Cour d’appel de Nîmes, le 4 septembre 2025, n°24/01315

Rendue par la Cour d’appel de Nîmes le 4 septembre 2025 (1re chambre), la décision confirme le jugement de la juridiction de proximité d’[Localité 4] du 21 novembre 2023. Le litige naît d’un commodat consenti sur des parcelles où un dispositif de récupération d’eau alimentait une résidence secondaire. L’emprunteur a puisé de l’eau sans autorisation, endommageant une pompe remplacée en mai 2020, puis le propriétaire a allégué une défaillance globale de l’ouvrage, nécessitant la pose de nouvelles cuves.

Après un rejet intégral en première instance, l’appelant sollicitait l’infirmation, l’indemnisation des travaux de remplacement et des frais. L’intimé demandait la confirmation. Le débat d’appel s’est concentré sur la preuve du lien de causalité entre le puisage fautif et l’ensemble des désordres invoqués, ainsi que sur la nécessité de procéder à un remplacement complet plutôt qu’à des réparations.

La question posée tenait à la charge et à l’intensité de la preuve exigée, lorsque la faute est admise, pour établir l’étendue du dommage et le choix du mode de réparation. La cour retient que l’appelant ne démontre ni l’inefficience durable de l’installation après le remplacement de la pompe, ni l’imputabilité des désordres structurels à l’acte fautif, ni l’impossibilité de réparer l’ouvrage existant. Elle énonce ainsi: « Il n’est pas établi qu’après le remplacement de la pompe de levage en mai 2020, l’ouvrage de récupération et de stockage de source installé en 2011 ne fonctionnait plus. » Elle ajoute: « A part quatre photocopies de photographies dépourvues de toute légende, il ne produit aucun élément de nature à démontrer le lien de causalité… » Enfin, la formation souligne: « il ne démontre pas que le précédent ouvrage (…) n’était pas réparable et qu’il était plus onéreux de le faire réparer que de construire un nouvel ouvrage ». La confirmation s’ensuit, les demandes indemnitaires étant rejetées.

I. Le sens de la décision: faute admise, dommage non prouvé

A. La faute reconnue et la délimitation du litige
La cour rappelle d’abord l’admission explicite de la faute par l’intimé, ce qui fixe l’objet du débat à l’étendue du préjudice. Elle cite: « L’intimé reconnaît avoir commis une faute en puisant sans autorisation de l’eau stockée dans un ouvrage de récupération d’eau de source installé par le propriétaire sur l’une des parcelles qui lui ont été prêtées à titre gratuit. » La matérialité de l’atteinte initiale n’est donc pas discutée; seule demeure la qualification et la causalité des désordres subséquents.

Le cadre contentieux se resserre ensuite autour de l’alternative réparations versus remplacement intégral. La motivation le formule nettement en posant que « seule l’étendue des dommages causés par cette faute est discutée », l’appelant soutenant l’atteinte globale de l’ouvrage, l’intimé limitant l’impact à la pompe. L’examen probatoire s’ordonne dès lors autour de la preuve d’une défaillance systémique et de sa relation causale certaine avec le puisage.

B. La charge probatoire du lien de causalité et du mode de réparation
La cour écarte la continuité alléguée de la privation d’eau, faute d’éléments probants précis, datés et techniquement étayés. Elle relève des attestations ponctuelles en août 2020, mais rappelle le remplacement récent de la pompe, sans articulation convaincante des origines des incidents. D’où la formule centrale: « Il n’est pas établi qu’après le remplacement (…) l’ouvrage (…) ne fonctionnait plus. »

La critique atteint ensuite la méthode probatoire, limitée à « quatre photocopies de photographies dépourvues de toute légende », impropres à caractériser des mécanismes d’instabilité de la cuve et l’effondrement des contreforts. Enfin, la cour exige la démonstration de l’impossibilité ou de l’inefficience d’une réparation proportionnée, condition nécessaire pour justifier un remplacement intégral au nom de la réparation intégrale. Elle conclut: « il ne démontre pas que le précédent ouvrage (…) n’était pas réparable » ni le caractère économiquement plus onéreux d’une réparation. L’insuffisance de preuve commande la confirmation.

II. La valeur et la portée: rigueur probatoire et proportion de la réparation

A. Un standard de preuve exigeant, conforme au droit positif
La solution s’inscrit dans une orthodoxie constante: l’admission de la faute ne dispense pas de prouver l’existence, l’étendue et le lien direct du dommage. Le juge d’appel contrôle la cohérence chronologique, la qualité technique des pièces et la pertinence des inférences causales. L’expertise amiable, non contradictoire, ne pallie pas l’absence d’indices précis sur l’inefficience durable du système ou sur l’impossibilité d’une réparation ciblée.

Ce standard probatoire protège l’exigence de proportionnalité de la réparation, en évitant que le remplacement intégral ne serve de substitut à une démonstration rigoureuse. Il réaffirme l’office de la juridiction d’appel dans l’appréciation souveraine des preuves, tout en maintenant la charge probatoire sur le demandeur à l’indemnisation.

B. Une rigueur opportune, mais qui invite à une meilleure administration de la preuve
La décision prévient l’extension indue du dommage réparable au moyen d’assertions techniques peu étayées. Elle maintient la cohérence du principe de réparation intégrale, en subordonnant tout remplacement total à la preuve d’une non-réparabilité ou d’une disproportion économique objectivée. Cette lecture favorise la sécurité juridique et dissuade les surcoûts non justifiés.

Elle souligne toutefois l’importance d’investigations techniques contradictoires lorsque les désordres sont structurels et évolutifs. Une mesure d’expertise judiciaire aurait permis de trancher la causalité spécifique et l’opportunité d’une solution différenciée. À défaut, la sanction probatoire s’impose, et la confirmation s’explique par la seule insuffisance des éléments fournis.

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Hassan KOHEN
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