examiné l’intéressé et formulé des conclusions précises. Les pièces produites en appel, non contemporaines de la demande, ne créent pas le doute nécessaire pour justifier une mesure d’instruction. Cette solution s’inscrit dans une jurisprudence constante faisant peser sur le demandeur la charge de démontrer que son état de santé satisfait aux conditions légales d’attribution de l’allocation. Elle rappelle que la contestation d’une évaluation médicale suppose des éléments probants permettant de remettre en cause sérieusement les conclusions de l’expert.

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Hassan KOHEN
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