Cour d’appel de Nîmes, le 9 septembre 2025, n°24/00942

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Par un arrêt de la Cour d’appel de Nîmes du 9 septembre 2025, sur appel d’un jugement du Conseil de prud’hommes d’Avignon du 14 février 2024, la juridiction a statué sur plusieurs demandes liées à l’exécution et à la rupture d’un contrat de travail. Le litige portait sur des salaires impayés en période d’absence de travail, un maintien de salaire pendant un arrêt maladie, des heures supplémentaires, la qualification d’un licenciement verbal, ainsi que des dommages et intérêts et une demande au titre du travail dissimulé.

Le salarié, engagé en juin 2021 comme chauffeur-livreur, affirmait n’avoir plus de travail fourni dès septembre 2021. Une ordonnance de référé avait condamné l’employeur à un rappel de salaires pour les mois de septembre à novembre 2021. Un arrêt maladie a ensuite été prescrit de février à mai 2022. Le premier juge a rejeté l’allégation de licenciement verbal, accordé un maintien de salaire pendant l’arrêt, et débouté le surplus. En appel, le salarié réclamait des salaires pour décembre 2021 et janvier 2022, des heures supplémentaires de l’été 2021, des dommages pour exécution déloyale, la reconnaissance d’un licenciement verbal, ainsi que diverses indemnités. L’employeur s’y opposait et contestait l’ensemble des griefs, notamment le maintien de salaire et les heures supplémentaires.

La Cour d’appel retient le droit à salaire pour décembre 2021 et janvier 2022 en raison de la mise à disposition du salarié, écarte le maintien de salaire pendant l’arrêt maladie faute d’ancienneté suffisante, accorde partiellement des heures supplémentaires, alloue des dommages pour exécution déloyale, rejette le travail dissimulé, et qualifie la rupture de licenciement verbal sans cause, avec application du barème légal.

I. Le règlement des créances salariales en litige

A. Salaire en absence de travail et suspension pour maladie

La Cour articule sa solution autour d’un double temps: d’abord, le salaire est dû lorsque le salarié se tient à disposition; ensuite, la rémunération habituelle cesse pendant la suspension pour maladie. Elle rappelle avec netteté le standard probatoire: « Il incombe à l’employeur d’apporter la preuve du paiement intégral du salaire ou d’un fait qui l’a libéré de cette obligation, tel le refus du salarié de travailler ou son défaut de maintien à disposition. » Le constat d’échanges confirmant l’absence de travail fourni, malgré la disponibilité du salarié, emporte condamnation au titre de décembre et janvier.

Le régime de l’arrêt maladie conduit ensuite à exclure le maintien conventionnel, faute d’ancienneté requise. La Cour réaffirme la logique de suspension et renvoie aux textes applicables, tout en précisant la hiérarchie des sources entre loi, convention collective et prévoyance. L’absence d’une année d’ancienneté écarte l’indemnité complémentaire légale; la convention collective exigeant trois ans exclut également l’indemnisation conventionnelle. La demande fondée sur la prévoyance est pareillement rejetée, faute de droit autonome à un équivalent salaire.

B. La preuve et l’évaluation des heures supplémentaires

La Cour retient une démarche équilibrée, fondée sur l’échange d’éléments concordants. Elle acte que le salarié a présenté des tableaux, trajets et plannings assez précis pour déplacer la charge de la justification vers l’employeur. Elle pose la règle utile à l’espèce: « Le salarié peut prétendre au paiement des heures supplémentaires accomplies, soit avec l’accord au moins implicite de l’employeur, soit s’il est établi que la réalisation de telles heures a été rendue nécessaire par les tâches qui lui ont été confiées. » Les plannings produits par l’employeur, génériques et édités postérieurement, sont jugés insuffisants pour établir les horaires effectifs et les pauses.

La Cour corrige toutefois le décompte du salarié en retenant certaines incohérences, et procède à une évaluation souveraine. Elle fixe un quantum à 142 heures supplémentaires, assorties des congés payés. Cette approche, pragmatique, illustre la méthode prétorienne: exigence d’éléments précis, réponse contradictoire, puis estimation raisonnable, sans détailler chaque minute.

II. La qualification de la rupture et ses conséquences

A. La preuve du licenciement verbal

La question centrale tient à la qualification d’une rupture verbale lors d’un entretien préalable. La Cour rappelle le critère décisif: « Le licenciement verbal suppose la manifestation d’une volonté irrévocable de l’employeur de rompre le contrat de travail. » Les juges retiennent les éléments circonstanciés d’un compte rendu d’entretien et la cohérence d’ensemble des faits antérieurs, notamment l’absence persistante de fourniture de travail.

La Cour écarte les tentatives postérieures de régularisation par convocation médicale ou lancement tardif d’une procédure formalisée. Ces initiatives n’effacent pas l’acte initial, ni l’atteinte au formalisme protecteur. La rupture, intervenue sans lettre motivée, produit donc les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Le barème légal s’applique, la faible ancienneté fixant un plafond d’un mois.

B. Portée indemnitaire et demandes rejetées

La Cour cadre la réparation dans le schéma légal. Elle relève expressément la contrainte posée au juge: « Les juges du fond ne peuvent pas condamner l’employeur, même dans des cas exceptionnels, à payer au salarié une somme supérieure au montant maximal prévu par cet article. » L’indemnité allouée au titre de l’absence de cause s’établit donc au maximum d’un mois, avec les accessoires classiques: préavis, congés payés et indemnité légale.

Le grief d’exécution déloyale est accueilli, la Cour relevant l’ensemble des manquements: non-paiement répété, courriers fallacieux, désorganisation constatée, et retentissement personnel. Un quantum de 4 000 euros est alloué, distinct de la rupture. En revanche, la dissimulation d’emploi n’est pas caractérisée, faute d’élément intentionnel. La Cour le souligne avec fermeté: « Le caractère intentionnel ne peut se déduire de la seule absence de mention des heures supplémentaires sur les bulletins de paie. » La garantie de l’organisme compétent est rappelée dans les termes légaux, sous plafonds et conditions d’insuffisance d’actif.

Ainsi se dessine une décision d’équilibre. Elle rétablit les droits salariaux en période de mise à disposition, refuse l’extension indue du maintien de salaire, indemnise l’excès de pouvoir dans la rupture, et consolide la méthode probatoire des heures supplémentaires, sans ouvrir à des qualifications pénalisantes non établies.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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