Cour d’appel de Nouméa, le 11 septembre 2025, n°24/00037

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Par un arrêt du 11 septembre 2025, la cour d’appel de Nouméa, chambre commerciale, tranche un contentieux de revendication mobilière en contexte de liquidation judiciaire. La difficulté centrale concerne le point de départ et la rigueur du délai de revendication, ainsi que la recevabilité des voies de recours en période de crise institutionnelle.

La liquidation a été ouverte le 4 mai 2023 et publiée au Journal officiel le 23 mai 2023. Un propriétaire a revendiqué, tardivement, un tracteur Massey Ferguson, d’abord oralement, puis par écrit en décembre. Par ordonnance du 23 novembre 2023, le juge-commissaire a constaté l’inopposabilité des droits allégués et ordonné la vente. Le 29 mai 2024, la juridiction commerciale a réformé cette ordonnance, retenant l’impossibilité d’accès aux publications officielles. Le mandataire liquidateur a interjeté appel le 19 juin 2024. Un autre revendiquant, au sujet d’un tracteur John Deere, a formé un appel incident en juin 2025.

L’appelant sollicitait l’infirmation du jugement, l’intégration des biens dans l’actif et la confirmation de l’ordonnance. Le propriétaire, non constitué devant la cour, avait demandé la restitution du Massey Ferguson en première instance. L’intervenant incident réclamait la restitution du John Deere, des frais et l’infirmation corrélative.

La question posée était double. D’abord, le délai de trois mois de l’article L. 624-9 du code de commerce court-il strictement à compter de la publication, malgré des obstacles d’accès allégués aux annonces officielles. Ensuite, la recevabilité des recours doit-elle être gouvernée par les mesures dérogatoires adoptées après la crise de mai 2024, et l’appel incident par l’exigence d’intérêt à agir.

La cour admet la recevabilité de l’appel principal au regard des mesures exceptionnelles, retient la forclusion de la revendication et infirme le jugement. Elle déclare enfin irrecevable l’appel incident pour défaut d’intérêt, rappelant la voie idoine contre l’ordonnance du juge-commissaire.

I. La stricte computation du délai de revendication et l’infirmation du jugement

A. Le point de départ légal et la rigueur du délai triennal abrégé

Le texte de référence impose que « la revendication des meubles ne peut être exercée que dans le délai de trois mois suivant la publication du jugement ouvrant la procédure ». La publication au Journal officiel est justifiée au 23 mai 2023, de sorte que le terme expirait le 23 août 2023. La cour souligne l’exigence de sécurité des procédures collectives, qui commande une computation certaine et opposable, sans modulation prétorienne des délais de forclusion.

Cette lecture s’inscrit dans la finalité de célérité et de stabilité des opérations de réalisation d’actifs. Elle garantit l’égalité d’information attachée à la publicité légale et évite l’insécurité qui résulterait d’appréciations subjectives d’accessibilité. L’arrêt écarte toute cause de suspension non prévue par le texte et maintient une interprétation littérale des délais.

B. L’écartement des obstacles allégués d’accès aux publications et ses conséquences

Le premier juge avait retenu l’impossibilité d’accès aux publications officielles pour admettre la recevabilité de la revendication tardive. La cour adopte une position inverse, fondée sur la lettre claire du code de commerce et la preuve de la publication légale. Elle affirme la forclusion et prononce l’infirmation du jugement, retenant une solution de stricte légalité.

Le cœur de la motivation est net et bref, révélateur d’une orthodoxie contentieuse: « Le jugement sera infirmé. » L’office du juge de l’appel se borne ici à restaurer l’équilibre du régime des délais, sans ajouter de conditions étrangères au texte. Cette rigueur, cohérente avec la protection de l’universalité, ferme la voie à des revendications tardives qui désorganiseraient la liquidation.

II. L’encadrement des voies de recours en période de crise et l’intérêt à agir

A. La recevabilité de l’appel principal à l’aune des mesures dérogatoires

L’arrêt applique la délibération du 7 juin 2024, dont l’article 4 dispose: « Tous les actes, demandes, formalités, inscriptions, déclarations, notifications, contestations ou publications qui auraient dû être accomplis au cours de la période définie à l’article 1er sont réputés avoir été faits à temps s’ils ont été effectués dans un délai de deux mois à compter de la fin de cette période. » Le recours formé le 19 juin 2024, à la suite d’une notification début juin, entre dans ce champ.

La solution est explicitement consacrée par une formule brève, mais décisive sur le terrain procédural: « Il est donc recevable. » La cour articule ainsi droit dérogatoire et droit commun des voies de recours, sans altérer l’économie des délais, et en assurant la continuité du service de la justice commerciale malgré la crise.

B. L’irrecevabilité de l’appel incident faute d’intérêt et de voie appropriée

L’arrêt constate que l’intervenant n’avait pas exercé de recours contre l’ordonnance du 23 novembre 2023, laquelle avait intégré son bien revendiqué dans l’actif. Il relève, en outre, que le jugement déféré ne portait pas atteinte à ses droits, aucune prétention réciproque ne l’ayant visé. La combinaison de l’article 546 du code de procédure civile et des règles propres aux recours contre les ordonnances du juge-commissaire conduit à une fin de non-recevoir.

La motivation retient une formule limpide, conforme aux exigences d’intérêt à agir et de bonne administration des recours: « Son appel incident sera en conséquence déclaré irrecevable. » Cette solution évite le détournement des voies de recours incidentes pour remettre en cause, par ricochet, une ordonnance devenue définitive faute d’attaque dans le délai utile.

L’arrêt opère ainsi un double rétablissement des équilibres: rigueur dans la computation des délais de revendication et discipline des voies de recours, selon des motifs sobres et des énoncés normatifs clairs. L’économie de la procédure collective en sort consolidée, la prévisibilité des opérations également.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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