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La cour d’appel de Nouméa, 4 septembre 2025, statue sur renvoi après cassation partielle du 15 novembre 2023, en matière sociale. Le litige porte sur la validité d’une période d’essai stipulée après plusieurs années de collaboration antérieure et sur la qualification de la rupture.
Le salarié, engagé en contrat à durée indéterminée le 7 septembre 2017, soumis à un essai renouvelé, a vu cet essai rompu le 12 décembre 2017 par l’employeur. Il travaillait auparavant comme indépendant pour le même donneur d’ordres, avec une intensité devenue exclusive à compter de 2016, et a déclaré un accident du travail début octobre 2017.
Le tribunal du travail de Nouméa, 30 juillet 2019, avait requalifié la relation antérieure et jugé la rupture dépourvue de cause réelle et sérieuse. La cour d’appel de Nouméa, 29 juillet 2021, avait infirmé ce jugement, puis la Cour de cassation, 15 novembre 2023, a cassé partiellement pour défaut de réponse sur la validité de la période d’essai. Le renvoi limite le débat à l’essai stipulé le 7 septembre 2017 et aux conséquences de la rupture inhérentes à ce seul contrat.
L’employeur invoquait la régularité de l’essai et la réduction des indemnités; le salarié soutenait la nullité de la clause et la qualification de licenciement sans cause réelle et sérieuse. La question est de savoir si, compte tenu d’une collaboration antérieure permettant une évaluation complète, la clause d’essai pouvait valablement être stipulée, et quelles en sont les suites. La cour annule la clause d’essai, retient un licenciement sans cause réelle et sérieuse, mais borne les indemnités à l’ancienneté salariée limitée et au préjudice prouvé. Il convient d’abord d’expliquer le contrôle exercé sur la validité de l’essai au regard de la collaboration antérieure, puis d’apprécier la portée indemnitaire de la solution retenue.
I. La validité de la période d’essai à l’épreuve d’une collaboration antérieure
A. Cadre normatif et contrôle du juge
La cour rappelle le cadre conventionnel applicable en Nouvelle‑Calédonie et la finalité de l’essai, en s’appuyant sur des énoncés généraux et précis. « Il résulte des dispositions de l’article 38 de l’AIT que tout contrat de travail à durée indéterminée peut comporter une période d’essai pendant laquelle les parties peuvent résilier le contrat de travail sans préavis ni indemnité d’aucune sorte. »
L’objectif fonctionnel de l’essai est ensuite précisé, dans des termes constants de la jurisprudence sociale. « Il est constant que la période d’essai a pour objectif de permettre à l’employeur d’évaluer les compétences du salarié dans son travail, notamment au regard de son expérience, et au salarié d’apprécier si les fonctions occupées lui conviennent. »
Le contrôle de validité se concentre sur la connaissance antérieure des aptitudes, acquise lors d’un engagement précédent ou d’une collaboration révélatrice. « Pour déclarer nulle une clause prévoyant une période d’essai, il appartient à la cour de rechercher si l’employeur a été en mesure d’apprécier les qualités professionnelles du salarié à l’occasion d’un contrat de travail précédent. »
La charge de la preuve d’un motif étranger aux compétences, en cas de rupture de l’essai, pèse sur le salarié, selon une solution classique. « En revanche, l’employeur n’ayant pas à justifier sa décision de rompre le contrat de travail, c’est au salarié, qui soutient que sa période d’essai a été rompue pour un motif sans lien avec ses qualités professionnelles, de le démontrer (Soc. 23 mars 2011, n° 09-67.487). » Ainsi se dessine un double contrôle, ex ante sur la validité de la clause, ex post sur le motif réel de la rupture alléguée.
B. Application concrète et motivation de l’annulation
La cour retient une collaboration continue, exclusive et organisée, révélant une intégration au service de l’entreprise et une observation prolongée des aptitudes professionnelles. Les éléments comptables, la nature des tâches et l’organisation collective caractérisent une évaluation préalable incompatible avec un nouvel essai probatoire.
« Dès lors que la stipulation d’une période d’essai au contrat de travail du 7 septembre 2017 est nulle, il doit être considéré que la relation de travail a été rompue par l’employeur sans cause réelle et sérieuse, à défaut de respect de la procédure de licenciement notamment à défaut de motivation de la rupture. » La circonstance d’un arrêt de travail concomitant renforce l’examen de cohérence, sans inverser la charge probatoire retenue par la jurisprudence sociale. « Enfin, la rupture du contrat est intervenue après l’arrêt de travail du salarié intervenue pour lombalgie aigüe et sciatalgie gauche, si bien que la cour peut légitimement s’interroger sur les motivations de l’employeur de mettre fin à cette soit-disant période d’essai. »
La solution s’inscrit dans le courant jurisprudentiel sanctionnant les clauses d’essai de pure forme après une relation révélant déjà les qualités professionnelles. L’annulation entraîne des conséquences directes sur la qualification de la rupture et sur l’étendue des droits pécuniaires ouverts.
II. La portée indemnitaire et le bornage par l’ancienneté salariée
A. Requalification de la rupture et droit au préavis
Privée d’essai, la rupture s’analyse en licenciement sans cause réelle et sérieuse, faute de procédure et de motivation, conformément à la motivation de renvoi. L’indemnité de licenciement est écartée, l’ancienneté salariée étant inférieure à deux ans, selon les textes applicables en Nouvelle‑Calédonie. En revanche, le droit au préavis demeure, conformément à la règle légalement posée pour les salariés de faible ancienneté. « Lorsque le licenciement n’est pas motivé par une faute grave, le salarié a droit : 1°S’il justifie chez le même employeur d’une ancienneté de services continus inférieure à six mois, à un préavis déterminé dans les conditions prévues à l’article Lp. 122-38 ; »
La cour calcule en conséquence une indemnité compensatrice de deux semaines, assortie des congés afférents, à partir du salaire contractuel de référence. Les intérêts suivent le régime usuel distinguant créances salariales et indemnitaires, dans un schéma désormais classique.
B. Évaluation du préjudice et cohérence avec l’article Lp. 122‑35
L’office du juge consiste à apprécier le préjudice, en tenant compte de l’ancienneté courte et des circonstances personnelles du salarié. « Si ce licenciement survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l’entreprise, avec maintien de ses avantages acquis. » « Toutefois, lorsque l’ancienneté du salarié est inférieure à deux ans et que le licenciement survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse, l’indemnité octroyée par le juge est fonction du préjudice subi et peut, de ce fait, être inférieure aux salaires des six derniers mois. »
L’indemnité principale est limitée à un mois de salaire; une indemnité distincte pour préjudice moral d’égal montant est accordée au vu des circonstances. La solution concilie la sanction de l’usage dévoyé de l’essai et le bornage légal des réparations liées à une ancienneté salariée réduite. Elle confirme, enfin, que le périmètre du renvoi n’autorise ni requalification générale antérieure ni calculs fondés sur la relation commerciale passée. L’arrêt clarifie l’articulation entre essai et collaborations antérieures, tout en sécurisant le régime indemnitaire propre au droit calédonien.