Cour d’appel de Nouméa, le 28 juillet 2025, n°25/00073

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Rendue par la Cour d’appel de Nouméa, chambre civile, le 28 juillet 2025, l’espèce oppose un organisme de recouvrement à un débiteur à propos de la validité d’une saisie-arrêt opérée sur un compte bancaire. La mesure, décidée le 17 décembre 2024 et dénoncée dans les formes, visait l’exécution de contraintes demeurées sans opposition. Le premier juge, statuant le 4 mars 2025 au sein de la section détachée de Koné, a refusé la validation, ordonné la mainlevée, et retenu le caractère « irrégulier et abusif » de la démarche au regard d’un « reste à vivre » et du coût de la saisie. L’appel, formé le 19 mars 2025, sollicitait l’infirmation et la validation de la mesure.

La question posée tenait, d’une part, à la régularité de la saisie au vu de titres exécutoires non contestés et, d’autre part, au contrôle d’un éventuel abus en présence de sommes modestes sur un compte bancaire en Nouvelle-Calédonie. La cour répond en deux temps en jugeant que « Elle justifie ainsi de titres exécutoires incontestables fondant la saisie » et que « La procédure de saisie est régulière en la forme ». Elle précise ensuite que « Par ailleurs, la règle du solde bancaire insaisissable instaurée par le Code de Procédure Civile d’Exécution métropolitain n’est pas applicable en Nouvelle Calédonie », de sorte que « La saisie n’est donc nullement abusive ».

I. La régularité et le champ des voies d’exécution

A. La force des titres et la régularité de la procédure

La cour constate que l’organisme produit les contraintes signifiées et le certificat de non-opposition, conférant leur caractère exécutoire aux titres. Le rappel, sans équivoque, de ce socle formel emporte la solution de principe sur la validité externe de la saisie. L’énoncé « Elle justifie ainsi de titres exécutoires incontestables fondant la saisie » éclaire le raisonnement, en articulant la justification probatoire au contrôle juridictionnel de l’exécution. Dans sa continuité, l’affirmation « La procédure de saisie est régulière en la forme » tranche toute contestation procédurale et rétablit la hiérarchie des conditions d’exécution forcée.

Cette approche respecte le droit des procédures civiles d’exécution en ce qu’elle isole d’abord la validité originaire du titre et la conformité des diligences aux prescriptions requises. Elle n’anticipe nullement sur l’opportunité de la voie choisie, distinction utile pour ne pas confondre régularité et proportionnalité. Elle s’inscrit, en outre, dans une jurisprudence constante qui réserve l’exception d’irrégularité à des vices de forme ou de compétence, et non à une appréciation socio-économique du recouvrement.

B. La liberté de choix de la voie et l’incertitude ex ante du solde

Le contrôle de la cour s’attache ensuite à la légitimité du recours à la saisie-arrêt au regard des circonstances. Elle énonce que « Un créancier est libre d’utiliser les voies d’exécution qu’il entend afin de recouvrer son dû », rappelant la liberté de choix des mesures, sauf détournement ou disproportion manifeste. Cette liberté s’apprécie ex ante, ce que confirme l’ajout suivant : « De plus, le créancier n’est pas à même de connaître le solde créditeur d’un compte avant d’avoir effectué sa saisie ». Le juge admet ainsi l’asymétrie d’information qui caractérise l’exécution sur comptes.

La cour rattache cette liberté à l’effectivité de la mesure, qu’elle objective en relevant que « Un solde créditeur de 151. 755 XFP sur le compte était disponible et cette somme a été appréhendée, ce qui n’est pas négligeable ». Le constat dissipe l’argument tiré d’une prétendue inanité de la saisie et neutralise la critique de disproportion économique fondée sur le rapport coûts‑somme appréhendée. Il entérine une logique d’efficacité minimale, où l’utilité concrète suffit à justifier la voie retenue.

II. Le contrôle de l’abus en l’absence de solde bancaire insaisissable

A. L’inapplicabilité du solde bancaire insaisissable en Nouvelle-Calédonie

Le pivot de l’arrêt réside dans le refus d’importer un mécanisme protecteur non applicable localement. La cour affirme que « Par ailleurs, la règle du solde bancaire insaisissable instaurée par le Code de Procédure Civile d’Exécution métropolitain n’est pas applicable en Nouvelle Calédonie ». Elle écarte ainsi le fondement principal sur lequel s’était appuyée la juridiction de première instance pour qualifier la saisie d’abusive. L’énoncé garantit la cohérence normative, en réservant l’introduction de filets sociaux bancaires à l’interven­tion du législateur compétent.

Cette solution rappelle que la protection minimale du débiteur ne peut résulter d’une transposition prétorienne d’un régime étranger au territoire. Elle limite le contrôle du juge à la détection d’abus caractérisés, sans pouvoir créer une insaisissabilité bancaire générale. Elle préserve, en conséquence, la lisibilité du droit de l’exécution en opposant une frontière nette entre politique sociale et office du juge. Elle n’exclut pas, pour autant, l’application d’insaisissabilités spéciales ou de textes locaux, lorsqu’ils existent.

B. La proportionnalité de la saisie et la teneur du contrôle d’abus

Sur le grief d’abus, la cour adopte un contrôle sobre, qu’elle conclut par « La saisie n’est donc nullement abusive ». Elle retient l’existence de titres valables, l’utilité de la mesure et l’absence de mécanisme légal imposant un reste à vivre bancaire. Cette grille circonscrit l’abus à des hypothèses qualifiées, telles que le détourne­ment de la procédure ou la multiplication vexatoire des actes. Elle refuse de bâtir une proportionnalité autonome fondée sur l’équilibre économique de la saisie et la situation budgétaire alléguée du débiteur.

La motivation liminaire sur l’absence de comparution, présentée comme révélatrice d’un défaut de moyens, demeure discutable dans une perspective d’accès au juge. Elle n’influe toutefois pas sur le syllogisme décisoire, porté par la régularité, l’inapplicabilité du solde insaisissable et l’utilité constatée. Le refus d’allouer des frais irrépétibles à l’exécutant tempère enfin la solution en évitant une charge supplémentaire, sans altérer l’équilibre retenu. L’arrêt érige ainsi un standard de contrôle mesuré, à portée pratique nette pour l’exécution en comptes sur le territoire.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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