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L’arrêt rendu par la cour d’appel de Nîmes le 8 juillet 2025 s’inscrit dans le contentieux récurrent du licenciement pour inaptitude, lorsque le salarié prétend que cette inaptitude résulte d’un manquement de l’employeur. Un agent de sécurité, embauché le 1er avril 2020 avec reprise d’ancienneté au 1er juillet 2003 à la suite du transfert d’un marché, a été placé en arrêt maladie à compter du mois de juillet 2020. Après un avis d’inaptitude du médecin du travail précisant que son état de santé faisait obstacle à tout reclassement, il a été licencié le 19 mai 2021. Le salarié soutenait que l’employeur, ne souhaitant pas le maintenir en raison de son coût salarial, l’avait délibérément affecté à un poste incompatible avec les restrictions médicales préconisées.
La procédure révèle que le conseil de prud’hommes de Nîmes, statuant en formation de départage le 4 septembre 2023, a rejeté la demande de requalification du licenciement tout en accordant une prime d’interpellation. Le salarié a interjeté appel pour obtenir la reconnaissance d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi que diverses sommes au titre du rappel de salaire prévu par l’article L. 1226-4 du code du travail et des dommages et intérêts pour résistance abusive dans le versement du solde de tout compte.
La question centrale soumise à la cour d’appel était de déterminer si l’inaptitude du salarié résultait d’un comportement fautif de l’employeur de nature à priver le licenciement de cause réelle et sérieuse. Accessoirement, la juridiction devait statuer sur le calcul du maintien de salaire postérieur à l’avis d’inaptitude et sur la caractérisation d’une résistance abusive de l’employeur.
La cour d’appel de Nîmes confirme le rejet de la demande de requalification du licenciement, mais infirme partiellement le jugement en condamnant l’employeur au paiement d’un reliquat salarial et de dommages et intérêts pour résistance abusive.
La présente décision appelle un examen portant sur les conditions de l’imputabilité de l’inaptitude à l’employeur (I), puis sur les obligations financières consécutives au licenciement (II).
I. L’appréciation restrictive de la faute de l’employeur à l’origine de l’inaptitude
A. L’exigence d’un manquement caractérisé antérieur à l’inaptitude
La cour rappelle le principe selon lequel « le licenciement pour inaptitude physique est dépourvu de cause réelle et sérieuse lorsqu’il est démontré que l’inaptitude est consécutive à un manquement préalable de l’employeur qui l’a provoquée ». Cette formulation reprend une jurisprudence constante de la chambre sociale de la Cour de cassation qui impose au salarié de rapporter la preuve d’un lien de causalité entre le comportement fautif de l’employeur et l’altération de son état de santé.
En l’espèce, le salarié produisait plusieurs attestations évoquant une volonté de l’évincer de son poste ainsi que son dossier médical mentionnant un « syndrome dépressif réactionnel ». Ces éléments, qui auraient pu constituer un faisceau d’indices concordants, se heurtent à l’analyse factuelle retenue par la cour. Celle-ci relève que le planning du mois d’août 2020 a été établi « antérieurement à cette recommandation » du médecin du travail datée du 10 août 2020. L’employeur ne pouvait donc être tenu de respecter des restrictions dont il n’avait pas encore connaissance.
Cette approche chronologique stricte illustre la difficulté probatoire pesant sur le salarié. Le seul planning de juillet 2020 était insuffisant pour établir une affectation permanente au poste de vidéosurveillance, d’autant que le planning d’août mentionnait une journée à ce poste.
B. La portée limitée de la recommandation du médecin du travail
La cour procède à une interprétation littérale de la recommandation médicale qui prescrivait de « favoriser le travail au poste vidéo pour éviter la station debout permanente ». Cette formulation n’interdisait pas la station debout, mais seulement la station debout permanente. La nuance s’avère déterminante dans l’appréciation du comportement de l’employeur.
La juridiction relève qu’il résulte d’une attestation du responsable sécurité du magasin qu’« un assis-debout a été mis en place suite à sa contre-indication d’effectuer ses vacations statique et debout ». Elle en déduit que « les seules restrictions médicales dont l’employeur avait connaissance ont bien été prises en considération pour adapter le poste ». Cette conclusion ferme la voie à toute reconnaissance d’un manquement patronal.
Cette solution s’inscrit dans une jurisprudence soucieuse de ne pas transformer l’employeur en garant absolu de la santé du salarié lorsque celui-ci a respecté les préconisations médicales portées à sa connaissance. Elle rappelle que l’obligation de sécurité, pour être méconnue, suppose un défaut caractérisé dans l’adaptation du poste aux restrictions formulées par le médecin du travail.
II. Les conséquences financières du licenciement pour inaptitude
A. Le calcul du maintien de salaire au titre de l’article L. 1226-4 du code du travail
La cour rappelle que « lorsque, à l’issue d’un délai d’un mois à compter de la date de l’examen médical de reprise du travail, le salarié déclaré inapte n’est pas reclassé dans l’entreprise ou s’il n’est pas licencié, l’employeur lui verse, dès l’expiration de ce délai, le salaire correspondant à l’emploi que celui-ci occupait avant la suspension de son contrat de travail ». Elle précise, conformément à la jurisprudence de la chambre sociale, que « cette rémunération devait comprendre l’ensemble des éléments constituant la rémunération du salarié ».
L’application de ce principe conduit la cour à retenir une base de calcul de 2 170,26 euros, intégrant le salaire de base ainsi que les primes de poste, d’habillage et d’ancienneté. Le calcul proratisé sur quatorze jours aboutit à un rappel de 980,12 euros, dont il convient de déduire la somme déjà versée de 765,60 euros. Le reliquat de 214,52 euros est ainsi alloué au salarié, outre les congés payés afférents.
Cette solution illustre l’importance de la détermination de l’assiette du salaire maintenu. L’inclusion des primes régulières et fixes dans le calcul correspond à une conception extensive de la rémunération que la jurisprudence a progressivement consolidée. L’employeur qui omet certains éléments de rémunération s’expose à une condamnation complémentaire.
B. La sanction de la résistance abusive dans le versement du solde de tout compte
La cour constate que le salarié, licencié en mai 2021, n’a obtenu qu’un paiement partiel de son solde de tout compte en décembre 2021 après intervention de son conseil, puis une régularisation définitive en mai 2023. Elle relève que « l’absence de prise en compte de l’ancienneté pour le calcul de l’indemnité de licenciement s’expliquant difficilement alors que celle-ci apparaît clairement sur chaque bulletin de salaire ».
Cette formulation traduit une appréciation sévère du comportement de l’employeur. L’erreur initiale, qualifiée par la société elle-même d’« erreur de calcul », portait sur un élément aisément vérifiable. L’indemnité de licenciement initialement fixée à 500 euros a dû être portée à près de 12 000 euros après régularisation échelonnée sur deux années.
La cour alloue 500 euros de dommages et intérêts pour résistance abusive, somme nettement inférieure aux 2 335 euros sollicités. Cette modération témoigne d’une appréciation in concreto du préjudice, le salarié n’ayant pas démontré de difficultés financières particulières résultant de ce retard. La sanction demeure néanmoins symboliquement significative en ce qu’elle stigmatise un comportement patronal négligent dans l’exécution de ses obligations.