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La Cour d’appel de Nîmes, le 8 septembre 2025, statue sur une requête en complétion d’arrêt, faisant suite à un litige de droit du travail. Le différend naît d’un licenciement prononcé pour faute grave, contesté par le salarié, sur fond d’évolution de poste et de durée du travail, puis d’un arrêt maladie suivi d’une mise à pied conservatoire. L’arrêt antérieur du 16 juin 2025 avait notamment retenu l’absence de cause réelle et sérieuse et détaillé les conséquences indemnitaires, mais le dispositif omettait de reprendre les indemnités de rupture pourtant exposées dans les motifs.
Les faits utiles tiennent à un long parcours contractuel, une promotion au statut d’agent de maîtrise, puis un arrêt de travail pour motif médical au printemps 2021. L’employeur convoque à entretien préalable en mai, prononce une mise à pied conservatoire, et licencie mi‑juin. Le conseil de prud’hommes d’Orange, le 16 novembre 2023, rejette les demandes du salarié. En appel, la Cour d’appel de Nîmes, le 16 juin 2025, infirme en partie, dit le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, valide des rappels d’heures, déclare illicite la clause de non‑concurrence, et énonce les chefs de rupture dus. L’omission intervient alors dans le dispositif, qui ne reprend pas les sommes de préavis, congés afférents et indemnité de licenciement.
Le salarié saisit la Cour le 23 juin 2025 par requête visant les articles 462 et 463 du code de procédure civile. La juridiction rappelle que l’oubli de statuer dans le dispositif, bien que la prétention soit traitée dans les motifs, ne relève pas de l’erreur matérielle. Elle précise, en des termes sans équivoque, que « Or, l’omission par le juge , dans le dispositif de sa décision, de la réponse à une prétention sur laquelle il s’est expliqué dans les motifs, constitue une omission de statuer qui ne peut être réparée que sur le fondement des dispositions de l’article 463 du code de procédure civile et non sur celui de l’article 462 du code de procédure civile. » La question posée était donc la qualification de l’oubli et l’outil procédural pertinent, afin d’assurer l’exécutabilité de la décision sans porter atteinte à l’autorité de la chose jugée.
La solution s’articule autour de l’article 463 du code de procédure civile, cité par la Cour: « La juridiction qui a omis de statuer sur un chef de demande, peut égalementcompléter son jugement sans porter atteinte à la chose jugée quant aux autres chefs ». Constatant l’omission, la Cour déclare que « Dit que l’arrêt de la Cour RG n° 23/03884 prononcé le16 juin 2025 est entaché d’une omission de statuer » et « Dit qu’il convient de compéter son dispositif par les termes suivants: », puis ordonne la mention de la décision de complétion pour assurer sa publicité et sa mise à exécution.
I. La qualification d’omission de statuer et son ancrage normatif
A. La frontière entre omission de statuer et erreur matérielle
La distinction structurante oppose l’erreur purement matérielle de rédaction, réparable par l’article 462, à l’omission de statuer, seule réparable par l’article 463. La Cour opère explicitement cette démarcation en rappelant que l’absence, dans le dispositif, de la réponse à une prétention traitée dans les motifs constitue une omission de statuer. La citation précitée fixe la ligne de partage et évite la dilution des garanties procédurales. Le rappel du texte législatif, inséré dans l’arrêt, en renforce la légitimité: « La juridiction qui a omis de statuer sur un chef de demande, peut égalementcompléter son jugement sans porter atteinte à la chose jugée quant aux autres chefs ». Ainsi, la voie choisie ne réécrit pas la décision, elle la complète sur un chef laissé sans prononcé, mais déjà raisonné.
Ce choix préserve la logique contentieuse. En effet, l’article 462 vise les lapsus calami, coquilles ou discordances matérielles, sans portée normative autonome. L’article 463, lui, rétablit l’intégrité du prononcé au regard des prétentions effectivement soumises et analysées. En conséquence, il exige une requête, un contrôle juridictionnel, et le respect des limites de la chose jugée.
B. L’application aux indemnités de rupture mentionnées dans les motifs
La Cour constate que l’arrêt du 16 juin 2025 avait statué sur le principe et l’assiette des indemnités de rupture. Elle reproduit le passage déterminant: « Le licencicement étant dépourvu de cause réelle et sérieuse, le salarié peut prétendre au paiement d’une indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents, ainsi qu’à une indemnité légale de licenciement. » La motivation est nette, la créance est caractérisée, les bases ne sont pas discutées par l’employeur, même à titre subsidiaire. Le silence du dispositif ne traduit donc pas une hésitation juridictionnelle, mais un défaut de prononcé sur un chef de demande précisément identifié.
La condition d’existence de la prétention est remplie, de même que celle de sa cristallisation par l’analyse au fond. La Cour peut dès lors compléter, sans retrancher ni modifier autre chose que l’ajout nécessaire. Elle le fait en des termes clairs, tout en s’assurant d’une publicité adéquate: « Ordonne la mention de la présente décision sur la minute et les expéditions de la décision ainsi que sa notification aux parties, ». Cette mesure de publicité garantit la cohérence de l’ensemble et sécurise l’exécution.
II. La portée de la complétion du dispositif: sécurité juridique et discipline du prononcé
A. Effets sur la chose jugée et sur l’exécution
L’article 463 est cité pour borner l’office du juge de la complétion: « …sans porter atteinte à la chose jugée quant aux autres chefs ». La Cour d’appel de Nîmes respecte ce périmètre en se bornant à intégrer au dispositif ce qui avait été tranché dans les motifs. L’autorité de la chose jugée est préservée puisque la complétion n’altère ni le sens ni la portée des autres chefs. Elle ne modifie pas davantage l’évaluation opérée, seulement son inscription dans le prononcé exécutoire.
L’intérêt pratique est immédiat. Un dispositif incomplet rend l’exécution incertaine, fragilise la délivrance de titres et compromet la liquidation des droits. La complétion restitue l’unité normative de la décision et permet l’émission de documents conformes. La Cour adopte une logique d’effectivité, en ajoutant les chefs omis, puis en ordonnant la mention sur la minute et les expéditions, pour éviter tout décalage entre motifs et dispositif.
B. Enjeux en droit du travail et exigence de rigueur rédactionnelle
La solution protège les droits issus de la reconnaissance d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, droits dont la détermination doit figurer au dispositif. Elle évite au justiciable une nouvelle instance d’exécution ou un contentieux incident inutile. Elle rappelle aussi qu’en matière prud’homale, l’identification des chefs indemnitaires doit être rigoureuse, depuis l’analyse jusqu’au prononcé, afin d’assurer la lisibilité de la condamnation.
La décision contribue à clarifier la pratique juridictionnelle en cas de discordance motifs/dispositif. Elle dissuade l’usage extensif de l’article 462 lorsque la réalité commande l’article 463. Elle s’inscrit dans une exigence de cohérence décisionnelle, en réaffirmant que l’omission de statuer ne saurait être banalisée ni camouflée en erreur de plume. En actant que « Dit qu’il convient de compéter son dispositif par les termes suivants: », la Cour consacre une méthode de correction respectueuse de la chose jugée, mais pleinement opérante pour rétablir les droits reconnus.
Ainsi, la Cour d’appel de Nîmes délivre une solution ferme et utile. Elle distingue correctement les régimes, répare l’omission par la voie adéquate, et rétablit l’efficacité du dispositif. L’arrêt, en circonscrivant la complétion à ce qui fut jugé, montre que l’exigence d’un prononcé complet relève autant de la sécurité juridique que de la loyauté du procès.