Cour d’appel de Nîmes, le 9 septembre 2025, n°24/00935

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Par un arrêt du 9 septembre 2025, la Cour d’appel de Nîmes tranche un contentieux individuel du travail portant sur les heures supplémentaires, les indemnités de trajet, le travail dissimulé et le suivi médical. Le litige oppose un salarié du bâtiment, d’abord engagé en CDD puis en CDI, à son employeur. La relation de travail est marquée par un accident du travail, puis par des réclamations salariales et indemnitaires. La formation prud’homale d’Aubenas a partiellement fait droit aux demandes au titre des heures supplémentaires et des trajets, tout en rejetant le travail dissimulé et le défaut de visite médicale. Les deux parties ont relevé appel.

Les faits utiles tiennent à l’organisation quotidienne du travail sur chantiers et aux déplacements indemnisables au regard des accords Drôme-Ardèche. Le salarié produit des tableaux journaliers et un décompte hebdomadaire des heures, tandis que l’employeur verse des attestations et des éléments épars, sans système de contrôle fiable du temps de travail. En première instance, les heures à 25 % ont été admises, les heures à 50 % rejetées, les indemnités de trajet partiellement régularisées.

La procédure d’appel oppose deux thèses. Le salarié soutient la précision de ses relevés et conteste la valeur probante des pièces adverses. L’employeur invoque des attestations internes et critique le caractère supposément uniforme des horaires allégués. Les prétentions portent aussi sur l’élément intentionnel du travail dissimulé et sur l’absence de preuve d’un préjudice autonome lié au suivi médical.

La question principale concerne l’aménagement de la charge probatoire en matière d’heures supplémentaires, au regard de l’article L. 3171-4 du code du travail, et les conséquences à tirer d’éléments unilatéraux suffisamment précis. S’y ajoutent les conditions d’indemnisation des petits déplacements, l’exigence d’un élément intentionnel pour le travail dissimulé et la nécessité d’un préjudice prouvé en cas de manquement au suivi médical. La Cour confirme l’indemnisation des trajets telle que chiffrée par le premier juge, rejette le travail dissimulé et la demande indemnitaire pour l’absence de visite médicale, mais accorde les heures supplémentaires à 50 % avec congés payés afférents.

I. Le régime probatoire des heures supplémentaires et son application

A. Un aménagement probatoire confirmant la valeur d’éléments salariés suffisamment précis
La Cour rappelle le cadre légal en ces termes: « en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié (…) le juge forme sa conviction ». Elle souligne que les tableaux journaliers et le calcul hebdomadaire « sont suffisamment précis pour permettre à l’employeur de fournir les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ». Elle précise encore que « la cour rappellera encore que le système probatoire n’exige plus que le salarié “étaye” sa demande », récusant l’exigence indue retenue par les premiers juges.

Cette approche s’inscrit dans la ligne de la jurisprudence sociale. Le salarié n’a pas à produire une preuve parfaite, mais des éléments factuels précis et exploitables. Le juge apprécie alors, au contradictoire, la convergence des pièces et la cohérence des explications. L’absence d’un dispositif fiable de contrôle du temps par l’employeur pèse dans la balance. La Cour le relève, tout en neutralisant les critiques tirées de l’uniformité alléguée des amplitudes journalières.

B. Une mise en œuvre pragmatique conduisant à l’octroi des heures à 50 %
La Cour écarte la portée décisive des attestations produites par l’employeur, jugées insuffisantes à établir la réalité des horaires quotidiens effectifs du salarié. Elle constate que les comparaisons opérées avec d’autres salariés ne démontrent pas l’identité des rythmes, ni la véracité des horaires de fin de journée. Elle retient que « les éléments fournis par l’employeur, qui n’a mis en œuvre aucun outil précis de contrôle du temps de travail et prétend notamment à l’absence de travail après 17h30, ne sont nullement à même de remettre en cause le décompte suffisamment précis du salarié ».

En conséquence, la juridiction d’appel « fait droit à la demande de paiement des heures supplémentaires majorées à 50 % », infirmant partiellement le jugement. L’évaluation souveraine, sans détail de calcul imposé, s’appuie sur la densité des éléments salariés et l’insuffisance corrélative des justifications adverses. La solution éclaire la portée utile de l’aménagement probatoire, qui ne bascule pas la charge, mais impose une réponse substantielle et contrôlable de l’employeur.

II. Les prétentions accessoires: exigences de justification, d’intention et de préjudice

A. Indemnités de trajet: nécessité d’un calcul circonscrit et d’une preuve de zone
La Cour constate d’abord que « le principe du paiement d’indemnités de trajet, sur le fondement de la convention collective du bâtiment Drôme Ardèche, n’est pas contesté ». Elle censure toutefois l’insuffisance du chiffrage adverse, notant l’absence de justification des zones appliquées et d’un « calcul précis » des sommes réclamées. Elle confirme dès lors le montant retenu par les premiers juges, déjà régularisé par l’employeur.

Cette solution illustre une exigence méthodique. Le caractère forfaitaire des barèmes de petits déplacements n’exonère pas de la preuve des zones effectivement parcourues, ni d’un décompte cohérent. La critique serrée du dossier salarié s’impose ici, à rebours du régime probatoire des heures, car le contexte normatif est conventionnel et chiffré ex ante.

B. Travail dissimulé et suivi médical: l’exigence cumulative d’intention et de préjudice
S’agissant du travail dissimulé, la Cour rappelle que « le caractère intentionnel ne peut se déduire de la seule absence de mention des heures supplémentaires sur les bulletins de paie ». Elle relève l’absence de contentieux antérieur et d’indices positifs d’une volonté de dissimulation. Elle déboute dès lors le salarié, la matérialité de l’oubli ou de la contestation des heures ne suffisant pas à elle seule à caractériser l’infraction.

Concernant la visite d’information et de prévention, la Cour considère qu’il n’est pas établi que la convocation ait été effectivement reçue. Elle ajoute cependant que « le salarié qui ne justifie pas du préjudice causé par le défaut d’organisation d’une visite médicale obligatoire peut être débouté ». Faute d’allégation et de preuve d’un préjudice autonome, la demande indemnitaire est rejetée. La solution s’inscrit dans l’abandon du préjudice nécessaire et impose un lien démontré entre le manquement et un dommage concret.

La décision opère enfin un tri complémentaire sur les demandes pécuniaires. Elle rejette la prétention de l’employeur au remboursement d’un prétendu trop-perçu, faute d’éléments probants. Elle ordonne la délivrance de documents de paie conformes et statue sur les dépens et frais irrépétibles selon l’issue du litige. L’ensemble compose une motivation structurée, ménageant la preuve aménagée en matière d’heures, tout en resserrant l’exigence de justification sur les prétentions accessoires.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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